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Le conte et l'éducation chez les Lokpa du Bénin

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par Akéouli Nouhoum BAOUM
Université d'Abomey- Calavi (Bénin ) - Maà®trise en lettres modernes 2010
  

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2.4.7 L'ingratitude et la trahison chez l'homme

L'ingratitude et la trahison sont des thèmes majeurs dans les contes africains en général, et chez les Lokpa en particulier. L'ingratitude est un « manque de reconnaissance139. » Mais « la trahison désigne le fait d'abandonner, de livrer à ses ennemis ou de tromper la confiance d'un groupe (politique ou religieux), d'une personne (ami, amant, famille) ou de principes140. » Ces deux sujets interviennent parfois dans un même conte. Dans ce cas la trahison sert de reconnaissance à un service rendu, accentuant ainsi l'ingratitude. Ou bien, la trahison intervient seule dans un conte, en tant objet évalué141, au même titre que l'ingratitude, pour emprunter l'expression de Greimas et Courtés, cités pas L. HEBERT. Pendant que l'ingratitude est évaluée chez un personnage (sujet évalué négativement), la loyauté ou l'honnêteté l'est aussi en même temps chez un autre personnage protagoniste (sujet évalué positivement). Cette double évaluation, positive et négative, permet au sujet évaluateur, le conteur, de convaincre l'auditoire de sa philosophie.

Dans les deux contes (contes n°8 et n°10), l'ingratitude est le sujet abordé. Dans le premier conte, tout comme dans le second, la trahison se présente au niveau le plus élevé de l'ingratitude. Le conteur est le sujet évaluateur ; les personnages sont les sujets évalués ; l'ingratitude est l'objet évalué négativement et à côté de l'ingratitude, la loyauté, l'intégrité, l'honnêteté.

Le conteur part du postulat que l'homme (être humain) est mauvais. Il est ingrat, malhonnête et traitre. Pour lui, c'est une donnée générale à laquelle on ne pourra rien changer. La seule chose qu'on puisse faire, c'est juste se méfier de l'homme. Cette culture de méfiance, présente dans nos sociétés est alors reprise dans le conte. Pour appuyer son propos le conteur dispose de deux personnages (les deux sujets évalués) dans son conte : un personnage bon, loyal, intègre et un autre qui est l'opposé du premier. Mais comment le conteur parvient-il à semer le doute chez l'auditoire et amener celui-ci à prendre garde ?

Considérons le conte n°8. Le conteur (sujet évaluateur) évalue le niveau d'ingratitude (objet évalué) chez le hérisson (sujet évalué négativement) en contraste avec la loyauté, l'intégrité (objet évalué) chez Kànkànààmí (sujet évalué positivement). Le conteur veut convaincre l'auditoire de ce qu'il est dangereux de faire absolument confiance à autrui, même à son plus grand ami. Les deux personnages évalués dans le conte sont de très bons amis : l'un loyal, et l'autre ingrat. Le conteur pour montrer l'ingratitude de l'homme, fait enchainer une série d'intensité croissante de mensonges pour finir par une tentative de meurtre de l'ami ingrat. La

139 Http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/ingratitude/, consulté le 11/04/2011

140 http://fr.wikipedia.org/wiki/Trahison , consulté le 11/04/2011

141 Louis HEBERT, Dispositifs pour l'analyse des textes et des images, Limoge, 2009.

tentative d'assassinat est dans le conte et même dans la vie réelle le point culminant de l'ingratitude, de la trahison. Parallèlement, l'ami loyal, honnête et bon le reste jusqu'à la fin. Sa loyauté allant constante. La confiance qu'il porte en son ami resta indéfectible. C'est ce parallèle qui permet au conteur d'évaluer les deux personnages. Cette évaluation faite selon les étapes du récit permet à l'auditoire de voir que l'ingratitude est pour l'humain ce que la terreur est pour la guerre. Cette homologation permet juste de comprendre que l'ingratitude est l'homme ; elle lui est innée. Sinon comment comprendre l'attitude du hérisson ? La trame du conte laisse perplexe.

- Séquence 1 : amitié solide entre le hérisson et Kànkànààmí, l'escargot. (syntagmes1à 12)

- Séquence 2 : le hérisson rend visite à son ami, Kànkànààmí et emprunte à ce dernier

un piège avec pour promesse de partager ce que le piège attrapera. (syntagmes13 à 48) - Séquence 3 : le piège a pris une perdrix mais le hérisson dit qu'il a pris « un tout

petit ». Kànkànààmí lui demande de manger seul si c'est si petit. (syntagmes 49 à 68)

- Séquence 4 : le piège prend un lièvre le jour suivant. Le hérisson ment à nouveau et

obtient la même réponse de Kànkànààmí. (syntagme 69 à 71)

- Séquence 5 : à chaque prise du piège, le hérisson a toujours menti à Kànkànààmí (syntagmes 72 à 78)

- Séquence 6 : le piège a pris cette fois un buffle. Le hérisson ment à nouveau. Il le mange aussi tout seul (syntagmes79 à 95)

- Séquence 7 : le piège a pris un éléphant. Mais le hérisson mentit encore que c'était un tout petit truc. Il l'avala seul. (syntagmes 96 à 112)

- Séquence 8 : le piège prend le jour suivant le soleil. Le hérisson essaya de l'avaler

mais il n'y parvint pas. Il se fait brûler. Il appelle Kànkànààmí en lui disant cette fois

et la première que le piège a pris quelque chose de gros. (syntagmes 113 à 132)

- Séquence 9 : le hérisson tente d'assassiner l'escargot par envie, jalousie. (syntagmes

133 à 180).

Les neuf séquences que nous venons de découper montrent l'absurdité du comportement du hérisson. Abusant de l'amitié qui l'unit à l'escargot, il garde tout le gibier pour lui seul, invite l'escargot seulement quand il constate que le gibier est dangereux et tente de tuer l'escargot en lui tournant plusieurs fois142 le derrière au lieu d'une seule fois.

Parallèlement, ces séquences nous présentent un escargot loyal, fidèle, intègre, qui a
aveuglement confiance en son ami et qui jusqu'à la fin ne découvre pas la traîtrise de ce

142 Conte n°8, syntagmes 162 à 165

dernier ; ou qui, du moins, a découvert cette traîtrise, mais ne le fait pas savoir directement par peur de mettre à mal sa relation avec le hérisson. Une phrase dans le conte nous permet de pencher vers cette dernière hypothèse : « Alors ce piège tient vraiment bien.143 ». C'est une phrase chargée de sous-entendus et d'ironie. Elle pourrait être interprétée de plusieurs manières. L'escargot semble dire indirectement à son ami que si le piège a pu prendre un si gros gibier, c'est sûr que par le passé, il en a pris qui sont aussi gros. Mais à part ce clin d'oeil, rien dans le conte, ni dans le comportement de l'escargot ne montre qu'il soupçonne son ami de traîtrise.

Ce qui peut décider l'auditoire à prendre conscience et à ce méfier de l'homme, c'est cette ignorance de la traîtrise du hérisson par son ami aveuglé par une amitié illusoire. L'ignorance de la méchanceté, de la traîtrise du hérisson amène l'auditoire à se rendre compte que même le plus proche ami ou parent peut être un hérisson en puissance. Conséquence, une prise de conscience, une méfiance accrue envers tout le monde sans exception ne doit pas être exclue. L'intensité de plus en plus croissante de la traîtrise crée l'indignation chez l'auditoire et précipite cette prise de conscience.

Voyons l'évolution de cette ingratitude à travers un tableau pour mieux comprendre.

Temps

T1

T2

T3

T4

T5

T6

T7

T8

T9

Escargot Sujet (S1) évalué

Loyal en

amitié

Loyal en

amitié

Loyal en amitié

Loyal en amitié

Loyal en

amitié

Loyal en

amitié

Loyal en amitié

Loyal en amitié

Loyal en

amitié

Hérisson Sujet (S2) évalué

Loyal en

amitié

Loyal en

amitié

1er mensonge

2e mensonge

Séries de

mensonges

Encore

plus de

mensonges

Gros mensonge

Très gros
mensonge

Tentative d'assassinat

Conteur Sujet évaluateur

S1= + et

S2= +

S1= + et

S2= +

S1= + et

S2= -

S1 = + et

S2 = -

S1 = + et

S2 = -

S1 = + et

S2 = -

S1 = + et

S2 = -

S1 = + et

S2 = -

S1 = + et

S2 = -

Légende

1- = : évalué

2- + : positivement

3- - : négativement

Tableau 3 : Evaluation des personnages du conte n°8

Le tableau permet de voir clairement que, pendant que le hérisson multiplie ses mensonges et que sa traîtrise aboutit à une tentative d'assassinat, l'amitié de l'escargot est restée constante. Le hérisson est resté fidèle en T1 et T2 puis dans le reste sa traîtrise s'est amplifiée au fur et à mesure que le conte évolue. Le graphique suivant montre l'évolution de l'attitude du hérisson.

143 Conte n°8, syntagme 135

Légende

1-Temps, c'est le positionnement chronologique croissant des actions de la trame du conte. il s'étend en neuf séquences.

2- Actions correspond aux acte posée par le hérisson dans chaque séquence.

3- Les chiffres 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 sur l'axe des abscisses correspondent aux séquences du conte

4- 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 sur l'axe des ordonnées correspondent à l'attitude du hérisson.

94

Schéma tensif de l'ingratitude du hérisson dans le conte n°8

8

7

Actions

6

5

4

3

2

Tentative de
meurtre

Sixième mensonge

Cinquième mensonge Quatrième mensonse

° Troisième mensonge

Deuxième mensonge Premier mensonge

Amitié

Amitié

1 2 3 4 5 6 7 8 9

1

0

Temps

Figure 6 : Schéma tensif de l'ingratitude du hérisson dans le conte n°8

Le graphique montre que l'amitié du hérisson ou plutôt sa loyauté ou encore son intégrité n'a duré qu'en l'espace de deux temps (1 à 2 sur le schéma). Elle est représentée sur la courbe par la partie horizontale qui de façon visuelle est très courte. Par contre, il se montre particulièrement traitre et ce de façon croissante en sept temps (de 3 à 9). Cette traîtrise est représentée par la partie oblique et ascendante de la courbe. Le sommet de cette courbe correspond à la tentative de meurtre dont l'escargot a été victime. Cette tentative de meurtre est le couronnement malsain de l'ingratitude du hérisson.

Le conteur pour conclure dit : « Mon conte veut qu'à partir d'aujourd'hui tu saches que c'est ainsi que se présente l'homme noir144. » Comme si cela ne suffisait pas, il ajoute : « Tu te montres généreux envers une personne aujourd'hui, puis elle vient te décapiter demain » Ces propos sont clairs. Ce rapprochement des personnages du conte aux hommes permet au conteur d'achever son oeuvre : il faut se méfier en permanence de l'homme. Pour ceux encore

144 Conte n°8, syntagme 173

qui en doutent, le parcours du hérisson et de l'escargot leur permettra de changer d'avis et de tirer leurs propres conclusions.

L'ingratitude est une peste qui n'échappe jamais aux critiques dans nos sociétés. Ahmadou KOUROUMA à ce sujet nous rappelle que : « C'est celui dont tu as soigné l'impuissance qui te prend ta femme145.» Le conte n°10 illustre bien à quel point l'homme peut être ingrat et pousse à donner raison à l'écrivain. Si le conte précédent limite l'ingratitude à une simple tentative de meurtre, le présent conte franchit le pas et aboutit à un meurtre. Ce conte, de type cyclique, est formé comme suit :

- situation normale : le chasseur va à la chasse et ramène toujours du gibier (syntagmes 1 à 8).

- dégradation de la situation : il va à la chasse et ne trouve rien. Il voit un boa qui veut le manger après avoir reçu son aide (syntagmes 9 à 48).

- amélioration du sort du chasseur : le boa accepte un procès qui décidera s'il faut manger le chasseur ou pas (syntagmes 49 à 55).

- amélioration/dégradation : l'arrivée du cheval donne espoir au chasseur. Mais cet espoir est de courte durée car celui-ci demande au boa de dévorer le chasseur (syntagmes 56 à 73).

- amélioration/dégradation : l'âne vient et tient le même discours que le cheval (syntagmes 74 à 90).

- amélioration : la tortue vient, tend un piège au boa. Le boa tombe dans le piège et est abattu par le chasseur (syntagmes 91 à 121).

- situation à nouveau normale : le chasseur est délivré et il a aussi un gibier : le boa. : le chasseur content insiste pour qu'elle l'accompagne pour faire connaissance de sa famille en guise de reconnaissance. Elle refuse puis cède (syntagmes 122 à 152).

- dégradation de la situation de la tortue : à l'entrée du village la tortue et le chasseur rencontrent les enfants du chasseur qui leur annoncent que la femme du chasseur a du mal à accoucher et que seule la tête d'une tortue pourrait lui sauver la vie.

- dégradation/fin tragique : le chasseur, partagé entre sa reconnaissance envers la tortue (grâce à la quelle il est encore en vie) et son amour pour sa femme, choisit de sacrifier son bienfaiteur mettant ainsi fin au dilemme.

Le conteur de ce conte a un objectif : rendre compte de la perfidie de l'homme. Le titre
d'abord l'annonce : « Pourquoi éviter l'homme ». Puis le commentaire146 introduisant le conte

145 Ahmadou KOUROUMA, En attendant le vote des bêtes sauvages, Veillée V, p. 286.

146 Voir corpus de contes, Conte n°10, syntagme 1

le confirme. Si l'évaluation dans le premier s'est portée sur "l'homme noir", celle contenue dans ce conte porte sur l'homme en général. C'est-à-dire l'être humain. Pour mieux voir la démarche du conteur, considérons les différents sujets évalués dans le conte.

Le boa est le premier traitre du conte. Il s'est comporté comme le hérisson dans le conte précédent : par mauvaise fois. Il se fait sauver par une personne (le chasseur) qu'il veut par la suite dévorer. Le boa pourrait être aussi n'importe quel être humain perfide dont regorgent nos sociétés. Le conteur aurait pu à ce niveau du conte faire dévorer le chasseur, évaluant ainsi négativement le boa, et mettant ainsi fin au conte. Mais une telle évaluation serait très simple. Et en plus, qui, parmi les auditeurs, pourraient considérer le boa comme une représentation allégorique de l'être humain. Certainement très peu. Et sûrement des personnes âgées et expérimentées. Or c'est justement sur l'homme (être humain) que porte l'évaluation. Alors le conteur choisit de mettre le chasseur, qui est l'homme, l'être humain sur qui porte l'évaluation principale, en danger. Il l'évalue à l'aide du cheval et de l'âne. Les deux animaux, réputés pour être des plus exploités par l'homme pour le transport et l'agriculture surtout, encouragent le boa à dévorer le chasseur, représentant de la race humaine qui est un bourreau pour ces animaux. Le cheval dit : «C'est un homme, n'est-ce pas ? » Puis conclut qu'il fallait le tuer. L'âne fit la même chose. Pour ces deux animaux l'homme est mauvais, perfide. Le conteur à ce stade aurait pu arrêter le conte, en laissant le serpent dévorer l'homme. C'aurait pu être une vengeance pour tout ce que l'homme a fait de cruel envers les animaux dont l'âne et le cheval sont les représentants. Mais cette fin allait attirer de la sympathie pour le chasseur, car jusque là il est toujours la victime. En plus personne dans l'auditoire ne croit qu'il fait mal aux animaux en leur faisant faire tout ce qu'ils font. Tout comme personne non plus ne pense faire du mal en tuant et en mangeant les animaux. Une pareille fin allait donc attirer l'effet contraire. Le chasseur serait aux yeux de l'auditoire un martyr.

Pour atteindre son objectif, le conteur fait intervenir un autre personnage : la tortue. Elle sauve l'homme. Le conteur aurait pu mettre fin au conte à ce niveau. Puisque l'ingrat est tué. Le chasseur recouvrirait ainsi sa liberté. La situation redeviendrait normale comme le prévoit le schéma des contes de type cyclique proposé par Denise PAULME. La normalité aurait été une récompense pour la tortue. Cette récompense mettrait fin au conte. Ce que le chasseur a d'ailleurs proposé.

Mais jusque là rien ne pousse à se méfier de l'homme. Le chasseur fait tuer la tortue pour
sauver sa femme. En le faisant, le chasseur se montre ingrat, puisqu'il doit la vie à la tortue
qu'il vient de tuer. Cette séquence montre à quel point l'homme est mauvais. Certains

pourraient dire qu'il n'avait pas le choix. Qu'il ne l'a pas fait par mauvaise fois. En considérant que ceci soit vrai, cela n'enlève rien à la gravité de l'acte. Cela signifierait que l'homme pense d'abord à ses propres intérêts au détriment de ceux des autres. Puisqu'il s'agit d'une tortue, peu de personnes verront la gravitée, la tragédie qui se joue dans ce conte. Si l'on prend la place de la tortue, pour y mettre un auditeur, c'est à ce moment que l'on comprend à quoi le conte nous invite. L'auditoire a vécu les mises en garde du cheval puis de l'âne. Ces deux animaux connaissent l'homme. Nous pourrions même dire que c'est le conteur qui a évalué l'homme à travers ces deux animaux. La tortue qui n'a pas tenu compte de ces mises en garde est tuée. Elle n'aura jamais l'occasion de témoigner de la perfidie de l'homme. Elle ne pourra jamais dire le traditionnel « Si je savais », encore moins dire aux autres tortues de se méfier de l'homme. La tortue l'aura compris au prix de sa vie. Le conteur fait une conclusion très sévère147 qu'il ferme par un proverbe encore plus sévère : « Relève le sorgo, ne relève pas l'homme148. »

Le schéma actanciel de ce conte se présenterait comme suit :

Destinateur
Chasseur et sa famille

 
 
 

Objet
Gibier et liberté

 

Destinataire
Chasseur et sa famille

 
 
 
 
 
 
 
 

Adjuvant
Intelligence du
chasseur et la tortue

 

Sujet
Chasseur

 

Opposant
Cheval, âne et boa

Figure 7: Schéma actanciel du conte n°10 selon le modèle de Greimas

Ce que le conteur veut apprendre à l'auditoire et qui se lit clairement dans le schéma actanciel du conte, c'est que la mort de la tortue, de l'adjuvant, du donateur ou encore du bienfaiteur. Elle serait vivante si elle avait fait le choix du cheval et de l'âne. C'est cette mort qui indigne et qui fait prendre conscience.

L'ingratitude reste le sujet favori des conteurs africains. Son traitement, comme nous avons pu le voir à travers les contes n°8 et n°10, diffèrent légèrement au niveau de la forme, mais le fond reste le même. Elle est dénoncée, découragée et diabolisée. Le conteur du conte n°8 nous a appris que l'homme est ingrat par mauvaise foi. Celui du conte n°10 va plus loin et montre qu'il l'est par nature. Ces deux conteurs semblent soutenir que l'être humain est incapable de

147 Idem, syntagmes 185 à 191

148 Idem, syntagmes 187

penser à autre que lui-même. Le chasseur en est l'illustration idéale. Tiraillé entre son amour pour sa femme (son intérêt personnel) et la vie de la tortue à la quelle il doit la vie (sa vie propre à lui et celle de la tortue qui ne mérite pas qu'il la fasse tuer), il décide de ne penser qu'à lui (en sauvant sa femme).

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo