1.3.3 Vladimir Propp et la morphologie du conte
Le russe et formaliste Vladimir Propp a critiqué la
classification proposée par Aarne et Thompson et pour cause : selon lui,
cette classification est surtout basée sur le contenu des contes, en
l'occurrence les personnages (contes d'animaux par exemple) et les
thèmes traités (conte-type 1 à 69 Le renard
considéré comme animal adroit). Si nous le classons dans cette
partie consacrée à la typologie, ce n'est pas parce qu'il a
proposé une typologie, mais plutôt parce que ces travaux ont
permis à notre avis une meilleure typologie des contes. Formaliste,
attaché à la structure du récit, Propp propose une
nouvelle voie pour classifier les contes. Pour lui, les sujets, les personnages
des contes ne permettent pas une classification scientifique. C'est d'ailleurs
pour cette raison qu'il a vigoureusement critiqué l'index d'Aarne et de
Thompson. La nouvelle approche qu'il propose se centre non pas sur le
personnage mais plutôt sur l'action du personnage dans le
déroulement de l'intrigue. Pour Propp, les personnages ne changent que
seulement de nom et d'attributs. Leurs fonctions ou actions restent invariables
ou constantes dans les contes. Pour une meilleure analyse, il propose de se
pencher sur ces fonctions du personnage. Qu'est-ce qu'une fonction selon Propp
? La fonction nous dira-t-il c'est « l'action d'un personnage
définie, du point de vue de sa signification dans le déroulement
de l'intrigue. » Propp ouvre ainsi une nouvelle perspective. Il
établit en tout 31 fonctions et précise que ces fonctions se
retrouvent toutes en même-temps dans un même conte
68 Vladimir PROPP, Morphologie du conte,
Seuil, 1970, p.19.
A travers cette série de fonctions, Propp vient ainsi
d'ouvrir la voie à une nouvelle ère dans l'approche des contes et
aussi celle du récit. Pour ses fonctions, Propp établit quatre
principes qui régissent leur fonctionnement dans un conte. Selon Propp,
*les éléments constants, permanents, du conte sont les
fonctions des personnages, quels que soient ces personnages et quelle que soit
la manière dont ces fonctions sont remplies. Les fonctions sont les
parties constitutives fondamentales du conte. *Le nombre des fonctions que
comprend le conte merveilleux est limité. * La succession des fonctions
est toujours identique. * Tous les contes merveilleux appartiennent au
même type en ce qui concerne leur structure. Ceci est la charte de
Propp qui lui a permis de dégager les 31 fonctions. Le travail de Propp
a dépassé la seule sphère des contes et a
été d'une grande utilité pour une approche plus
crédible du récit en général. Greimas s'en inspire
pour établir le schéma actantiel, Bremond pour sa «
Logique des possibles narratifs » et Barthes pour son «
Analyse structurale des récits »69. Les travaux
de Propp ont aussi permis à Denise PAULME d'établir une
classification du conte africain à travers sa « Morphologie du
conte africain ». Mais le formaliste russe n'échappe pas lui
aussi à la critique. Claude Lévi-Strauss estime qu'une analyse
structurale du conte pour être bien faite doit s'accompagner de
l'éclairage ethnographique.
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