La Cour de Justice de la CEDEAO à l'épreuve de la protection des Droits de l'Homme( Télécharger le fichier original )par Thierno KANE Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrises en sciences juridiques 2012 |
B. L'impartialité des jugesNous l'avons déjà dit. Etre indépendant pour un juge, c'est se trouver dans une situation garantie par un statut qui lui permet de ne pas être soumis à un rapport de subordination et de résister aux pressions extérieures. Toutefois l'indépendance est distincte de l'impartialité. L'impartialité est une qualité interne au juge. Elle fait partie des « vertus du juge » c'est à dire qu'elle renvoie plus à son éthique intérieure moins à son comportement extérieur. Selon Kojève qui est le grand théoricien de cette distinction portant sur ces deux notions « est impartial celui qui ne préjuge pas une question et qui ne manifeste pas de préférence pour une partie »76(*). Sous l'angle juridique, cette idée est plus explicite. D'après le dictionnaire de droit international, l'impartialité est « l'absence de parti pris, de préjugé et de conflit d'intérêt chez un juge, un arbitre, un expert ou une personne en position analogue par rapport aux parties se présentant devant lui ou par rapport à la question qu'il doit trancher »77(*). Au sens strict du terme, l'impartialité ne peut être saisie par le droit. Contrairement à l'indépendance, elle n'est pas une situation externe mais tient au « for interne du juge »78(*) . Mais la parfaite rectitude exigée du juge est qu'il n'ait pas de préjugé sur l'affaire qui lui est soumise. A ce titre, le juge devra s'évertuer autant que faire se peut à dompter ses doses de subjectivité qui tenteraient de l'emporter. Aussi, le juge ne doit pas s'identifier émotionnellement aux victimes ; une telle attitude est la traduction évidente d'une absence possible d'impartialité.La collégialité semble même endiguer cette possible impartialité même si d'aucuns y voient « une simple addition des partialités »79(*). Le juge est un tiers pouvoir impartial et désintéressé qui est le pendant des parties, qui, elles, sont définies « comme étant personnellement intéressées » au procès80(*). Cette ascèse est fondamentalement recherchée par la CEDEAO en vue d'une meilleure protection des droits de l'homme. Pour y voir plus clair, il faut se référer à la jurisprudence de la Haute juridiction. Les juges procèdent par une démarche très casuistique pour trancher les différends relatifs aux droits de l'homme qui leur sont soumis. En fonction des circonstances, la notion évolue et le juge l'adopte à la situation nouvelle. La vérité judicaire se dégageant aussi sous d'autres cieux, le juge communautaire s'y réfère pour consolider sa position. Le juge communautaire n'est donc pas enfermé dans un carcan pour faire prévaloir sa position. Il est ouvert au monde de la justice pour ne pas appréhender partiellement ou partialement les droits de l'homme. En témoigne les nombreux renvois à la jurisprudence internationale. La justice doit rester toujours cette femme aux yeux bandés, inflexible et tenant les deux plateaux équilibrés de la balance ou sous la forme inverse d'un oeil unique (justitiae oculus). Cet idéal est également recherché à travers la mise en oeuvre de garanties fonctionnelles. * 76A.Kojève, Esquisse de phénoménologie du droit, p.75 * 77Dictionnaire de droit international, op.cit., p.562 * 78 A. GARAPON, J.ALLARD et F. GROS, les vertus du juge. Notons que l'impartialité est dénoncée par pure illusion car le juge de se déciderait qu'en fonction de ses préférences politiques ou même d'après certains, selon ses intuitions, ses états d'âmes du moment encore suivant le petit déjeuner selon J. Hutcheson cité par E.JOUANNET, op.cit.p.295 * 79 M.-A. FRISON-ROCHE, « L'impartialité du juge », Dalloz, 1999, Chron., n°26, p. 53. * 80Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 805. |
|