Pour quelle(s ) histoire(s ) d'être(s ) ? Associations 1901, inter relations personnelles et interactions sociales, un art de faire( Télécharger le fichier original )par Jean- Marc Soulairol Université Lumière Lyon 2 - Diplôme des hautes études des pratiques sociales D. H. E. P. S. 2002 |
3.2 Présentation de soi : les jeux, les enjeuxNous venons d'interpréter le phénomène de changement à partir des besoins-aspirations des adhérents. Nous avons conclu que ces besoins-aspirations étaient un entremêlement d'intérêts à satisfaire et de représentations. Précisant que cet entremêlement peut donner naissance, à son tour, à de nouveaux besoins-aspirations selon une circularité de satisfaction provoquant une ré-interprétation des systèmes de valeurs. Cette ré-interprétation permettant, ainsi, de solutionner les éventuelles discordances dans les interactions et interrelations. Nous avons précisé en introduction que la satisfaction des besoins pouvait être appréhendée dans les dynamiques relationnelles. Autrement dit, maintenant que nous avons interprété ce qui semble se jouer dans la participation des adhérents, c'est-à-dire satisfaire des besoins-aspirations, il nous faut traiter de la manière dont ils s'y prennent pour y parvenir, leurs manières de faire. En fait, les comportements des adhérents apparaissent proches des notions de stratégies et de tactiques. Comme nous l'avons vu dans la première partie, les stratégies, des manières d'agir pour atteindre un objectif et les tactiques, des habiletés inventées au coup par coup415(*) (Certeau). Nous allons expliciter comment les interactions et interrelations rendent visibles les tactiques et stratégies qui les ont rendus possibles. Dès lors, se pose la question des jeux de relations, de ce qui fait leur trame, c'est-à-dire, quelles manières de se représenter, communiquer, s'identifier. Pour le dire autrement, nous allons pointer dans les deux prochains chapitres les stratégies et les tactiques exercées par l'adhérent dans son rapport aux autres, dans sa (re)présentation à l'autre. Nous allons considérer au préalable la nature des manières de faire. C'est-à-dire, « plus qu'il n'y est représenté, l'homme ordinaire donne en représentation »416(*). Ce qui va nous permettre de montrer en quoi il y a logique d'action chez l'adhérent. Les travaux de Norbert Elias faciliteront notre compréhension « de la manière dont les individus pensent leur rapport au monde »417(*). Elias a été conduit à considérer la société en tant qu'elle est interdépendance des individus. Pour lui, « l'objet propre de la sociologie [...] ce sont des individus interdépendants. »418(*) Les formes spécifiques de ces interdépendances formant une configuration, comme nous l'avons vu dans la première partie. Il a été amené à partir du concept de configuration, a étudié « comment [...] la représentation de l'identité des personnes, dans la relation entre la référence au nous et au je, est variable. »419(*) Ce qui nous oblige à préciser la part d'influence des interrelations et des interactions dans le phénomène de changement individuel de l'adhérent. En nous référant à Elias, cette association ne peut être pensée qu'au travers de ses adhérents et les adhérents ne peuvent être pensés que par leurs interactions et leurs relations les uns avec les autres. Chemin faisant, nous traduirons ce que nous avons relevé de la représentation de soi au Compu's Club pour rendre intelligibles les manières de faire de l'adhérent. Pour nous y aider nous nous réfèrerons aux travaux d'Erving Goffman parce-qu'il assimile le monde à la scène d'un théâtre où les relations sociales tiennent des représentations et les individus, dans leurs interactions de face-à-face, des rôles d'acteurs soumis à des règles indispensables : la manière de se représenter, l'idéalisation de sa place, l'image de soi et l'identification à un groupe social. Nous allons donc interpréter maintenant ces deux notions de configuration (interdépendance) selon Elias et de présentation de soi selon Goffman à partir des dynamiques relationnelles au Compu's Club. 3.2.1 La configuration, un réseau de relations réciproquesNous avons noté dans les entretiens une détermination que l'adhérent a de se produire, de jouer un rôle dans les relations interpersonnelles et l'impression qu'il veut donner aux autres ou qu'il perçoit des autres. Cette détermination prenant forme à partir de « l'attraction vers des objets perçus, représentés ou imaginés »420(*) pour fournir des buts à l'adhérent : les besoins-aspirations à satisfaire. Pour exemple, dans le domaine d'activité du Compu's Club, le monde informatique, on peut rendre compte de déterminations semblables observables entre les adhérents. C'est-à-dire une identification à une organisation par un langage commun, particulier, développé au sein d'un groupe421(*). Ce type d'identification abstraite fonctionne ainsi à partir d'images mentales, de concepts comme le bonheur ou le fait d'être bien dans sa peau. Tout en étant l'expression d'aptitudes et d'intérêts personnels ou collectifs cette détermination est également la résultante de ce qu'Elias appelle les interdépendances entre individus. Le concept de configuration permet d'envisager à la fois l'interdépendance croissante des relations sociales au sein du Compu's Club et l'exigence faite à chacun de s'affirmer singulièrement, comme un individu. En effet, cette détermination, est entretenue et cherche à se réaliser non pas en vase clos, mais en interaction avec et dans une configuration. Dans cette perspective, nous considérons le Compu's Club comme l'environnement, le lieu, l'espace où les adhérents sont liés les uns aux autres par un ensemble de dépendances réciproques, selon un équilibre de tensions plus ou moins stables. Cet équilibre, à l'instar d'Elias, a la capacité d'influer sur la figure globale Compu's Club, la rendant fluctuante, donc changeante. Ceci nous conduit à considérer les adhérents comme des êtres sociaux pris dans les relations d'interdépendances c'est-à-dire, à envisager leurs comportements, leurs participations ; par extension, essayer d'éclaircir le changement observé, sous l'angle de configurations sociales. 3.2.1.1 De la configuration Compu's ClubLe Compu's Club est un milieu spécifique de socialisation, une configuration au sens de Norbert Elias. Les adhérents y sont en perpétuelle négociation dans la mesure où, par son caractère incertain et contradictoire, la participation suppose de la part des adhérents-acteurs un processus coordonné et interactif de construction des actions, d'interprétation des activités, de définition des priorités, de compréhension des objectifs, etc. La configuration articule ainsi trois niveaux d'interprétation, constituant une succession de niveaux croissants : participations, régulations sociales et conventions de fonctionnement ; et ne prend de sens que dans leurs perpétuelles interactions. Il est en effet possible d'observer que n'importe quelle branche de cette association développe du lien social, comme elle développe une "présence au monde". L'un des aspects du rôle social des branches est cette production d'identités spécifiques au projet. Le maillage du tissu social, qui même lorsqu'il est très vaste, n'est jamais que des "systèmes-personnes" en relations, se déforme et se transforme nécessairement en même temps que ceux-ci. C'est ce que nous comprenons de la notion de configuration de Norbert Elias. Ce qui va nous permettre de l'expliquer au travers de ses adhérents et ceux-ci par leurs interactions et interrelations. * 415 Cf. 1.3.2 L'individu dans son groupe, un inventeur de manières de faire, p. 53. * 416 Certeau, M. (de), L'invention, op. cit., p.14. * 417 Elias, N., La société..., op. cit., p.19. * 418 Corcuff, P., Les nouvelles..., op. cit., p.24. * 419 Ib. * 420 Chombart de Lauwe, P.-H., La culture et le pouvoir, L'Harmattan, 1983, p. 272. * 421 Par exemple les smiley ( ;-) ) ou les abrégés (A+) |
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