B : La substitution implicite du comité de suivi
au juge constitutionnel
« A bon chat, bon rat ». Ce vieil adage
semble justifier de fort belle manière la situation du juge
constitutionnel. Pour assurer l'effectivité d'un accord politique, il
faut forcément un organe politique dont le rôle est
précisé par ledit accord (1). Ce qui explique la non saisine du
juge constitutionnel (2).
1 : Le rôle du comité de suivi
Le comité de suivi est l'organe qui chapeaute le
processus de pacification. C'est lui qui est chargé d'assurer
l'effectivité des exigences de l'accord politique. Il prend alors les
manettes de la gestion du pays et transcende du coup, toutes les institutions
juridiques virtuellement laissées en vigueur. Sa composition est
significative. Dans le cadre de l'accord de Linas Marcoussis, il est
composé comme suit :
« ...- le représentant de l'Union Européenne
-le représentant de l'Union Africaine
150 C'est du moins ce qu'il soutenait à l'occasion de
la conférence doctorale organisée par le Centre de Droit Public
de l'Université de Lomé le 14 mars 2011.
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- le représentant du Secrétaire de la CEDEAO
-le représentant spécial du Secrétaire
Général qui coordonnera les organes des Nations Unies
- le représentant de l'Organisation Internationale de la
Francophonie
- les représentants du FMI et de la Banque Mondiale
-un représentant des pays du G8 -le représentant de
la France ».151
Pour l'APG, « il sera composé d'un
représentant de chaque composante du dialogue ainsi que des
représentants du facilitateur, de l'Union Européenne (UE), de la
Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)...
Il sera présidé par le facilitateur ou son
représentant ».152 Cette posture lui donne une force
inégalable. Il peut ainsi exercer une pression particulière,
sinon très efficace sur toutes les composantes du dialogue. Il peut
d'ailleurs saisir les instances nationales, régionales et
internationales.153 Ce qui fait de lui une personne morale. La
confiance que lui confère tout cet arsenal justifie le manque
d'intérêt à saisir le juge constitutionnel.
2 : La non saisine du juge constitutionnel
On ne le dira pas assez, le juge constitutionnel est dans un
Etat de droit démocratique, l'institution chargée de la
régulation du fonctionnement des institutions et constitutionnelles, et
de la pacification de la vie politique. Par ailleurs, il s'est récemment
révélé comme protecteur des droits de l'homme. Comme cela,
il est celui qui devrait être saisi lorsque le fonctionnement des
institutions bat de l'aile, ou lorsque les droits fondamentaux, notamment les
droits politiques, sont violés. Cependant, il semble de
notoriété publique que cette voie de recours ne présente
aucun intérêt, ni pour les protagonistes, ni pour les victimes.
Ils semblent orienter la recherche de leur salut vers d'autres cieux. Les
multiples voyages des acteurs politiques togolais au pays du facilitateur
Blaise COMPAORE et les innombrables
151 Art.4 de l'accord de Linas Marcoussis.
152 Art. 5.2 de l'APG.
153 Art. 4 de l'accord de Linas Marcoussis.
missions de l'ancien Secrétaire Général
de Nations Unies Kofi ANNAN et de l'Ex-président Sud-africain Tabo
M'BEKI à travers le continent, attestent de façon
irréfutable de l'émergence et du renforcement des modes
alternatifs de résolution des crises au sein de l'Etat, donc en droit
constitutionnel. Le Professeur Francisco MELEDJE DJEDJRO ne parlait-il pas
déjà de l'importance des mécanismes politiques dans le
contentieux électoral154.
Le juge constitutionnel se trouve alors définitivement
mis «hors-jeu » par les accords politiques. Ce qui ne fait que
renforcer l'humiliation du pouvoir constituant. Cependant ce tableau aussi
alarmiste qu'il puisse paraître, ne parvient pas à noyer les
avantages, les bienfaits des accords politiques.
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154MELEDJE DJEDJRO (F.), « le contentieux
électoral en Afrique », Pouvoir, 2009, p.153
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