B : La constitutionnalité du contrôle de
constitutionnalité de la révision constitutionnelle ?
S'il est vrai que « le pouvoir constituant
dérivé n'est pas un pouvoir d'une autre nature que le pouvoir
constituant initial », sa souveraineté ne pourrait faire
l'ombre d'aucun doute et comme cela, postule une certaine exclusivité(1)
et une plénitude(2).
1 : L'exclusivité du pouvoir constituant
dérivé
S'il est vrai que soumis à l'épreuve du temps,
la constitution peut perdre des plumes et ne plus correspondre, de ce fait, aux
réalités du moment, il est aussi nécessaire que le peuple
souverain confie à un organe, le soin et surtout, les compétences
nécessaires pour adapter la constitution à ses nouvelles
aspirations.
A l'accoutumée, le pouvoir constituant
dérivé est composé de trois éléments,
à savoir le gouvernement, le parlement et dans une certaine mesure, le
peuple, par le biais du referendum. Admettre une quelconque possibilité
de contrôle de révision, reviendrait à faire du juge
constitutionnel, l'un des organes du pouvoir constituant dérivé.
Il occuperait d'ailleurs une place fondamentale dans la procédure,
puisqu' il pourrait ébranler, à lui seul, un processus de
révision consenti par le gouvernement, sur le fondement d'une
hypothétique absence de conformité à la constitution.
Il y a lieu de se demander à quelle constitution la
révision constitutionnelle doit être conforme. En effet dès
lors que la révision est amorcée, la légitimité et
l'adaptabilité de la constitution initiale devrait être remise en
cause. Contrôler la conformité de la loi constitutionnelle
nouvelle à la constitution ancienne semble contraire à la
constitution puisqu' il répondrait à la loi de « deux pas en
avant et trois
146 KESSOUGBO (K.), « La cour constitutionnelle et la
régulation de la démocratie au Togo », Revue
béninoise des sciences juridiques et administratives, 2005, p.63
49
pas en arrière » ; et contredirait le principe
selon lequel un peuple a toujours le droit de revoir, de reformer et changer sa
constitution. Par ailleurs, il s'agirait d'une auto habilitation qui serait
forcément taxée, et ceci à raison, de « gouvernement
de juge ».
En plus d'être exclusif, le pouvoir constituant
dérivé jouit d'une plénitude de compétence.
2 : La plénitude de compétence du pouvoir
constituant
La théorie selon laquelle le juge devrait
contrôler la constitutionnalité des lois constitutionnelles,
semblent postuler une certaine supra constitutionalité à laquelle
devrait se soumettre le pouvoir constituant. Les tenants de cette
théorie se fondent sur le constat selon lequel, réviser la
constitution est le travail d'un pouvoir institué, qui a reçu
cette compétence du pouvoir constituant originaire. Le premier serait
donc subordonné au second : « son exercice n'est pas libre,
mais conditionné par les différentes règles de fond et de
forme, posées par le constituant originaire pour la révision de
la constitution. Il peut dès lors être contrôlé
»147. Pour autant, disent-ils, le contrôle
prétorien de la révision est assurément raisonnable,
souhaitable et praticable dans un Etat de droit en démocratisation.
Le pouvoir constituant aurait donc une compétence
relative. Ceci semble a priori justifié dans un paysage
africain où le législateur constitutionnel comme le
législateur ordinaire (pris sous le joug d'un président
monarque), peut errer et commettre des excès de pouvoirs.
Malheureusement, ce remède semble absolument inefficace
lorsqu'on appréhende la réalité et la pratique. En effet
cette supra constitutionnalité, aussi rigide qu'elle soit,
n'échappe pas à la loi du temps et n'est pas à l`abri de
toutes critiques.
Le temps a toujours montré son importance en droit. La
théorie générale de droit ne consacre-t-elle pas
l'influence du temps sur le droit ? A l'épreuve du temps les principes
considérés comme supra constitutionnels (notamment le consensus
national au Bénin), peuvent perdre leur primauté, dû aux
nouvelles aspirations du peuple. Ces « pourritures constitutionnelles
» resteraient-elles encore intouchables?
147 ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel.
Paris, Montchrestien, 1994, p.12
50
La pratique de la double révision148 semble
répondre par la négative. En effet le pouvoir constituant
dérivé peut d'abord, supprimer l'interdiction de réviser,
avant de réviser ce qui était censé ne pas être
révisable. Le pouvoir constituant dérivé dispose donc
d'une plénitude de compétence. « La constitution lui
donne sa procédure, mais elle ne borne point son étendue
»149.
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