2.1.2 La parole
La parole est utilisée de façon ordinaire au
quotidien mais aussi dans la littérature orale. Cette littérature
orale, nous dit Ascension BOGNIAHO est généralement défini
« comme un bel usage du langage non écrit ou de la parole afin
de montrer un fait social, culturel. »76 La parole, en
tant que langage spécifique aux humains, est le canal principal de
transmission des connaissances en Afrique noire, en général et
chez les Lokpa, en particulier. Nous n'en voulons pour preuve que ces mots
d'une femme peule du Niger : « L'homme a le souffle de vie, la
bête aussi. [...] Mais l'homme vaut plus que la bête. Parce que
l'homme est quelqu'un à qui on peut adresser une parole, quelqu'un qui
peut exprimer une parole. L'homme est un être avec qui on peut dialoguer.
C'est cela qui fait la différence entre l'homme et la bête. C'est
la supériorité de l'homme sur la bête. Une bête,
même si elle a une intelligence, une bouche et un coeur, n'a pas de
parole, elle ne peut pas parler. Mais l'homme c'est la parole.
»77 La parole sert à dire les contes, les chants,
les proverbes, les paraboles, etc. Il faut donc noter avec Ascension BOGNIAHO
qu'il y a plusieurs types de parole. Et ces types permettent l'expression d'un
fait social ou culturel. Le conte, en tant que fait à la fois culturel
et social, est le lieu par excellence de la manifestation de la parole qu'elle
soit sensée, lourde, pesante, grande, importante, secrète et
chère, insensée, mauvaise78 ou encore
mensongère, si nous pouvons ainsi paraphraser Ascension BOGNIAHO.
75 Académie française, Le
dictionnaire, http://www.academie-francaise.fr/
76 Ascension BOGNIAHO, « La littérature orale du
Bénin », In Ethiopiques n°46-47, 1987
77 Paulette ROULON-DOKO, « Le statut de la parole
». In Littératures orales africaines : Perspectives
théoriques et méthodologiques, p.35.
78 Ascension BOGNIAHO, op. cit.
2.1.3 Le conte ou M?t?
Le conte qui fait l'objet de notre étude est un genre
important de la littérature orale. Il est connu et est dit chez les
Lokpa depuis des générations. La
performance79 du conte (par performance nous entendons :
accomplir, exécuter le conte selon la définition que nous donne
Ursula BAUMGARDT du mot.80) nécessite une bonne
maîtrise de la parole. Pour plaire à son auditoire, le conteur
doit bien manier la langue. Le conteur, pour garder son auditoire en haleine,
multiplie des prouesses dans l'utilisation de la langue, utilise bien la
parole. Il utilise la belle parole, captivante et par moment
émouvante.
Tout au long de ce travail, nous considérons comme
conte, la réalité que le Lokpa appelle
M?t?.
M?t?, pour le Lokpa, est une histoire
vraie ou fausse, étonnante, difficile à croire, amusante, belle
ou parfois horrible, mais qui pourtant enseigne, éduque, édifie.
Les personnages des ces histoires peuvent varier : humains, Dieu, animaux,
génies, diables (nous disons ici diables aux pluriels car pour les Lokpa
il ne s'agit pas du Diable négation de Dieu introduit chez les Lokpa par
les religions modernes : Islam et Christianisme, mais bien d'autre chose proche
de ce qui pourrait être en Occident appelé génie. Dans la
société Lokpa, il y a les bons et les mauvais diables. Les bons
diables te permettent de réussir sur tous les plans, mais les mauvais
diables déciment les familles). Nous donnons cette précision sur
les personnages car, confronté à certains critères, le
genre M?t? pourrait se confondre
à certains genres proches : la fable, la chantefable, le mythe ou encore
la légende. Pour les Lokpa, il y a juste la réalité
M?t? (le conte) et notre travail
prend juste en compte le conte tel que reconnu par les Lokpa. Car, pour parler
comme L. Kesteloot, « Les traditions locales ne font pas de
distinctions entre fables et contes81 » et il en est de
même avec les autres genres proches du conte.
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