B : La remise en cause de la distinction `'constitution
souple ou constitution
rigide»
Longtemps consacrée en doctrine (1), la distinction
`'constitution rigide
constitution souple» est définitivement remise en
cause par les accords politiques(2).
1 : Une distinction consacrée en
doctrine
Née de la différenciation effectuée par
l'Abbé Sieyès entre le pouvoir
constituant et les pouvoirs constitués, la distinction
« constitution souple constitution rigide » trouve son origine dans
le fait que la constitution est un acte de nature législative. Le
distinguo entre pouvoir constituant originaire et pouvoir constituant
dérivé de nature législative permet donc d'éviter
toute confusion125. En réalité, en se basant sur la
solennité et la complexité de leur procédure de
révision, la doctrine a
123 KPODAR (A.), « Politique et ordre juridique ... »
op.cit, p.2510.
124 Idem
125 ATANGANA (J.L.), « Les révisions... »
op.cit, p.7.
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mis sur pied une dichotomie, qui a jusqu'alors fait
école. En effet, selon le schéma, on a d'une part, les
constitutions souples qui sont marquées par la facilité avec
laquelle elles peuvent être révisées. On compare souvent
cette procédure à celle de l'adoption des lois ordinaires.
Cependant, il faut noter que seuls quelques rares Etats ont encore des
constitutions souples. Il s'agit notamment de la Grande Bretagne, de la Chine,
de la Nouvelle Zélande et de l'Israël126. D'autre part,
il y a les constitutions rigides dont la procédure de révision
est dotée d'une complexité débordant largement le cadre de
l'adoption d'une loi. Et c'est ce modèle qu'ont choisi les Etats
africains. En effet, le nouveau constitutionnalisme africain, marqué
essentiellement par la philosophie du « plus jamais ça», a
adhéré au processus de généralisation qui s'est
enclenché depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Ce choix
est principalement motivé par la recherche de la stabilité
institutionnelle et constitutionnelle, galvanisé par la recherche des
gardes fous contre les potentiels excès des détenteurs du
pouvoir.
En tout cas, ce beau château doctrinal semble
s'ébranler à l'épreuve des réalités
africaines notamment les accords politiques.
2 : Une distinction atteinte par les accords
politiques
Par l'assouplissement de la procédure de
révision des constitutions, les accords politiques rompent presque
définitivement la distinction « constitution souple constitution
rigide ». En effet, dans ce cas précis, on se retrouve devant des
constitutions théoriquement rigides et pratiquement très
souples.
Par ailleurs, il faut relever que certains auteurs postulaient
déjà la relativisation de cette opposition, qui n'est autre chose
que l'expression d'une réalité ontologique127. En
effet, au constat selon lequel, dans la pratique, les constitutions africaines
ne sont ni souples ni rigides, le Professeur ATANGANA déclare : «
quoi qu'il en soit, le droit constitutionnel classique cède du
terrain ou plutôt, est obligé de faire des concessions
considérables »128. Il n'en prend pour preuve que
la « hardisation »129 des constitutions souples comme en
Grande Bretagne, avec le
126 CHANTEBOUT (B.), Droit constitutionnel op.cit
p.35
127 ATANGANA (J.L.), « Les révisions »
op.cit. , p.26 128Idem
129 C'est-à-dire la « rigidification »
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recours au référendum pour la dernière
révision, et la « softification »130 des
constitutions rigides131 comme c'est désormais le cas en
Afrique depuis quelques années132, et que vient confirmer le
modus operandi des accords politiques.
En réalité, s'il est vrai comme le remarque le
Professeur Henry
ROUSSILLON, que la multiplication des révisions
constitutionnelles souvent interprétée comme une atteinte
à la rigidité constitutionnelle, ne constituent en fait qu'une
atteinte à la stabilité constitutionnelle, la rigidité
formelle n'étant nullement en cause, il est aussi vrai qu'il faut
dépasser cette hypocrisie intellectuelle qui consisterait à
prendre les choses pour ce qu'elle paraissent, au détriment de ce
qu'elle sont réellement.
Seulement, ce qui est encore plus écoeurant, c'est que
cette torture de la constitution se passe sous les yeux d'un protecteur
pratiquement impuissant.
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