B : L'acclimatation de la démocratie
L'urgence de repenser la démocratie pour la rendre
accessible à l'Afrique est bien comprise. Des propositions originales
ont été faites (1). Mais elles méritent d'être
muries et complétées (2).
1 : Des propositions louables
Plusieurs théoriciens ont essayé de proposer des
solutions d'approches qui sont d'une richesse inestimable. On pourrait citer
entre autres, la démocratie consociationnelle, l'éthique
constitutionnelle.
Parti du constat selon lequel les sociétés
africaines ne sont pas homogènes à cause de leur
multi-nationalité et leur multiethnicité, et convaincu par la
théorie de John STUART MILL selon laquelle « des institutions
libres sont presqu'impossibles dans un pays composé de
nationalités. Une opinion publique unie nécessaire pour le
fonctionnement du Gouvernement représentatif, ne peut exister au sein de
population n'ayant pas un sentiment d'appartenance, spécialement, si
elles ont des langues différentes »254 ; MOUKOKO
M'BONJO conclut à la nécessité de la démocratie
consociationnelle. Pour LIJPHART, principal représentant du
consocialisme dans la littérature démocratique « il y a
démocratie consociative lorsque le gouvernement est assumé par
l'ensemble de l'élite, groupée en cartel afin d'assurer le
fonctionnement stable d'une démocratie à la culture
politique
253 GONIDEC (P.F.), « Démocratie... »
op.cit., p.45.
254 MOUKOKO MBONJO (P.), « Pluralisme sociopolitique...
» op.cit. p.44.
89
fragmentée »255. S'il est vrai
que cette théorie assure le déclin de la démocratie au
sens occidental du terme256 , il faut aussi reconnaitre que sa
traduction dans les faits par les gouvernements de crise, a eu pour
mérite d'avoir pacifié plusieurs Etats africains.
La nécessité de l'éthique ou la morale
constitutionnelle quant à elle, fait appel au respect de l'esprit de la
constitution par les gouvernants et surtout par le juge
constitutionnel257. Cette proposition est très
intéressante d'autant plus qu'elle met l'accent sur l'individu et la
vertu, sur l' « humanisation » du phénomène
politique.
Tout compte fait, ces propositions méritent d'être
complétées. 2 : Des propositions à
compléter
S'il est vrai que la démocratie ne se
décrète pas, il est aussi vrai que l'Afrique n'a pas besoin que
la démocratie y soit décrétée. En effet, les causes
les plus saillantes de la persistance de la dictature en Afrique sont en
réalité l'ignorance, l'absence d'une culture
politique258 et démocratique259. Par ailleurs, il
ne faut pas oublier le déclin des valeurs260. Il faut donc
promouvoir une éducation à la démocratie261 et
à la citoyenneté. Elle peut procéder par une reforme
éducative qui permettrait d'intégrer dans les programmes, ou d'y
renforcer la morale et le civisme. Ce qui permettrait au système
éducatif de produire des citoyens vertueux, qui auraient d'égards
pour les valeurs et qui pourront valablement assurer l'effectivité de la
démocratie en Afrique. Le processus démocratique en Afrique exige
donc, « au-delà du juridique et du politique (...), la culture
qui est la meilleure garantie de la bonne gouvernance, la culture comme
système de valeurs bien assimilées,
255 Cité par MOUKOKO MBONJO, « Pluralisme socio
politique... » op.cit.45.
256 Lire à ce propos DU BOIS DE GAUDUSSON (J.), «
Constitution... »op.cit.p.345 ; KPODAR (A.), « La
Communauté internationale... » op.cit.p.44.
257 ATANGANA (J.-L.) « Les révisions... »
op.cit.pp.22-23.
258 La culture politique c'est tout un ensemble d'attitudes
politiques, c'est-à-dire une disposition ou une préparation
à agir d'une façon plutôt que d'une autre. Voir KPODAR
(A.), « Prolégomènes... » op.cit., p.336.
259 « En matière de démocratie,
écrit J.KI-ZERBO, soit on dit que la démocratie qui doit
s'imposer au monde est celle conçue en Occident, l'on risque de se
heurter à des objections voir à des insurrections contre une
telle intrusion ; soit on essaie de trouver dans chaque culture quelques
prémisses, quelques points de départ à la
démocratie » Voir LOKO (T.C.) Contribution du droit
international à l'émergence de l'Etat de droit op.cit.
p.92.
260 Le Doyen DUGUIT n'a-t-il pas rappelé l'importance
des valeurs en droit ? lire à ce propos MARTIN (A.) « Le droit et
les valeurs dans la pensée de DUGUIT » in Mélanges en
l'Honneur de Dimitri Georges LAVROFF, Dalloz, p.p455 et suiv.
261 HOLO (Th.), « L'éducation à la
démocratie : l'expérience de l'UNESCO », Francophonie et
démocratie, Pedone, 2008, p.496.
induisant les attitudes et les comportements conformes aux
exigences des règles juridiques et politiques » 262.
90
262 KPODAR (A.), « Prolégomènes...
»,op.cit. p.336
91
|