Pour quelle(s ) histoire(s ) d'être(s ) ? Associations 1901, inter relations personnelles et interactions sociales, un art de faire( Télécharger le fichier original )par Jean- Marc Soulairol Université Lumière Lyon 2 - Diplôme des hautes études des pratiques sociales D. H. E. P. S. 2002 |
3.1 Aspirations et dynamiques de changementJusqu'à présent nous avons rapporté les explications données par l'adhérent quant à sa participation aux activités du Compu's Club. Il s'avère que la raison d'être de son engagement est commandée par la recherche de la satisfaction de besoins personnels. Nous avons abordé, ensuite, les dynamiques relationnelles qui reliaient ou pas les participants entre eux pour souligner qu'elles représentaient la forme, l'espace, le lieu dans lequel l'adhérent pouvait construire cette recherche de satisfaction. Nous avons, alors, décrit que l'adhérent investissait ou profitait des circonstances pour y parvenir, se trouvant ainsi dans une relation de type socio-économique avec les autres membres, d'une part, et avec l'association, d'autre part. Nous allons expliciter cette notion de besoin. Pour rendre intelligible leurs processus de satisfaction au sein même des activités des adhérents il nous semble nécessaire de nous appuyer dans un premier temps sur les travaux du psychologue Abraham Maslow parce-qu'il a centré ses explications de l'activité comportementale sur le rôle fondamental de cette notion de besoin. Les besoins assureraient les orientations de l'individu vers l'obtention de buts spécifiques338(*). Ainsi, Maslow a construit une hiérarchisation des besoins sur cinq niveaux339(*). Nous laisserons de côté le premier niveau, les besoins primaires, lié à des déterminants physiologiques340(*) pour ne retenir que les besoins secondaires341(*), dont la spécification est la plus intéressante pour la suite de ce travail parce-qu'ils résultent de l'expérience et des habitudes acquises par l'adhérent dans l'environnement Compu's Club. 3.1.1 Des aspirations à la satisfaction des besoins : ce qui pousse à agirLorsqu'un niveau de besoin est atteint l'individu cherchera à satisfaire le niveau supérieur. Ce qui signifie qu'à chaque fois qu'un niveau de besoin n'est pas satisfait, l'homme se raccrochera au niveau immédiatement inférieur. Mais la validité de ce classement hiérarchique n'a pu être vérifié en pratique ; comme nous allons le voir, la réalité n'est pas aussi statique. Elle présente des va-et-vient entre les différents besoins. Cependant, ce classement constitue un instrument méthodologique que McGrégor et Peter Drucker342(*) ont utilisé pour élaborer la notion de direction par objectifs plutôt que par contrôle. Ce principe inspirera, aussi, vingt ans plus tard Inglehart dans ses travaux sur le post-matérialisme et Paul-Henri Chombart de Lauwe343(*) qui a cherché à établir une sociologie des aspirations. Ce sur quoi nous reviendrons au cours des pages suivantes. Comme eux dans leurs recherches, nous garderons la présentation habituelle sous forme de pyramide de la hiérarchie des besoins de l'homme définis par Maslow car elle facilite notre compréhension initiale et nos interprétations. Echelle de la hiérarchie des besoins selon Maslow dite "pyramide" de Maslow
La pyramide de Maslow nous permet de situer dans sa hiérarchisation, les besoins des adhérents interviewés. Pour nous expliquer nous aborderons la notion de confiance ; parce-que nous avons pu constater que la satisfaction des différents niveaux de besoins de cette hiérarchisation se déroule chez l'adhérent dans un climat de confiance et aboutit à un résultat efficace en terme de quantité, qualité et délai. De plus, la confiance semble être un supra besoin, une condition à satisfaire réciproquement d'autres besoins. Ce qui va nous permettre d'élargir nos interprétations sur des besoins dont la satisfaction conditionne d'autres besoins. La confiance a été un élément souvent énoncé par les adhérents. Ici, dans le contexte relativement circonscrit de l'association, de la confiance, nous pouvons donner deux interprétations des conditions de sa réalisation. L'une à connaissance consciente, sanctionnée par les attentes fondées de l'adhérent, par exemple, la reconnaissance d'un projet mené. L'autre qualifiant un certain type de rapports humains. Par exemple, une forme d'amitié bienveillante autorisant des liens de solidarité sans obligatoirement aller jusqu'à l'intimité. La confiance s'établissant par le moyen d'échanges particuliers (obligations, solidarité, par exemples) définies par des relations asymétriques que chacun occupe dans l'association. L'une et l'autre de ces explications conduisant l'adhérent, dans l'association, à satisfaire un besoin relationnel. Pour résumer, si un climat de confiance est présent (satisfait) il devient possible de s'engager dans un (des) projet(s) et/ou rendre possible la satisfaction d'un besoin de lien social lui même basé sur la recherche de satisfaction d'un besoin d'échanger. C'est au fond l'argument de Maslow : satisfaire un niveau de besoin afin de pouvoir passer à un niveau de besoin supérieur. Mais réciproquement, cet échange est aussi attente. L'adhérent attend de celui avec qui il est en interaction qu'il agisse dans un cadre définit par sa position, son rôle. C'est ce qui est désigné par les adhérents interviewés lorsqu'ils parlent de leurs idées, présentent leurs projets. La confiance au Compu's Club est, en résumé, une condition à la satisfaction de relations d'échanges de l'adhérent. Ainsi, la relation d'échange devient indispensable pour comprendre le phénomène de changement parce-que sa réciprocité est conditionnée par la condition de confiance en tant qu'elle est attente, vis à vis de l'autre, du respect des règles connues des deux. La confiance comme une assurance, en quelque sorte ; l'assurance du respect des règles. C'est la raison pour laquelle le rejet des règles exclut celui qui se rendrait coupable de transgression : « ...c'est vraiment quelqu'un qui est contre l'esprit du groupe [...] Il n'avait pas du tout envie de partager. Il n'est pas resté. »344(*) Nous voyons là une sorte de "code interne" du comportement. Mais si les relations entre les adhérents peuvent être réglées par l'échange basée sur la confiance, peut-on les comparer aux relations entre micro-groupes (les branches) ? Ainsi, si les besoins de sécurité psychologique de la pyramide de Maslow (niveau )345(*) « ne peuvent pas être la base d'une motivation profonde et prolongée. »346(*), l'originalité de l'environnement organisé en branches du Compu's Club peut être situé au niveau de cette hiérarchisation : "besoins sociaux, besoins d'appartenance". Parce-que, ce que semble voir l'adhérent de cette association est une réponse à ses besoins d'appartenance à un groupe, ici les branches, c'est-à-dire à des micro-groupes347(*), voire à l'association aussi ou seulement. A plusieurs reprises, au moment des entretiens, l'adhérent a exprimé cette appartenance348(*). Dans certains cas, c'est l'étiquette informatique même qui autorise un sentiment d'appartenance349(*). A partir de là, nous pouvons voir cette appartenance micro-groupale (que d'autres appelleraient tribale350(*) ou unité de vie sociale) comme un « idéal communautaire »351(*), une reconnaissance à satisfaire. Cette organisation communautaire idéale permet, dès lors, une double communication : intra-branches (de membre à membre) et inter-branches (de branche à branche). Ainsi, le besoin de relation ne se limiterait pas seulement à la satisfaction d'un besoin d'échange mais s'élargirait sur un besoin de communication en tant qu'échange352(*). Ce qui veut dire au fond, la satisfaction des besoins d'échanges et de communication fusionnent pour satisfaire un besoin de relation. Sur cette idée, John Adair353(*) ne distingue plus le but d'un projet et l'individu. Il inventorie les besoins de chaque projet selon trois orientations intimement liées : 1) les besoins du projet, c'est-à-dire, définir, organiser, attribuer les tâches, contrôler la qualité et le rythme, 2) les besoins du groupe, c'est-à-dire, être un exemple personnel, discipline, esprit d'équipe, motivation, responsabilisation, communication, formation du groupe et 3) les besoins individuels (valorisation, connaissance de chacun, utilisation des capacités personnelles, formation). Une telle fusion comprend entre autres : l'institutionnalisation du dialogue, une définition précise des tâches, une information rigoureuse, la fixation d'un ordre de distribution354(*) de celles-ci, le renouvellement de certaines fonctions, comme l'élection (ou l'émergence informelle) du pilote de la branche. Schéma de la fusion des besoins pour une communication en tant qu'échange Ce schéma fait apparaître que les relations au sein de cette association s'inscrivent dans une interaction satisfaisant leurs besoins de communication en tant qu'échange. Cette interaction, consiste en une multitude de situations où les adhérents sont plus ou moins positionnés et/ou en attente/recherche de participation. Simultanément, ces comportements prévoient évidemment l'élaboration d'un "code externe" définissant les rapports de la branche avec l'ensemble de l'association voire avec l'extérieur. Les points importants sont 1) reconnaître, ici, le caractère interactif de la branche et 2) susciter aux participants un comportement qui se conforme à ces codes (internes et externes). Suscitation exercée par le truchement de valeurs englobantes, celles de l'association Compu's Club, c'est-à-dire ses valeurs fondatrices : entraide mutuelle et service bénévole355(*). Pour exprimer différemment ce dernier point, bien qu'il y ait une distinction de l'association en plusieurs branches qui suivent leur propres règles et qui ont une certaine autonomie les unes vis-à-vis des autres, l'image perçue des valeurs du Compu's Club a la pouvoir d'intervenir et d'influencer les relations à l'intérieur de l'association et des branches. Ceci étant possible parce-que les besoins sont satisfaits dans le cadre d'échanges fondés sur une relation de confiance de qualité (code interne) dans cette association qui donne les moyens, forme une contingence, pour que cet échange existe (valeurs englobantes). Si nous avons mis en évidence une corrélation entre l'organisation de cette association et un « idéal communautaire » dans les branches, elle nous permet seulement de la voir en tant que psychologie de métavaleurs et métabesoins356(*) de l'adhérent : la confiance, les échanges, la communication. Ainsi, par là même, cet adhérent pourrait être vu plus passif qu'actif. C'est-à-dire, qu'il pourrait être considéré dans ses changements uniquement au travers de choix successifs liés à des intérêts plus ou moins grands. Or, il est constaté particulièrement actif dans ses changements. Ceci s'est présenté dans les entretiens lors de situations où un même besoin peut s'énoncer, s'affermir et s'opérer graduellement.357(*) Ici, se pose, donc, le problème de la satisfaction des besoins de l'adhérent ou plus exactement la réalisation de ses aspirations. Nous voulons dire par là, l'espérance de voir se réaliser ses aspirations. Chombart de Lauwe définit l'espérance en tant qu'elle : « correspond à une attitude globale de tout l'être qui, au delà des désillusions et des espoirs déçus, garde une raison de vivre malgré les échecs qu'il rencontre. »358(*) Espérance qui est donc (en même temps qu'elle permet) une dynamique à connotation positive (en l'occurrence l'engagement, la motivation) et autorise l'adhérent à s'engager, c'est-à-dire à faire évoluer ses attitudes et comportements. En un mot, changer. Autrement dit, les aspirations peuvent jouer un rôle dans l'évolution des relations à l'intérieur d'une branche. L'adhérent "entre" au Compu's Club d'abord parce-qu'il aspire à utiliser l'informatique, étiquette avant-gardiste, à la pointe de la technologie, voire de prestige ; puis, à la suite d'un faisceau de situations et circonstances vécu tant personnellement que lié à l'association même, émerge l'aspiration à des activités, des responsabilisations ; aspire, en fait, à appartenir à un groupe intime. C'est du moins l'image qu'il en donne : une famille, un village, une communauté. Mais alors qu'est-ce qui motive ces aspirations ? Pour suivre Maslow, c'est la satisfaction des besoins du niveau 359(*) qui va permettre de le motiver. Ce besoin utilise des moyens comme l'implication dans la prise de décisions, des projets, donner la possibilité d'être fier de ce qu'on fait, de ce qu'on est, de se sentir capable de réussir ce qu'on entreprend, d'être respecté par les autres, d'être apprécié, reconnu, etc. Dans cet objectif, il faut se demander comment l'adhérent expérimente ses propres valeurs comme objectif de changement. Ici, nous pouvons faire place à une vision globale des aspirations, qui inclut, non seulement les aspirations matérielles, mais également les aspirations sociales et de pouvoir. En substance, - sur le plan matériel, l'adhérent changeant aspire à des conditions matérielles qui développent ses possibilités de développement personnel : le matériel informatique, l'accès aux NTIC, ... - sur le plan social, l'adhérent souhaite l'estime, la reconnaissance de son engagement et de ses efforts, l'amitié, ainsi qu'un climat humain environnemental positif, de confiance ; - sur le plan du pouvoir, l'adhérent souhaite comprendre ce qu'il fait, participer à l'orientation de ses activités, à leur organisation ainsi qu'au contrôle des résultats de son ouvrage. Maslow360(*) affirme qu'une fois ces aspirations satisfaites, « un processus de développement personnel, de réalisation de soi, se déclenche chez l'individu et l'anime d'une manière dynamique. »361(*) Celui-ci entre alors dans la maturité et adopte un comportement d'adulte. C'est ce que nous avait suggéré, sur le plan philosophique, Nietzsche dans "les trois métamorphoses"362(*) et que nous adaptons dans ce travail pour la cohérence de notre interprétation. L'adhérent (l'enfant de Nietzsche, c'est à dire l'adulte en devenir) est capable d'agir sur la réalité extérieure et maîtriser son environnement ; il soumet son action à l'épreuve des faits ; il unifie sa personnalité par son oeuvre ; il n'y a plus d'écart entre le réel et la vision qu'il en a, il n'y a plus d'écartèlement entre ses aspirations et son ouvrage. L'adhérent est alors capable de construire, de créer ; et cette capacité est essentiellement dynamique. C'est ainsi que l'adhérent, qui remplit une mission volontairement choisie (en conséquence, dont il s'est rendu responsable), entre dans un processus de développement continu : il fixe plus haut l'objectif suivant et ainsi de suite jusqu'à la pleine utilisation de ses possibilités363(*). Il change ! De la même manière, les conditions du comportement de maturation (maturité) se ramènent à la notion de responsabilité. Pour paraphraser Nietzsche : l'homme qui ne peut être responsable risque de ne jamais devenir un adulte, mûrir (évoluer donc changer). Mais, l'exercice de la responsabilité suppose une certaine autonomie, une liberté dans le choix des moyens, une compétence suffisante et une possibilité de la développer, un certain contrôle sur les résultats de son travail. Dans les entretiens, ces différents points de liberté, autonomie et responsabilité (qu'il faut comprendre, ici, en tant que choix), sont apparus de façon récurrentes.364(*) Ainsi, dans leur engagement, les adhérents constatés changeants, font ressortir l'absence de divergence entre les aspirations personnelles et les possibilités offertes par le Compu's Club et les projets menés par les branches. Ce qui témoigne de l'adéquation ou de l'influence de l'organisation de l'association365(*), d'une part ; celle des représentations de l'adhérent et des systèmes de valeurs366(*) du micro-groupe, d'autre part. Il est dès lors possible de faire un premier inventaire des besoins-aspirations de l'adhérent changeant : reconnaissance et appartenance, autonomie et liberté, responsabilité. Ces besoins-aspirations correspondent, dans notre enquête, soit à des éléments extérieurs, comme l'étiquette informatique ou la liberté de choisir sa participation à un projet ; soit à des éléments subjectifs, tels la perception, le raisonnement et l'action de manière à transformer une situation existante ; soit les deux : extérieurs et subjectifs. Paul-Henri Chombart de Lauwe suppose l'intégration sociale par une « aspiration à la considération » et « un besoin de ne pas être déconsidéré. »367(*) A la reconnaissance se superpose « une aspiration à passer à un état jugé par lui [(l'adhérent)] supérieur, à obtenir des objets ou un statut auquel il ne pouvait pas jusqu'ici prétendre. »368(*) Les aspirations de l'adhérent changeant sont orientées par des images, des symboles liés à des représentations. En d'autres termes, les besoins sont des pulsions et les aspirations des désirs369(*), des souhaits. Les uns, venant de l'adhérent lui-même ou par rapport aux pressions environnementales, les autres, sont tournés vers un but. Pour mieux l'exprimer : un projet d'avenir qui prend forme à partir de besoins non satisfaits d'une part, c'est-à-dire de « l'attraction vers des objets perçus, représentés ou imaginés »370(*), et d'autre part, qui fournit des buts à l'adhérent en tant que sujet-agent individuel et social. Buts formés, entretenus et réalisés en interaction avec l'environnement Compu's Club. C'est-à-dire, le milieu associatif particulier de cette association qui « fournit l'univers des symboles et des valeurs par lesquels s'élaborent, s'expriment et se diffusent les aspirations chez les personnes et dans les collectivités »371(*) (en l'occurrence l'association). Ce milieu étant « à la fois le milieu qui provoque l'éclosion des aspirations, qui les entretient et les diffuse, et aussi le lieu de leur réalisation ou de leur frustration. »372(*) En ce qui concerne plus spécifiquement les aspirations individuelles, nous pouvons définir celles-ci comme des projets que forment les adhérents (quelquefois formulent) et qui les motivent précisément à poursuivre leurs projets. En clair, l'enquête a révélée que l'adhérent satisfait de ses aspirations au présent pourra ne pas aspirer aller plus loin dans ses projets373(*). Cette traduction s'effectuant dans le but de s'assurer une socialisation374(*) ou encore de développer des aptitudes375(*), à moins que ce besoin ne paraisse trop grand à l'adhérent, trop difficile à réaliser376(*). Mais à l'inverse, comme l'exprime Guy Rocher, « le milieu socioculturel présente aussi des contraintes, des obstacles, des empêchements aux aspirations. » Ainsi, la nécessité d'obtenir un écho à ses désirs constitue une de ces contraintes à l'élaboration ou au maintien de ses aspirations. C'est en cherchant les qualités heuristiques de ce concept d'aspiration autour duquel peut s'organiser les interrelations que nous avons tenté une interprétation du rapport entre l'adhérent et ses représentations. Dans notre enquête, l'aspiration est participation. A partir de là, elle est révélatrice de rapports entre l'individu et la société. Alors, même si l'adhérent porte377(*) un intérêt au cadre informatique de l'association, pris dans son sens le plus large, son intérêt personnel peut être tourné aussi bien vers des activités, bien sûr non TIC comme relevé dans notre enquête, mais aussi, culturelles ou philanthropiques, c'est-à-dire, désintéressées, comme le soulignent, sans exception, tous les adhérents interviewés. Mais n'oublions pas qu'un intérêt porté dépend de la valeur attribuée. Par cela, l'adhérent devient changeant. C'est-à-dire « à travers les choix successifs liés à des intérêts plus ou moins grands, dans des situations différentes, une même aspiration peut se préciser, se fixer et se réaliser progressivement. »378(*) Nous venons de voir que les aspirations des adhérents se rattachent au désir et à la valeur en liaison avec la représentation. La réalisation des aspirations doit nécessairement s'effectuer dans une mise en projet. Cette mise en projet lui permet de participer à la vie de l'association. Participation caractérisée par des interactions et des interrelations sociales. A partir du cadre d'analyse, du terrain et nous appuyant sur ce que nous avons développé précédemment, nous pouvons supposer que les aspirations des adhérents se modifient en fonction de trois notions qui peuvent paraître au premier abord successives mais qui sont, en fait, entièrement liées entre elles : « les désirs, les espoirs et l'espérance »379(*). Plus précisément, dans notre enquête : 1) le désir de reconnaissance et d'appartenance à un groupe, 2) l'espoir de développer un projet en relation avec une histoire individuelle et 3) l'espérance d'être ou de conserver un état d'être pour « garder une raison de vivre malgré les échecs rencontrés. »380(*) Nous allons effectuer ici une interprétation de ces trois notions. * 338 En résumé, l'humain est vu comme un être se dirigeant vers son plein épanouissement (la réalisation de soi). Cette approche suppose l'existence du Moi et insiste sur l'importance de la conscience et de "la conscience de soi". Le but serait donc de permettre à tout individu de se mettre en contact avec ses émotions et ses perceptions afin de se réaliser pleinement, c'est-à-dire, atteindre la réalisation de soi. Pour Maslow, le comportement est aussi notre désir conscient de croissance personnelle. * 339 Selon Maslow, les besoins humains sont organisés selon une hiérarchie où, à la base, on retrouve les besoins physiologiques élémentaires et à son sommet, les besoins psychologiques d'épanouissement, sociaux et affectifs d'ordre supérieur. Ce seraient ces besoins qui créeraient la motivation humaine. A la fin de sa vie, Maslow rajoute les besoins spirituels en sixième besoin, tout en haut de sa pyramide suggérant le dépassement de soi. * 340 Besoins physiologiques fondamentaux (et biologiques) sont de l'ordre de huit : faim, soif, sommeil (repos), élimination, respiration, sexualité, évitement de la douleur, protection de l'environnement par le logement. En clair, ce sont les besoins dont la satisfaction est importante ou nécessaire pour la survie. * 341 C'est-à-dire : besoins psychologiques, sociaux et affectifs d'ordre supérieur. * 342 Drucker, Peter, Le Management par objectifs (Management of results), 1964 in Encyclopædia Universalis à Drucker P. * 343 Chombart de Lauwe, P.-H., op. cit. * 344 Huitième entretien, l.588. * 345 Besoins économique, physique comme la protection, le confort, l'absence de menace, l'environnement organisé, etc. * 346 Tissot Jacques, Consultant, livre Marketing /vente 1995, publication de la MIFI (Maison de l'Innovation et de la Formation industrielle) * 347 Nous nous référons pour cette interprétation aux propos émis par la sixième personne interviewée, p. 89. Michel Maffesoli parle de "tribus" : « le tribalisme rappelle, empiriquement, l'importance du sentiment d'appartenance, à un lieu, à un groupe, comme fondement essentiel de toute vie sociale. ». Maffesoli, M., op. cit., p.XII. Paul-Henri Chombart de Lauwe, quant à lui, parle d'unité de vie sociale : « l'unité de vie sociale est une unité de vie quotidienne, une unité d'usage, une unité de relation [...] Elle a une existence. » Chombart de Lauwe, P.-H., op. cit., p.128. * 349 Cf. deuxième partie, p. 81. Celui que nous avons nommé le Pharisien-Prestige. * 350 Michel Maffesoli a proposé la métaphore de la "tribu" pour prendre acte de la métamorphose du lien social (Maffesoli, M., Le temps..., op. cit. p.III). * 351 Maffesoli, M., Le temps..., ib. p.XII. * 352 Notamment à partir de l'idée de réciprocité et de dépendance de l'échange. Il ne s'agit donc pas, ici, de communication en tant qu'elle puisse être émission - canal de transmission - réception - feed back. * 353 Adair John, Le leader, homme d'action, Top, 1991 in Chibber, M.L., Leadership, Sai, 1998, p.40. * 354 Par exemple, entretien n°2 , l.313. * 355 Deuxième entretien : « Et j'ai eu l'occasion de concrétiser çà, de, de, d'en avoir la preuve. [...] il y a un déménagement, et bien y a pas un pelé, y en a 15 de pelés. Y a...euh... bon. Et je pense que... on sait faire... euh... y a des gens qui savent passer outre... leur, leur nombril pour...euh... ben, le but de... initial de l'association. » (l.103). Neuvième entretien : « [...] on essaie de mieux comprendre, de mieux, pas comprendre l'autre, mais se comprendre mutuellement. » (l.101) « Je crois que c'est à travers le déménagement. [...] lorsque j'ai vu tout le travail pour aménager le nouveau local, euh... tout ce foisonnement de personnes que je ne connaissais pas... et... [...], enfin, quand j'ai vu tout ce travail... cette ruche... ça m'a quand même beaucoup impressionnée. J'ai vu qu'à travers euh... Les différentes activités, il y avait un lien... » (l.247). Cinquième entretien : « les principes d'entraide mutuelle... entre les membres, donc moi ça m'a intéressé parce-que je connais pas mal la technique, je travaille là-dedans, donc je pouvais aider les membres à ce niveau là... et j'allais surtout pour essayer d'apprendre un peu à me servir des logiciels et... sur les PC. » (l.20). « Notre devise c'est l'entraide mutuelle. Donc, pour moi c'est vrai que c'est un bon principe. Ouais, pour moi, la vie du club, c'est surtout l'entraide mutuelle, ça évite que les gens y viennent juste prendre sans donner... Parce-que un club, si personne donne, bon, ben, ça peut pas fonctionner... ça c'est sûr. » (l.333). Sixième entretien : « ça se passe pas toujours de la même manière, [...] en général, on essaye toujours de s'entraider mutuellement. » (l.206). * 356 Cf. la pyramide de Maslow. Si nous nous sommes arrêté au point 4 de la pyramide c'est parce-ce que Maslow croyait que c'est précisément à ce type de besoin que la majorité des gens s'arrêtent. A fortiori, nous n'aborderons pas le point 5. D'autant que pour lui la réalisation de soi (qu'il appelle aussi actualisation) n'est jamais complètement atteinte et toujours à rechercher davantage. * 357 Par exemple, entretien n°9, l.730. * 358 Chombart de Lauwe, P-H., Pour une sociologie..., op. cit., p.36. De même qu'il a défini l'espoir : « L'espoir est une attente du maintien d'un état auquel on attache une grande valeur, de la réalisation d'une situation nouvelle pour soi-même ou pour un groupe plus ou moins large auquel on appartient. L'espoir est lié au soucis, à la contrainte, à la préoccupation dont on veut sortir, à la peur de perdre ce que l'on possède et en même temps à l'avènement d'un ordre nouveau de conditions nouvelles dans lesquelles une plus grande liberté sera réalisée. » Chombart de Lauwe, P-H., Pour une sociologie..., ib., p.35-36 * 359 Besoin d'indépendance, d'autonomie, d'estime (de soi et des autres), par exemple la reconnaissance et le prestige, la compétence, etc., c'est-à-dire la "valorisation de l'individu" en tant que tel, et non pas dans le but de s'approprier la "fidélité" de l'adhérent. * 360 Maslow, A.H., Motivation..., op. cit. Cf. aussi notamment Argyris, Chris, Participation et organisation, Dunod, 1970. * 361 Pour confirmer l'introduction de cette troisième partie en p. 120. * 362 Voir première partie qui pose le problème, p. 36. * 363 Cf. la pyramide de Maslow. * 365 Cf. p. 128 qui posait cette éventualité. * 366 Chombart de Lauwe précisant : « Les groupes poursuivent un but en fonction [...] d'ensembles de représentations, de systèmes de valeur. Pour les individus, [...leur] accomplissement n'est possible que dans [...] des groupes auxquels [il] participe et dont il partage plus ou moins les aspirations. » Chombart de Lauwe, P.-H., Pour une sociologie..., op. cit., p.18. * 367 Chombart de Lauwe, Pour une sociologie..., op. cit., p.16. * 368 Chombart de Lauwe, Pour une sociologie..., ib. Nous permettant de relever, dans notre hypothèse, « plus l'individu accède à un statut d'individu. » * 369 « Le désir est un mouvement de l'être vers un objet que l'on ne possède pas, ou de conservation et de développement d'un bien que l'on possède. Spinoza le présentait comme "un appétit accompagné de la conscience de lui-même". Mais cette conscience peut être claire ou confuse. [...] La tendance qui correspond au désir peut porter le sujet [...] vers un état vague évoqué à travers des images parfois très flous. Dans ce cas le désir n'a pas de limite. » Chombart de Lauwe, P-H., Pour une sociologie..., ib., p.35. * 370 Chombart de Lauwe, Paul-Henri, La culture et le pouvoir, L'Harmattan, 1983, p. 272. * 371 Rocher, Guy, Pour une théorie psychosociologique des aspirations, dans Bélanger, P.W. Rocher, Guy et coll.., Le projet A.S.O.P.E. : son orientation, sa méthodologie, sa portée sociale et ses réalisations, Les Cahiers d'A.S.O.P.E., vol. VII, PUL, 1981, p.52. * 372 Rocher, G., Pour une théorie..., ib. p.52. * 373 Interview n°2, l.389, p. 81. Interview n°4, l.259, 683, 883. Nous précisons que cet adhérent a quitté l'association dès lors qu'il a pu acquérir et utiliser un ordinateur de manière autonome, c'est-à-dire chez lui. * 374 Annexe 9, entretien n°4 (entre autres), l.259. * 375 Comme toutes les personnes interviewées, par exemple : « En fait on est allé dans un club informatique pour parler informatique. [...] On savait pas le parler au début. » (l.883). Deuxième partie, ib. * 376 « Se sentir sur le même piédestal, quoi. Parler de la même chose. » (l.683). Deuxième partie, ib. * 377 Plutôt moins que plus. Cf. section 2.2.1 Perception de l'environnement associatif par le membre, p. 87. * 378 Chombart de Lauwe, P-H., Pour une sociologie..., op. cit., p.19. * 379 « Les aspirations pourraient se situer apparemment sur trois plans successifs, suivant la distance et la nature des objets vers lesquels elles tendent : les désirs, les espoirs et l'espérance. » Chombart de Lauwe, P-H., ib., p.35. * 380 Chombart de Lauwe, Pour une sociologie..., ib., p.36. |
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