Les réformes entreprises durant cette deuxième
étape ont acté le démarrage effectif de la restructuration
du système bancaire tunisien, et rentrent dans le cadre du Programme
d'Appui aux Réformes Economiques et Financières (PAREF) soutenu
financièrement par la Banque Mondiale (BM) et la Banque Africaine de
Développement (BAD)35.
2.2.1. Poursuite de la libération de
l'activité bancaire
La circulaire n°91-22 36 est
venue compléter et renforcer les premières dispositions
libératoires de l'activité bancaire instaurées par la
circulaire de la BCT n° 86-42.
Les principales mesures instaurées par cette circulaire
concernent la libéralisation des conditions débitrices et
créditrices, du niveau des commissions et l'émission de nouveaux
produits financiers.
Par ailleurs, la marge moyenne37 appliquée
par les banques sur les crédits autres que ceux liés aux
activités qualifiées de prioritaires, a été
limitée à 3% au dessus du TMM. Cette disposition limite la marge
de manoeuvre des banques en terme de prise en compte du risque inhérent
à l'emprunteur dans les conditions de rémunération du
crédit octroyé.
La loi n°94-89 38 est venue
définir les opérations de leasing et les modalités de leur
exercice. 2.2.2. Renforcement du cadre prudentiel
La circulaire de la BCT n°91-24 : En
complément de la circulaire n°87-46 présentée ci
avant, la BCT a renforcé le cadre prudentiel en matière de suivi
et de limitation des risques, de classification et de provisionnement des
créances, à travers la circulaire n°91-24 39 qui
s'inspirait des standards internationaux.
35 : Mohamed Bichiou, Directeur Général de la
Stabilité Financière à la BCT, présentation
intitulée « Bank restructuring and resolution : cas de la
Tunisie» lors du « Regional seminar on comparative experiences in
confronting banking sector problems in the middle east and north africa region
», qui s'est déroulé à Tunis les 10 et 11 mars 2004,
page 11,
www.worldbank.org.
36 : Circulaire de la BCT aux banques n°91-22 du 17 d
écembre 1991 « Réglementation des conditions de banque
».
37 : La marge moyenne correspond à la somme des marges
divisée par le nombre de crédits utilisés.
38 : Loi n°94-89 du 26 juillet 1994 relative au leasi
ng.
39 : Circulaire de la BCT aux banques n°91-24 du 17 d
écembre 1991 « Division, couverture des risques et suivi des
engagements ».
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein des
établissements de crédit au regard du contexte tunisien et des
standards internationaux
En matière de division et de couverture des risques,
cette circulaire a renforcé les limites précédemment
établies, et a instauré des règles plus strictes.
Les nouvelles limites mises en place par cette circulaire sont
les suivantes :
· une nouvelle limitation des risques encourus sur les
dirigeants et administrateurs ainsi que sur les actionnaires dont la
participation au capital est supérieure à 10%, égale
à 3 fois le montant des fonds propres nets,
· un niveau minimum des fonds propres qui doit
représenter en permanence au moins 8% du total de l'actif (bilan et hors
bilan) pondéré en fonction des risques encourus. Ce ratio
prudentiel est inspiré du ratio de solvabilité instauré
par les accords de Bâle I (ratio Cooke).
En matière de suivi des engagements et de
classification des créances, et en complément du rapport d'audit
externe exigé par les banques auprès des emprunteurs dont les
risques encourus dépassent 10% de leurs fonds propres, la circulaire
n°91-24 à instauré l'obligation pour les banques de
renforcer les règles d'octroi et de suivi des engagements, en mettant en
place l'obligation pour la clientèle dont les engagements
dépassent les 5 millions de dinars, de présenter à la
banque, avant l'octroi du crédit et pour les années qui suivent,
des états financiers certifiés par un commissaire aux comptes.
Les règles de classification des actifs ont
également été renforcées, avec l'obligation de
classification de tous les actifs quelle qu'en soit la forme, qu'ils figurent
au bilan ou en hors bilan et qu'ils soient libellés en dinars ou en
devises. Seuls les actifs détenus sur l'Etat ou sur la BCT sont
exemptés de cette classification.
Les intérêts courus et non payés sur les
actifs des classes 2, 3 et 4 ne doivent pas être incorporés dans
le résultat de la banque. Cette règle s'applique également
aux découverts classés en fonction du délai de
découvert.
Des niveaux de provisionnement minimaux ont également
été établis en fonction de la classification des actifs,
à savoir ;
· Provisionnement minimal égal à 20% pour les
actifs de classe 2,
· Provisionnement minimal égal à 50% pour les
actifs de classe 3,
· Provisionnement à 100% pour les actifs de classe
4.
Ces provisions doivent être affectées à tout
actif classé égal ou supérieur à 50 mille dinars ou
à 0,5% des fonds propres nets, et tiennent compte des garanties valables
reçues par la banque.
Les créances restructurées ne peuvent faire
l'objet de reprise de provisions qu'en cas de consolidation des garanties
données à la banque et de respect du nouveau calendrier de
remboursement. En cas de nouveaux impayés, ces derniers doivent
être totalement provisionnés, et s'ils dépassent 25% du
total de la créance, l'intégralité de la créance
doit être inscrite en classe 4 et par conséquent
provisionnée à 100%.
L'article 17 de cette circulaire stipule que chaque banque,
doit communiquer à la BCT au plus tard 15 jours après la tenue de
son assemblée générale le rapport des commissaires aux
comptes qui doit comporter expressément des conclusions sur :
· les dispositifs de contrôle interne mis en place
par la banque,
· les principes comptables appliqués aux
différentes opérations et la justification des comptes,
· les politiques de crédit, de recouvrement des
créances et le suivi des engagements,
· l'évaluation des actifs figurant au bilan ou en
hors bilan,
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein
des établissements de crédit au regard du contexte tunisien et
des standards internationaux
· et sur la comptabilisation des produits des
opérations de crédit et les provisions constituées pour la
couverture des risques.
La circulaire n°93-23 40, vient
compléter la circulaire n°91-24 qui a défin it les objectifs
de la mission de contrôle des commissaires aux comptes des banques, et
définit :
· le contenu des documents et rapports à fournir par
le commissaire aux comptes d'une banque à la BCT en vertu de la
circulaire n°91-24,
· la portée et les modalités des travaux
à réaliser par les commissaires aux comptes dans le cadre de la
révision des comptes des banques.
Par ailleurs, cette circulaire précise les termes de
référence pour l'audit des comptes d'une banque, en ce qui
concerne :
· les procédures organisationnelles,
administratives et comptables (organisation de la banque, procédures
d'autorisations et enregistrement comptable, suivi des différentes
tâches et fonctions, organisation et procédures comptables),
· l'évaluation des actifs, c'est-à-dire, la
constitution des provisions en fonction de la classification des actifs.
Cette circulaire permet de structurer l'approche de travail
à retenir par les commissaires aux comptes des banques et
d'homogénéiser le contenu des dossiers transmis à la
BCT.
La loi n°94-25 41 est venue
renforcer les pouvoirs de réglementation et de surveillance
conférés à la BCT, à savoir ;
· Le pouvoir de réglementation (article 19) :
habilitation expresse de la BCT à fixer les règles de gestion et
les normes prudentielles que les banques sont tenues de respecter,
· Le pouvoir d'information (article 23 bis) : les
commissaires aux comptes des banques sont tenus :
- de signaler immédiatement à la BCT tout fait de
nature à mettre en péril les intérêts de la banque
ou des déposants,
- de remettre à la BCT dans les six mois à compter
de la clôture de chaque exercice, un rapport d'activité sur les
contrôles effectués par eux selon les modalités
fixées par la BCT,
- d'adresser à la BCT une copie de leur rapport
destiné à l'assemblée générale et aux
organes qui contrôlent la banque.
En cas de manquement à ces obligations, la BCT peut
prononcer une interdiction à l'encontre de tout commissaire aux comptes
d'exercice de ses fonctions auprès des banques, à titre
provisoire (jusqu'à trois ans) ou à titre définitif.
· Le pouvoir de contrôle (article 23 nouveau) :
extension du contrôle de la BCT aux filiales des banques, aux personnes
morales qu'elles contrôlent directement ou indirectement ainsi qu'aux
filiales de ces personnes morales.
· Le pouvoir d'injonction (article 26 ter) : Institution
d'un pouvoir d'injonction au profit de la BCT, précédé
d'une mise en garde, à l'effet d'imposer à toute banque, dont la
situation le justifie d'augmenter le capital, d'interdire toute distribution de
dividendes ou de constituer des provisions.
40 : Circulaire de la BCT aux banques et établissements
financiers n°93-23 du 30 juillet 1993 « Termes d e
référence pour l'audit des comptes ».
41 : Loi n°94-25 du 7 février 1994 modifiant la loi
n °67-51 portant réglementation de la profession banc aire.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein des
établissements de crédit au regard du contexte tunisien et des
standards internationaux
· Le pouvoir d'intervention (articles 26 bis et 26 ter)
: Dans le cas où la situation l'exige, le gouverneur de la BCT peut
inviter les actionnaires à fournir à la banque le soutien
nécessaire, à organiser le concours de l'ensemble des banques ou
de désigner un administrateur provisoire.
2.2.3. Assainissement de la situation
financière des banques
Suite au renforcement du cadre prudentiel des banques et des
pouvoirs de contrôle de la BCT, les pouvoirs publics se sont
donnés comme objectif de base, d'assainir la situation financière
des banques et de consolider leurs fonds propres.
La mise en application de ce plan a démarré avec
le lancement d'une série d'audits diagnostics par la BCT des situations
financières des banques, de leur respect des nouvelles règles
prudentielles, notamment en terme de gestion et de suivi des risques, de
provisionnement des créances et de respect du ratio de
solvabilité.
Ces audits établis par la BCT ont mis en évidence
un certain nombre de faiblesses et d'insuffisances qui peuvent être
regroupées en trois sous groupes :
· des insuffisances des dispositifs internes en terme de
gestion et de suivi des risques,
· un niveau élevé des créances sous
provisionnées,
· et le non respect par un nombre important de banques du
niveau minimum du ratio de solvabilité.
A l'issue de ces audits, la BCT à inviter les banques
à mettre en place un plan d'actions individuel afin de
régulariser leur situation, pallier aux insuffisances et faiblesses
identifiées et par conséquent renforcer leur situation
financière et respecter les ratios de fonds propres.
La concrétisation de ces plans d'actions a
été réalisée à travers :
· un effort de provisionnement par les banques,
accompagné d'une révision du régime fiscal des provisions
(relèvement progressif du plafond de déductibilité des
provisions de 20% du bénéficie imposable en 1991 à 50% en
1993),
· et un renforcement des fonds propres des banques, via des
augmentations de capital et une mise à contribution des actionnaires
publics et privés.