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L'Islam et les fondements du pouvoir dans l'Egypte des années 1920

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par Sophia El Horri
Ecole normale supérieure de Lyon - Master 1 d'histoire des idées 2011
  

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II. L'impossibilité de déduire du message prophétique la nécessité de l'institution califale

Dans cet essai, l'auteur signale dans une première partie l'origine controversée des pouvoirs du calife et tente de remettre en cause la légitimité des califes à gouverner. Si le calife est le successeur du prophète dans sa mission, alors tout le problème est de s'interroger sur « l'exacte nature de la mission du prophète »9. Or, c'est bien là l'innovation d'Ali Abderraziq : ne pas écarter le prophète comme objet d'étude historique, par convention ou pas peur de toucher à la dignité du prophète. Si la nature de la mission du prophète était religieuse, cela exclut de fait la constitution d'un Etat. Il démontrera par la suite que rien ne justifie la constitution d'un Etat islamique par respect des préceptes religieux car rien ne le laissait croire dans les textes religieux. C'est ainsi qu'il conclut que le califat est une institution politique plus qu'une fonction religieuse, née dans un contexte de troubles et d'expansions territoriales. Le califat serait selon Ali Abderraziq la constitution d'un Etat arabe sur la base d'un appel religieux, ce qui en ferait une institution étrangère à la religion. L'auteur en appelle donc à une remise en cause globale du système de gouvernement islamique dont le calife est la clef de voûte et à l'édification d'un système de gouvernement réaliste, temporel et qui lancerait l'Egypte dans la course au progrès entre nations.

L'essai est constitué de trois grandes sections « Le califat et l'islam », « Islam et gouvernement » puis « Califat et gouvernement à travers l'histoire » toutes trois divisées en trois sous-chapitres.

1. Le califat et l'Islam

À chaque début de chapitre, l'auteur présente les différents points qu'il traite. Pour ce premier chapitre, il explicite sa méthode, qui est de définir d'abord l'institution du califat et ce qu'elle porte en elle comme enjeux au niveau tant politique que religieux. Sans définition et replacement des termes dans leur contexte, l'auteur ne peut prétendre à les

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9 Ali Abderraziq, L'Islam et les Fondements du pouvoir, op. cit. p 99.

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réévaluer et à critiquer l'usage qu'il en a été fait, au tout début de l'islam jusqu'à la période qui le concerne le plus, à savoir l'après indépendance égyptienne.

2. La nature du califat

En effet, l'auteur revient sur la racine linguistique du mot « califat » : KH-L-F et détermine ses différentes déclinaisons morphologiques et sémantiques. Dans une des acceptions, celle qui intéresse évidemment le plus le point de vue de l'auteur, le califat (khilafa) est « le remplacement d'une personne en raison de son absence, de sa mort, de son incapacité, etc. {É} Le calife est le détenteur du pouvoir suprême »10. Ensuite, l'auteur donne les définitions d'Al-Baydawi et d'Ibn Khaldun, et il en ressort que le califat est la direction des croyants selon la loi islamique, la garantie de la sauvegarde de la religion et de ses préceptes après la mort de l' « auteur de la loi sacrée ».

La fonction du califat est de prolonger l'oeuvre du prophète, celui qui a reçu la révélation divine, et qui avait la tâche de la transmettre de la part de Dieu et d'appeler l'humanité à l'embrasser. Les définitions citées montrent également que la tâche confiée au prophète était un projet politique, défense de la religion et gouvernement des croyants apparaissent corrélés. La tâche du calife est, selon les mêmes auteurs, d'autant plus légitime et « en droit » qu'il est considéré comme le représentant du prophète : « il a droit à assumer la direction générale des affaires de la umma 11» et de ce fait il est droit d'exiger aussi l'obéissance totale, et à disposer d'un pouvoir absolu. Aucun être humain, aux yeux des musulmans, ne peut s'élever à ce stade. Il semble que non seulement la `umma confère ce pouvoir et cette dignité au calife mais aussi qu'il la possède aussi comme une propriété inhérente. Une question reste encore inexpliquée : d'où est-ce que le califat tient un pouvoir aussi étendu? Deux théories s'opposent : la première considère que le calife tient son autorité directement de Dieu; l'auteur cite certains vers qui désignent le calife comme l'ombre de Dieu sur terre, l'élu providentiel qui accède au califat ainsi qu'il y a été prédestiné. La seconde désigne le calife comme le dépositaire du pouvoir de la umma ; le théologien Al Kasani décrit ce processus dans son livre Al Fawa'id al-bahiya fi tarajim al hannafiyya : le délégataire de pouvoirs agit en vertu de la délégation qui lui est donnée et au nom des droits que détient la

10 Idem p 53

11 Idem p 55

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personne qui l'a délégué. Son mandat expire dès que l'acte qui est à l'origine de sa délégation devient nul. La communauté confie le pouvoir au calife pour gouverner selon ses intérêts et si ce dernier décide de destituer un juge par exemple, il le peut selon la légitimité que lui a octroyée la communauté.

Le respect et l'obéissance au calife équivalent au respect et à l'obéissance face à l'islam et à Dieu, c'est ainsi que dans cette acception là, « désobéir à l'un revient à désobéir à l'autre »12. On peut dès lors pousser jusqu'à comparer sa puissance à l'ordre du divin. Il concentre en lui tous les pouvoirs, qu'ils soient temporels ou religieux, et en dehors de sa personne, nul n'est disposé à avoir le pouvoir. Le partage des pouvoirs n'existe donc pas dans le système califal, du moins à travers ces diverses définitions. Cela voudrait-il dire que le calife n'a aucune limite ? Qu'est ce qui l'oblige dans ces fonctions ? Y a-t-il un droit du calife ? De la même manière que la loi religieuse le place dans cette position, elle en limite aussi l'étendue. Le calife ne peut outre passer la loi islamique, il ne peut l'enfreindre, il se doit de gouverner selon des principes vertueux, pour son salut à lui, mais aussi pour celui de tous les croyants. Les raisons qui l'amènent au pouvoir sont celles aussi qui le régissent. Il ne peut donc pas, par ces mêmes lois, devenir un despote. Un calife qui commet l'injustice ou qui se rend coupable de concupiscence se destitue lui-même d'office et devient alors antinomique.

Après ces définitions sur l'institution califale, son rôle originel, et ses limites, Abderraziq procède, toujours selon Al Baydawi et Ibn Khaldun, à certaines distinctions conceptuelles. Ces auteurs ont ainsi mis en lumière les différences fondamentales entre califat et royauté. La royauté est un paradigme et un système de pouvoir différent de celui du califat ; qu'elle soit naturelle ou rationnelle, la royauté consiste à astreindre à un droit positif, posé soit selon les désirs et desseins du roi soit selon des lois normatives rationnelles visant à la cohésion et à la paix du corps politique. Le califat, quant à lui, tire son pouvoir de la loi islamique, et vise ainsi qu'il a déjà été annoncé à la réalisation du bien aussi bien dans le bas monde que dans l'au-delà. Mais une question demeure : le califat a-t-il toujours été en conformité avec sa définition ? A-t-il toujours observé ses règles et ses lois inhérentes à son existence ? Il apparaît alors que la frontière entre royauté et califat n'a pas toujours été clairement délimitée à travers l'histoire et a subi une gradation certaine jusqu'à n'exister que par le nom : Ibn Khaldun déclare alors dans le premier livre de sa Muqaddima, que les motivations califales se sont transformées en motivations de type royal : l'application du droit

12 Idem p 54.

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absolu et la contrainte. La période débutant de Mu`âwiya jusqu'à Harûn Al Rachid s'est traduite par un système de type royal veillant entre autres à l'observance de la religion. Par la suite, l'entremêlement a été encore plus radical car le pouvoir califal s'est dissous dans le pouvoir royal. Le califat a été alors utilisé comme instrument de domination, car le terme a gardé son prestige et sa haute dignité dans l'imaginaire arabe.

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