Paragraphe II : Les modalités multiples
Pour offrir une nature juridique aux accords politiques, il
existe une multitude de modalités qui peuvent être
regroupées en mécanismes de constitutionnalisation
immédiate (A) et en modalité de constitutionnalisation
médiate (B).
A : Une constitutionnalisation immédiate
La constitutionnalisation immédiate comme son nom
l'indique consiste à intégrer immédiatement l'accord
politique dans la constitution. Cette constitutionnalisation peut être
expresse(1) ou tacite(2).
1 : La constitutionnalisation expresse
La constitutionnalisation expresse de l'accord politique
procède de deux façons. Soit en amont, soit en aval. En amont, il
s'agit de constitutionnaliser le recours aux accords politiques en cas de crise
insusceptible d'être régler par la constitution, en corsetant son
utilisation afin d'éviter son instrumentalisation198. En
aval, il s'agit d'incorporer à la loi fondamentale, le corps de l'accord
déjà signé, en prévoyant d'entrée de jeu,
laquelle des deux normes l'emporterait en cas de conflit. Aussi
étonnante que puisse paraître cette proposition, elle n'est pas
pour autant inédite. En effet, la loi fondamentale du Rwanda contient en
son sein, la constitution et un ensemble de protocoles qui résultent de
la résolution de la crise ayant conduit au génocide199
.
196 On appelle frère siamois des jumeaux qui naissent
attachés l'un à l'autre par une partie du corps.
197Nom d'une divinité grecque et romaine.
Connaissant le passé et l'avenir, il est représenté avec
deux visages tournés en sens contraire. Dans le cadre de cette
étude, ce qualificatif signifie que le juge sera chargé d'assurer
la protection de la constitution d'un côté, et
l'effectivité de l'accord politique de l'autre.
198 KPODAR (A.) « La communauté internationale et le
Togo... » op.cit., p. 42
199 Voir l'art.1er de la loi fondamentale
rwandaise.
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Cette combinaison a l'avantage de sauvegarder les deux
idéaux : celui que postule la constitution et qui reflète les
rêves du peuple, d'une part, et le consensus nouveau apparemment
indispensable pour faire disparaitre les affres de la crise, d'autre part.
L'autre avantage majeur est le régime préétabli pour
juguler les incompatibilités entre l'accord et la constitution.
2 : Constitutionnalisation tacite
La constitutionnalisation tacite semble a priori
imperceptible. Elle pourrait se faire par une simple accommodation du
recours à la dictature constitutionnelle.
La dictature constitutionnelle est le mécanisme ultime
en matière de résolution de crise. C'est un mécanisme qui
permet au Président de la République de recourir à tous
les moyens nécessités par les circonstances. Comment l'accord
politique peut-il emprunter cette courroie ?
S'il est vrai qu'on peut recourir à la force pour
juguler les crises, il n'est pas exclu qu'on pût le faire par la
négociation. Assurément, il paraîtrait étonnant
qu'un président qui, devant une belle occasion de faire une
démonstration de force, fasse appel à un droit mou :
négocier. Les rébellions par exemple, sont par nature
condamnées et réprimées par la constitution. Seulement,
quand on n'a pas le choix parce que la force a échoué comme en
Côte d'Ivoire, ou que les dirigeants ont quelque chose à se
reprocher (c'est-à-dire lorsque les revendications sont légitimes
comme c'est le cas tout récemment au Maghreb), on peut valablement
recourir à la négociation.
Dès lors, on peut inscrire les accords politiques dans
la courroie de la dictature constitutionnelle en suivant tout simplement les
formalités prévues à cet effet. Ce qui jusqu'alors, n'a
jamais été le cas. Tout compte fait, au-delà de cette
constitutionnalisation immédiate, on peut songer à une
constitutionnalisation médiate.
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