3. Le statut du califat
La proclamation d'un calife apparaît, selon les auteurs
précédemment cités du moins, comme une obligation sous
peine de commettre un pêché collectif. Le califat apparaît
nécessaire car il ne laisse pas la communauté abandonnée
à l'anarchie d'une part : la coutume devenant loi, la proclamation d'un
calife a adossé son caractère obligatoire. D'autre part, la
proclamation d'un imam est le gage du respect et de l'application des
règles fondamentales émises par le Législateur à
savoir la défense de la religion, des vies humaines, de la raison, de
l'intégrité des lignages et des propriétés et
enfin, de l'honneur. Mais ces points de vue présentent une certaine
faiblesse, c'est que s'appuyant sur la loi islamique, ils ne peuvent citer
aucun verset du Coran relatif à l'obligation de l'institution califale.
Les théologiens se sont alors contentés, en vue d'expliquer le
caractère obligatoire du califat, de développements aux allures
logiques et rationnelles. N'en déplaise à Rachid Rida, l'auteur
déclare aussi que rien dans le Hadith et donc dans la sunna ne
légitime l'obligation d'un tel système13 : « Le
califat, n'a pas été négligé seulement par le
Coran, qui ne l'a même pas évoqué, il a été
ignoré tout autant par la sunna, qui n'en fait aucune mention
»14. Certaines évocations des termes « imamat
», « allégeance », « communauté », mais
rien ne laisse penser, même à la lecture de certains propos du
Prophète, que la loi islamique reconnaît le principe du «
grand imamat » comme un intérim strictement semblable des fonctions
du Prophète. Pour déconstruire ce raisonnement largement
répandu, quand bien-même les hadiths seraient authentiques, et les
termes auraient le même sens que lui prêtent les partisans de
l'obligation de l'allégeance à un calife, l'auteur argue que
même en évoquant un certain type de gouvernement, ce dernier ne
sera pas pour autant un fondement dans la loi inspirée de Dieu.
Rien ne prouverait explicitement que l'institution califale
puisse être considérée comme l'un des dogmes religieux. En
outre, et pour renforcer son propos, Ali Abderraziq
13 L'auteur donne notamment l'exemple de versets du
coran sur-interprétés et présentés
comme la preuve de l'obligation de la proclamation d'un imam :
Coran IV, 59 ; Coran IV, 83
14 Idem p 67.
18
pose une série de questions rhétoriques tendant
à infirmer les arguments adverses : « Ne sommes-nous pas tenus par
la loi religieuse d'être généreux envers les mendiants,
respectueux envers les pauvres ? Un homme sensé peut-il conclure qu'il
faudrait nous forcer à avoir parmi nous des pauvres et des mendiants ?
»15. L'affirmation de l'obligation du califat selon la loi
islamique est une interprétation et un consensus entre
théologiens lourd de conséquences car il détermine un
système politique figé dans le temps découlant d'une
prétendue loi islamique.
|