Au Bénin, la demande de consommation de la population
en riz ne cesse de s'accroître. En effet, la consommation du riz rentre
progressivement dans les habitudes alimentaires des ménages ruraux et
urbains dépassant annuellement 14kg par habitant en moyenne. Dans le
même temps, l'essor démographique galopant (3,25% par an) amplifie
la demande domestique estimée à plus de 80.000 tonnes en 2003
contre une production locale de 54 183 tonnes7 la même
année. Il s'en suit alors un déficit alimentaire chronique. Ce
déficit est comblé par les importations dont une partie est
constituée par les dons et les aides alimentaires provenant
essentiellement des gouvernements japonais et américains. Ces dons du
riz dont les objectifs principaux sont supposés réduire le
déficit alimentaire en riz et lutter contre la pauvreté ne sont
pas sans incidence sur le développement de la riziculture locale et sur
les conditions de vie des producteurs béninois.
4-2-3-4-1- Le don japonais
·
Historique et importance
Le don japonais du riz au du Bénin date de plus de
deux décennies. Il trouve son origine dans une période de
sécheresse ayant entraîné une pénurie alimentaire au
Bénin dans les années 80. Depuis, même si la situation
alimentaire du pays est redevenue normale, le système a
été pérennisé sous réserves d'autres
critères. L'Etat japonais signe avec l'Etat béninois la remise
d'un certain volume de riz correspondant à la valeur du don
divisé par les cours du riz sur le marché international. Il
s'agit d'un don numéraire équivalent à environ 200.000.000
Yen. Les quantités varient d'une année à une autre selon
les prix mondiaux du riz et selon les cours du Yen.
La quantité offerte varie d'une année à
l'autre et ne tient compte ni des importations commerciales ni de la production
locale. En 2002 par exemple, le don japonais représentait à lui
seul 7,5% des importations commerciales et 12,25% de la production locale. Les
recettes issues des ventes ne sont pas négligeables mais elles sont en
baisse. En 2002, elles s'élevaient à 1.102.492.783 FCFA, tandis
qu' en 2004 elles ne sont plus que de 546.358.749 FCFA (CCR et REDAD-VECO,
2006).
7 Service statistique/DPP/MAEP
Figure n°4 : Evolution des dons du riz japonais au
Bénin
Source : CCR et REDAD-VECO, 2006
· Gestion des dons de riz japonais
Pour la livraison du produit, le gouvernement béninois
établit en collaboration avec le gouvernement japonais un cahier de
charges soumis à un appel d'offre international auquel seules les
sociétés japonaises peuvent postuler. La marchandise est
délivrée en une seule cargaison, chargée par la SOBEMAP.
Au Bénin, le don est supervisé par un comité
interministériel composé par les ministères du commerce,
de l'agriculture, des affaires étrangères, du plan, de la
famille, de l'intérieur et des finances. Il s'agit d'une commission de
la gestion des dons présidée par le ministre du commerce. Elle
est créée par décret et amendée le 30
Décembre 2004. Elle reçoit les dons, propose le prix de cession
et la formule de répartition, suit la distribution et rend compte au
gouvernement.
Ainsi, le riz donné à l'Etat béninois
doit être vendu. Il est distribué sur toute l'étendue du
territoire y compris dans les zones de production. La distribution est
assurée par la Centrale COOP et l'ONASA depuis 1996, chacune dans une
zone bien délimitée. En 1996, la répartition du riz
était de 60% pour la centrale COOP et de 40% pour l'ONASA. Mais depuis
quelques années, la répartition est équitable entre les
deux structures. Rappelons que la Centrale COOP est une structure privée
dont la fonction centrale est la distribution des produits alimentaires tandis
que l'ONASA est une institution étatique relevant du ministère de
l'agriculture. Les deux structures soumettent un projet de répartition
et un prix de cession à la commission de gestion des dons et aides
alimentaires que le Conseil des Ministres étudie. Ce
prix est fixé en tenant compte du prix du marché
de riz le plus bas et le plus consommé par la population.
Le prix de cession du riz donné est
généralement fixé au minimum au deux tiers (2/3) du prix
FOB et à un maximum non loin de ce seuil. Ainsi, le prix varie de 4 500
à 5 000 FCFA pour le sac de 30 Kg. Ce prix supposé unique varie
cependant légèrement d'une zone à une autre. Avec la
décentralisation, un comité d'orientation et de gestion du riz
japonais est installé au niveau local. Ce comité est
présidé par le Maire et a pour membres le responsable du CeRPA,
le responsable des affaires sociales, un représentant de l'association
du développement, une représentante des femmes, le chef de la
brigade ou le commissaire, un représentant de l'ONASA ou de la Centrale
COOP. Les revenus tirés de la vente sont regroupés dans un compte
spécial.
Selon Verlinden et Soule (2003), le don japonais est
distribué à un prix largement en dessous de celui du riz local.
En Octobre 2003, il a été distribué dans le
département des Collines à un prix inférieur de 40% au
prix du riz produit dans cette région. De même, en 2004 sur le
marché de Natitingou, le riz issu du don japonais a été
distribué à un prix d'environ 175FCFA/Kg contre 225FCFA/Kg pour
le riz local. Ce don étant exonéré des taxes à
l'importation, il agit comme un concurrent de taille du riz local.
4-2-3-4-2- Le don américain
· Historique et importance
A l'instar du Japon, les Etats Unis apportent une assistance
alimentaire en riz à la République du Bénin. En plus du
riz, l'huile comestible, le blé et la farine de blé sont
également importés. C'est le Catholic Relief Services (CRS) qui
en assure la gestion. La structure s'est implantée au Bénin
depuis 1958. Pour ce qui concerne le riz, l'assistance alimentaire comporte
deux volets à savoir la distribution alimentaire et la
monétisation (vente de vivres). Si le programme de distribution
alimentaire date de plusieurs décennies, celui de la monétisation
n'a commencé qu'en 2001 pour une durée de cinq (5) ans.
Pour chacune des deux composantes, les volumes importés
varient très faiblement d'une année à l'autre. La
distribution alimentaire s'élève à environ 500 tonnes par
an. S'agissant de la monétisation, l'opération s'effectue sur
toute l'année. Son volume moyen est
de 9000 tonnes par an. La totalité de ces importations
(monétisation et distribution alimentaire) faisait près du tiers
de la production nationale en 2000.
· Gestion des dons de riz
américain
Les bénéficiaires du programme de distribution
alimentaire sont principalement les écoles sous formes de cantines
scolaires destinés à assurer la fréquentation de
l'école par les enfants et à limiter les déperditions au
cours du cursus scolaire. Quant à la monétisation des vivres
reçus en aide, elle constitue un mécanisme de satisfaction des
besoins de fonds pour la réalisation des objectifs de
développement et un moyen de développement des capacités
des entreprises locales. Ainsi, les bénéficiaires sont les
sociétés, les associations et les groupements. Pour la vente, le
CRS lance un appel d'offre et c'est la structure la plus offrante qui est
retenue. On en déduit que la gestion des aides alimentaires
américaines est entièrement sous le contrôle du CRS.
Figure n° 5 : Répartition mensuelle
de la monétisation du riz par le CRS-Bénin en 2004
Source : CRS-Bénin, 2004
cité par Abiassi, 2006
4-2-3-4-3- Impact des dons et aides alimentaires sur
la riziculture locale
La monétisation des vivres reçus en aide
constitue un mécanisme de satisfaction des besoins de fonds pour la
réalisation des objectifs de développement et un moyen de
développement des capacités des entreprises locales. Ainsi, les
bénéficiaires sont les sociétés, les associations
et les groupements les plus offrants. Pour chacune des deux composantes, les
volumes importés varient très faiblement d'une année
à l'autre. Ces dons et aides alimentaires contribuent à combler
le déficit alimentaire en riz de la population. Cependant, leur
incidence
sur la population agricole en particulier et sur le
développement du Bénin en général est loin
d'être négligeable. En effet, les risques et incidences à
court et à long terme sont nombreux. Ils se présentent comme suit
:
A court terme
o Discrimination sociale car un petit nombre de personnes
s'accaparent de la
plus grande quantité qu'ils revendent sur les
marchés urbains et régionaux ;
o concurrence déloyale du don du riz vis-à-vis du
riz local. En effet, le don du riz
est plus compétitif que le riz local car il coûte
deux fois moins cher que le riz local et il est vendu à un prix
inférieur au coût de production du riz local qui est de 158 F/Kg
;
o manque de débouchés à l'intérieur
pour l'écoulement du riz local ;
o mévente de la part des producteurs nationaux ;
o bradage du riz local par les producteurs ;
o baisse des revenus des producteurs et productrices qui
s'adonnent
particulièrement à cette culture ;
o manque de volonté pour l'investissement dans la
filière ;
o détérioration des conditions de vie des
populations rurales.
A long terme
o Découragement des riziculteurs ;
o découragement des efforts accomplis par les projets et
programmes de
développement de la filière riz dont les effets
risquent d'être négligeable voire nul sur la vie des producteurs
;
o baisse de la production locale du riz et des revenus des
producteurs ;
o faible valorisation des potentialités rizicoles
existantes ;
o insécurité alimentaire due à
l'incapacité du Bénin à faire face à la demande
locale en cas de suspension soudaine des dons et aides ;
o augmentation du degré de dépendance du
Bénin voire une souveraineté
nationale hypothéquée durablement ;
o agrandissement des inégalités entre les hommes
et les femmes car les femmes
tirent une bonne partie de leurs revenus à partir de la
riziculture ;
o faible diversification agricole avec comme conséquence
le renforcement de la
dépendance du pays à l'égard de la
monoculture ;
o problème sanitaire car la plupart des aides et dons
alimentaires sont constitués
de réserves alimentaires datant de plusieurs
années et pourraient être de qualité douteuse ;
o élargissement du déficit de la balance
commerciale et donc un produit intérieur
brut de plus en plus faible
(CCR et REDAD-VECO, 2006).