I.3.1.2 L'intégration nationale
L'actuel Président de la République du
Cameroun, Paul Biya, définit la notion de nation dans Pour le
Libéralisme Communautaire comme une communauté humaine
consciente de son unité et de sa solidarité, des armes pour
transcender les barrières d'ordre linguistique, ethnique et religieux.
Par conséquent, l'adjectif qualificatif national désigne la
quête des valeurs, des idéaux et des aspirations partagés
par les citoyens d'une nation. A cet effet, l'intégration nationale
désigne la politique gouvernementale qui vise à susciter chez le
citoyen le sentiment d'appartenance à un territoire donné et
à l'assurance de se sentir comme à la maison partout au Cameroun.
L'application de cette politique a débuté en 1961 à la
faveur de l'instauration du fédéralisme. Aussi, les
fonctionnaires étaient-ils affectés partout à travers le
pays pour une cause précise : servir la nation. Par ailleurs, les
populations, affirme Mbile, étaient encouragés à trouver
du travail de part et d'autre. La présence de nombreuses
communautés du grand Sud camerounais dans les plantations de la CDC
participe de la dite politique. Ses fruits sont la multiplication des mariages
inter-ethniques et la naissance des enfants hybrides entre les
différentes communautés nationales. Cet état des choses,
souligne Mbile, n'a été possible qu'au prix de la
clairvoyance politique des différents Chefs d'Etat, bâtisseurs de
la paix et de la stabilité politique dont les Camerounais tirent
fierté aujourd'hui.
I.3.1.3 Patriotisme
Le patriotisme se conçoit comme l'amour porté
par un citoyen à la patrie. Ce sous-thème est manifeste dans
l'ensemble des deux publications de Mbile. Malgré ses défaites
politiques, notamment le rattachement manqué au Nigéria ou son
éviction du gouvernement Muna, Mbile a continué, comme tous ses
camarades du combat politique, à servir la nation avec
dévouement. A ce titre, il plaint la jeunesse actuelle. Il la trouve
éprise par la quête effrénée du grain facile. Tout
le contraire de son époque racontée dans le premier chapitre de
Cameroon Political Story intitulé : « My Early
Days ». Mbile y précise la petitesse des salaires. Ils
étaient invariablement proportionnels à la ferveur de servir la
nation. Il souligne par ailleurs les sacrifices consentis au nom du
Cameroun.
I.3.1.4 Le problème anglophone
Evoquer une telle question impose de définir la notion
d'Anglophone. Elle est conçue par Gam Kwi comme :
A person speaking English especially where English is not the
only language spoke...an indigene whose first culture is Anglo-Saxon and whose
problem is that of identification within a cultural milieu which is 85 per cent
Gaullic (Ngoh, 189:2004).
Aussi, le problème Anglophone revient-il à
souligner la plainte relative à la marginalisation des populations
originaires de l'ancien Cameroun britannique. En d'autres termes, les
Camerounais anglophones ne joueraient pas les premiers rôles au niveau de
la prise des décisions. Selon Joseph Takougang cité Gam Nkwi, en
1991, 37 of the 47 Senior Prefets [Senior Divisional Officers] were Beti
[Francophones], as where three-quarters of the directors and general managers
of the parastatals, and 22 of 38 high-ranking bureaucrats who had been
appointed in the newly created office of the Prime minister». Ce
problème tire sa genèse, selon Gam Nkwi, de la conférence
de Foumban en 1961. En effet, les dignitaires de l'ex-Cameroun britannique
étaient divisés sur la question du Plébiscite et s'y
étaient rendus en rangs dispersés. A l'occasion, le statut de
langue inférieure fut conféré à l'anglais
« The revised constitution shall be published in French and English,
the French text being authentic ». Cette question fait couler
beaucoup d'encre et de salive auprès des chantres. A ce tire, Njoh
Litumbe (1993 :2) préconise le retour au fédéralisme
comme alternative à la souffrance des populations anglophones :
« I present to those who believe in Federalism
that one political party has been consistent since its inception in preaching
Federalism for a bi-cultural Cameroon, and i urge all of you to seek it out and
join it so that together we can constitute a political bargaining
force ».
Selon Njoh Litumbe, atteindre cet objectif exige aux
populations des deux provinces Anglophones, en l'occurrence le Sud-ouest et le
Nord-Ouest de rester unies afin de rassembler la force indispensable à
la libération du joug francophone. Il rejoint de ce fait la thèse
de Kenneth Asa'ah Fon-Ndikum. Selon ce dernier, il est impératif de
redéfinir les priorités et de taire le différent
Nord-Ouest / Sud-Ouest car, affirme-t-il, « the NW/SW issue is a
non-issue». Aussi, la communauté anglophone doit-elle tirer
avantage, précise Francis Wache, du ferme engagement littéraire
des écrivains de la dimension de Bate Bisong, Bole Butake...car leur
aura est capable de mobiliser le peuple « liberation does not come as
a gift from anybody ; it i seized by the masses with their own
hands » (Ngwane, 1990 :30).
Au sujet de la question anglophone, Nerius Namaso Mbile
demande à la postérité de ne point tenir rigueur aux
membres de l'opposition car le projet de constitution rédigé par
leurs homologues du Cameroun oriental ne leur avait été
présenté qu'à Foumban. Pourtant, le conclave
préparatoire de Mankon à Bamenda aurait dû servir de cadre
à ce travail. Aussi, leur tâche se réduisait-elle à
parcourir et à en faire des propositions d'amendements dans des
délais peu humains. D'ailleurs, au sujet des conditions de
rédaction de cette constitution-là, Mbile est peu amère.
Les rédacteurs qu'ils étaient, pense-t-il, auraient pu produire
du bon comme du mauvais en cinq jours comme en cinq mois. Aussi, invite-t-il
ses compatriotes à taire la querelle des délais brefs. Même
si les Camerounais du bord occidental étaient partis de Foumban peu
comblés au regard de leurs attentes de départ formulées
à Mankon, aucun regret ne devrait être exprimé à
cause des événements à l'origine de l'abandon des clauses
de Mankon. A ce niveau, Mbile nuance ses propos. Les propositions de Bamenda,
affirme-t-il, présentaient également des risques. Une large union
avec deux Etats fédérés à forte autonomie aurait
sans doute pu céder à la moindre fiction pour deux raisons
fondamentales : les éventuels élans séparatistes d'un
Cameroun occidental trop libre de ses mouvements et la possibilité du
déclenchement d'une guerre civile au cas où les compatriotes de
l'Est venaient à s'opposer à la rupture. Nul ne peut affirmer
qu'un Cameroun occidental séparé, pense Mbile, n'aurait pas
produit un autre Macias Nguela, un dictateur. La fédération libre
telle que conçue à Mankon projetait le spectre du danger et des
troubles graves.
Nous venons de décrire l'histoire de la politique du
Cameroun du point de vue de l'auteur du corpus de choix-Nerius Namaso Mbile.
Tout ceci mais surtout la bonne compréhension du
« problème anglophone », sont des pistes qui nous
servirons dans la suite de notre travail, pour établir le lien entre la
traduction politique et la scène politico-historique du Cameroun.
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