B : La constitutionnalisation médiate
La constitutionnalisation médiate semble emprunter la
voie de la coutume200 constitutionnelle. C'est ce que le Professeur
KPODAR semblait dire lorsqu'il soutenait qu'on peut les «
considérer comme le résultat d'un véritable
processus
200 On entend par coutume une pratique
généralement acceptée comme étant du droit. Voir
GOHIN (O.), Droit constitutionnel, Paris, Litec, 2010, p.113
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coutumier »201. Seulement, comme le
constate le grand théoricien des accords politiques, il faut qu'ils
répondent « à tous les acabits caractéristiques
d'une telle démarche »202. On doit alors faire
appel à la pratique et à l'opinio juris sive
necessitatis. Or, dans le cas des accords politiques, s'il est acquis
qu'il y règne l'ambiance d'une pratique établie(1), la flottaison
de l'opinio necessitatis semble ralentir le mécanisme de
formation de la coutume constitutionnelle (2).
1 : L'ambiance d'une pratique établie : un
diuturius usus acquis
Pour qu'il y ait coutume, il faut une pratique. Relativement
aux accords politiques, on peut soutenir volontiers qu'il y a, non seulement
une pratique établie, mais aussi répandue et prolongée
dans le temps.
D'abord une pratique établie. Dans le cas des accords
politiques, on peut considérer que sur le continent africain, il y a une
multitude d'accords. On peut citer la multitude d'accords de Ouagadougou,
l'accord de Linas Marcoussis etc. Sur le plan local, chaque pays compte
à son actif plusieurs accords. Au Togo par exemple, les plus importants
sont l'accord de Ouagadougou, l'accord cadre de Lomé, l'APG. Dans le
cadre de la crise ivoirienne, on peut citer les accords d'Accra, de
Lomé, de Lina Marcoussis, de Pretoria etc...
Dans le temps, le précédent des accords
politiques aurait commencé avec la convention du 31 octobre 1991 entre
Albert ZAFY et Didier RATSIRAKA à Madagascar203. Bien
entendu, certains auteurs pensent et ceci à raison,204 que
les conférences nationales205 peuvent être
associées à ce précédent. Elles ne seraient pas,
semble-t-il, loin de l'arbre à palabre africaine qui serait pour ainsi
dire, l'ancêtre de ces retrouvailles qui aboutissent aux accords
politiques. Tout compte fait, parlant
201 KPODAR (A.), « Communauté internationale et le
Togo... » op.cit. p.42 202Idem
203 KPODAR (A.), « Politique et ordre juridique »
op.cit, p. 2504
204 La conférence nationale au Togo a eu pour base les
accords du 12 juin 1991.Voir KPODAR (A.), « La communauté
international et le Togo » op.cit. p.38
205 Les conférences nationales sont des instances dans
lesquelles non seulement les partis et les élites politiques, mais aussi
tous les groupes sociaux, ethniques économiques, régionaux,
religieux et professionnels son représentés. Leur objectif est de
lance un processus qui soumettrait le pouvoir autoritaire (s'il n'est pas
renversé) à la volonté du peuple et enfin de compte de
réviser la constitution et d'organiser des élections
multipartites. Ce modèle de transition que l'on a appelé «
modèle jacobin » est dans le style des Etats généraux
que la France a connu au 18è siècle. Son fondement
théorique réside dans le crédo qui se fait écho de
la philosophie de JJ ROUSSEAU, selon lequel « tous les pouvoirs
émanent de la volonté générale du peuple. Voir
MEDHANIE (T.) « Les modèles de transition démocratique
», Afrique 2000, 1993, pp 61et suiv.
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de précédent, les accords politiques semblent
remplir toutes les exigences du label. Seulement l'autre critère semble
vaciller.
2 : Une opinio necessitatis
vacillante
L'opinio juris sive necessitatis est la conviction
d'être soumis au droit. Cette conviction doit être
générale. Aussi bien les gouvernants que les gouvernés
doivent se soumettre à une norme parce qu'ils sont convaincus qu'elle
est une norme juridique. C'est cet élément qui donne une valeur
juridique à une norme, peu importe son origine, surtout lorsqu'il s'agit
de la coutume.
Seulement, il semble que c'est lui qui manque aux accords
politiques. Ils (les accords politiques) n'auraient donc pas l'assentiment, ni
de la masse, ni des signataires, qui préfèrent leur dénier
toute valeur juridique, surtout quand cela les arrange.
Pour parvenir à avoir le label de coutume
constitutionnelle, les accords politiques ont besoin de cette conviction.
Somme toute, pour pouvoir établir un droit
constitutionnel spécial, les accords politiques ont besoin de cette
force juridique. Celle-ci ne sera qu'un élément de plus qui les
aiderait à juguler la crise.
En outre il faut dire que le complément de la
constitution par les accords politiques, est justifié.
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