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Le conte et l'éducation chez les Lokpa du Bénin

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par Akéouli Nouhoum BAOUM
Université d'Abomey- Calavi (Bénin ) - Maà®trise en lettres modernes 2010
  

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Conclusion partielle

Pour clore cette brève analyse des contes de notre corpus, nous pouvons affirmer avoir répondu à la question : Est-ce que le conte Lokpa éduque et comment éduque t-il ? Les contes du corpus, qui constituent une goute d'eau jetée en haute mer (tant les contes Lokpa sont innombrables) traitent de sujets encore en vigueur dans nos sociétés. La cohésion sociale qui porte aussi en elle d'autre dimensions (solidarité, fraternité, respect des libertés d'autrui ...), l'injustice qui appelle automatiquement la justice, le respect des anciens qui est le gage d'une société dotée de repères, la satire de la paresse qui invite à l'amour du travail qui assure l'indépendance, le respect du choix des enfants qui représente un idéal société donnant aux enfants les moyens de leur développement personnel, Dieu sans qui rien n'est possible selon la philosophie lokpa, mais qui à lui seul ne peut pas grand-chose pour l'homme qui devrait l'aider à l'aider, l'ingratitude qui est un venin nuisible enterrée dans les entrailles de l'humain et dont il faut se méfier, constituent un tout petit échantillon des thèmes contenus dans les contes lokpa. L'étude a montré qu'il ne faut pas chercher dans les conclusions ou les leçons tirées à la fin des contes, la quintessence du message. Elle, cette quintessence, réside dans chaque mot, chaque phrase, le style, les personnages et la forme du conte. C'est dans l'ensemble "conte" qu'il faut chercher la philosophie ou l'idéologie du conte. Il est vrai que certains contes Lokpa ressemblent de près par leur structure, et aussi par les thèmes abordés à ceux étudiés par Propp. Mais si Propp affirme que les contes sont trop simples, avec une succession évidente, ordonnée et presque fixe des actions, les contes lokpa, quant à eux, jouent avec cette construction simpliste de Propp. Ne permettant jamais à l'auditoire de prévoir la fin. Alors on le verra, l'ingratitude devient la récompense à un service rendu. Ce qui selon la succession logique des fonctions de Propp est contradictoire où tout simplement inexistant. Propp ne prévoit pas que le héros trahit le donateur. Le conteur Lokpa joue avec cette fonction. L'auxiliaire magique, une fois obtenu, le héros trahit ou tue le donateur ou adjuvant selon Greimas. Ce sont ces types de contradictions qu'utilise le conte lokpa. Ces contradictions choquent et amènent à réfléchir. De cette réflexion naît la prise de conscience recherchée par le conteur.

CONCLUSION

L'éducation à travers le conte est non seulement possible, mais réelle. Le travail que nous venons d'achever nous le montre à plus d'un titre. Le conte non seulement éduque par la teneur des sujets qu'il traite, par la façon dont il les traite, mais aussi sa performance est une école de l'apprentissage de l'art de la parole. Le conte Lokpa aborde des sujets actuels. Il met en scène certes des personnages fictifs, mais cela n'empêche pas l'auditoire de se reconnaître à travers ses personnages ou de s'identifier à eux. Le conteur donne alors l'occasion à l'auditoire, à chaque conte, de vivre l'expérience des personnages, de se poser des questions et de savoir la démarche à suivre. Il serait passé à côté du sens des contes que de juste les considérer comme des histoires à dormir-debout, des histoires qui servent juste au divertissement. L'étude des différents contes a montré que sous une histoire banale se cache une philosophie, une idéologie ou encore un enseignement. La banalité des contes n'est qu'artifice. Le divertissement sert de couverture à la didactique.

Le conte est le foyer de la philosophie Lokpa. De la veillée des contes en passant par leur énonciation, pour arriver à leur contenu, les contes jouent plusieurs rôles dans la société Lokpa en matière d'édification de l'homme. La veillée a un rôle social, en ce qu'elle permet de mettre en contact une communauté. Elle édifie car elle est le véhicule de l'échange des idées. L'énonciation du conte est le lieu de l'apprentissage de la prise de parole et de l'art de parler en public. Le conte, à travers les thèmes qu'il aborde, donne à penser. Et parce qu'il donne à penser, il édifie, forme, fait découvrir les courants de pensées de la communauté.

Le conte permet également une bonne connaissance et une meilleure conservation des valeurs culturelles du peuple Lokpa. En étudiant le conte, l'on découvre les rites, les us et coutumes des peuples tels qu'ils étaient, il y a des années et ce qu'ils sont devenus aujourd'hui. Malheureusement, ce mémoire a été l'occasion pour nous, de constater que le conte se meurt et emporte ou risque d'emporter avec lui tout son trésor. L'évolution des technologies dans le monde des multimédias a eu de répercussions assez graves sur la culture Lokpa et sur presque toute l'Afrique noire. C'est ce que montre le triste constat fait par Mbathio Sall149 : « Ainsi l'enfant africain, devra se contenter de ce qu'une grand-mère, s'il a la chance de l'avoir dans la maison familiale, pourra bien lui raconter, entre deux leçons apprises. Encore que la majorité des enfants, une fois les leçons apprises et les devoirs faits après l'école, préfèrent

regarder la télévision ou jouer avec les voisins. » Le conte disparait ainsi à petits coups et il urge de trouver des alternatives pour sa préservation. Celles-ci garantiront aussi la survie de la culture Lokpa. Des initiatives existent déjà. Les contes sont dits à la radio et il y a aussi un festival du conte africain, en témoigne celui qui s'est tenu au Benin le 14 Avril 2011. Mais ces initiatives ne suffisent pas encore pour redonner au conte toute la mesure de l'attention qu'il mérite. Il faut faire plus.

Il faudrait donc avant tout une volonté politique des gouvernants visant à encourager la recherche dans le domaine de nos cultures. Ces recherches devront visiter et revisiter nos contes, chants, danses, proverbes, devinettes, rites et rituelles, dans le but de mieux les faire connaître, de mieux les comprendre et de mieux les conserver. Il faudra cesser d'opposer tradition et modernité comme deux mondes qu'on ne pourrait jamais concilier. Pour cela il faudra utiliser la modernité pour rendre visible la tradition. En clair, on pourrait recueillir nos contes, chants, proverbes et autres sur des supports audio et visuels (CD, VCD, DVD, etc.) en vue de leur meilleure conservation. On pourrait également transcrire ces contes pour avoir des livres accessibles à tous et surtout les intégrer aux programmes scolaires. Le pouvoir central (l'Etat) et les pouvoirs décentralisés (les communes) devraient initier ou encourager ces initiatives en vue de garantir la promotion de nos cultures. Il faut également que l'on prenne surtout conscience de ce que cette culture constitue notre « patrimoine immatériel150 » et qu'à ce titre nous gagnons gros en posant chacun une pierre pour sa conservation. C'est le lieu de recommander également l'organisation des concours de récitation et d'interprétation des contes dans les écoles et également aux seins des populations. Cela passe également par la promotion des langues nationales, langues dans lesquelles est produite la littérature orale.

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