Sous chapitre 2 : Facteurs clés de
succès de la mise en application des « bests practices »
internationaux au système bancaire tunisien
Dans le précédent sous chapitre intitulé
« Divergences et impacts de la mise en application des «
best practices » internationaux au système bancaire
tunisien», nous avons identifié les principales
réglementations et pratiques internationales « best practices
» en matière de gestion, de mesure et de communication sur les
risques au sein des établissements de crédit, par rapport aux
améliorations attendues du système bancaire tunisien
présentées dans la première partie de ce mémoire,
ainsi qu'à l'analyse des impacts de leur mise en application en
matière comptable, prudentielle et de surveillance bancaire.
Les réglementations et pratiques identifiées
comme étant les « best practices » à
l'échelle internationale en matière de gestion, de mesure et de
communication sur les risques au sein des établissements de
crédit, à savoir ; les normes IFRS en matière de
réglementation comptable, les accords de Bâle II en matière
de réglementation prudentielle, ainsi que les principales
réglementations internationales en matière de gouvernance
d'entreprise399 et de surveillance bancaire, présentent des
divergences considérables avec le cadre légal et
réglementaire tunisien, dont l'adoption et la mise en application au
secteur bancaire tunisien aura des impacts significatifs tels que
présentés dans le sous chapitre précédent.
La réponse aux améliorations attendues et le
souci d'ouverture et d'intégration du secteur bancaire tunisien dans la
mouvance internationale, ne doivent pas conduire à l'adoption de
règles inadaptées aux établissements de crédits
tunisiens et aux réalités locales et nationales.
De ce fait, nous allons procéder dans le cadre de ce
sous chapitre à l'identification des principaux facteurs clés de
succès de l'adoption des « best practices »
identifiés à l'échelle internationale au secteur bancaire
tunisien, pour faciliter leur adaptabilité et réunir les
meilleures conditions pour assurer la réussite de leur mise en
application.
399 : La loi Sabanes-Oxley (SOX) aux Etats-Unis, la
8ème directive européenne relative au contrôle
légal des comptes et la loi de sécurité financière
(LSF) en France.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein des
établissements de crédit au regard du contexte tunisien et des
standards internationaux
L'objet de ce sous chapitre n'est pas de présenter une
solution toute prête, mais d'essayer de tenir compte des
spécificités et des besoins du secteur bancaire tunisien et des
expériences passées dans d'autres pays pour la conduite de ces
réformes, afin d'identifier et d'anticiper les difficultés de
leur mise en application et proposer les pincipales mesures d'accompagnement
et/ou les alternatives facilitant leur adaptabilité à
l'échelle tunisienne.
2.1. L'adoption d'une approche structurante et
progressive
L'adoption des normes IFRS et des accords de Bâle II en
Tunisie nécessite la mise en place d'une approche progressive par les
autorités de normalisation comptable et de régulation
prudentielle.
Dans ce domaine, le chantier d'adoption des accords de
Bâle II semble plus avancé à ce jour que celui de
l'adoption des normes IFRS. En effet, une commission stratégique a dores
et déjà vu le jour au sein de la BCT, dont l'objectif est de
mettre en place un programme exécutif destiné à
préparer le secteur bancaire tunisien à l'adoption des nouvelles
règles de Bâle II400.
L'ampleur de telles réformes, nécessite
l'adoption d'une approche étudiée et progressive permettant de
mieux mesurer leurs répercussions, d'étudier les meilleurs
scénarios et options nationales à retenir, de préparer et
de sensibiliser les principaux acteurs concernés par ces réformes
et de prendre les mesures d'accompagnement qui s'imposent.
L'approche à retenir doit être
structurante et peut être résumée en
plusieurs étapes : ~ l'examen des réglementations internationales
et de leur environnement.
A titre d'exemple, la norme IAS 39 et les accords de
Bâle II ont subi plusieurs évolutions depuis la crise
financière et sont actuellement en cours de remaniement. Il est donc
légitime de se poser la question sur le planning d'adoption de ces
référentiels à l'heure actuelle ou d'attendre leur
stabilisation.
· l'initiation d'un processus d'échanges
d'expériences et de discussions avec les autorités
de régulation de pays ayant déjà adopté ces
référentiels (par exemple : la France, le Maroc, etc...).
· la préparation du terrain à travers la mise
en place de questionnaires destinés aux établissements de
crédit avant chaque réforme, permettant de faire un état
des lieux et de mesurer les impacts,
· le choix des éventuelles options à retenir
en adéquation avec les spécificités et les
réalités locales,
· l'identification des principales divergences avec la
réglementation nationale,
· l'identification des textes légaux et
réglementaires à modifier (règles comptables,
prudentielles, convergence des règles fiscales, etc....) pour
répondre aux exigences des nouvelles normes,
· la communication auprès de l'ensemble des parties
prenantes sur les réformes envisagées (organisation de
conférences, publications, etc....),
· la mise en place d'un calendrier clair et précis
en matière d'objectifs à atteindre,
· la préparation du secteur bancaire, à
travers l'implication des établissements de crédit dans la
préparation et la conduite de ces réformes, et leur
sensibilisation aux opportunités qu'elles offrent,
· la mise en place de mesures d'accompagnement, à
travers la publication de guides d'application, de recommandations,
l'organisation de formations, etc...,
Bien que la Banque Centrale de Tunisie soit bien armée
pour préparer et adopter une telle approche dans le cadre d'une
réforme prudentielle, l'organisation et le mode de fonctionnement actuel
du Conseil National de Comptabilité, tels que présentés
dans le sous chapitre précédent, nécessitent un
400 : Badreddine Barkia, Directeur général de la
supervision bancaire à la BCT, « Mise en oeuvre de Bâle II
dans le contexte tunisien », août 2009.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein des
établissements de crédit au regard du contexte tunisien et des
standards internationaux
renforcement de ses ressources financières, humaines et
administratives avant d'entamer une réforme comptable.
Par ailleurs, la réforme qu'elle soit
comptable ou prudentielle, elle doit être
progressive.
En matière comptable, la Tunisie aura deux options ; soit
la convergence des normes locales vers les normes IFRS, soit leur adoption.
La convergence vers les normes IFRS nécessite une
refonte de l'ensemble des normes tunisiennes. Les normes IFRS étant en
perpétuelle évolution, ce qui implique des travaux permanents de
mise à jour des normes comptables tunisiennes pour être en
harmonie avec les normes IFRS.
L'adoption des normes IFRS, dans un premier temps, par les
entreprises faisant appel public à l'épargne, les
établissements de crédit et les compagnies d'assurances, et de la
norme spécifique aux PME pour les autres entreprises, constituera la
meilleure solution à retenir à l'échelle tunisienne.
En matière prudentielle, l'ensemble des pays ayant
adoptés les accords de Bâle II, ont adopté l'approche
standard dans un premier temps, avant d'offrir la possibilité
d'appliquer les approches avancées dans un deuxième temps.
Cette adoption graduelle des accords de Bâle II
permettra au régulateur et aux établissements de crédit de
se préparer et de s'adapter aux nouvelles dispositions, et d'amortir les
investissements financiers, organisationnels et humains
nécessités par cette réforme.
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