Section 2 : La réforme du système bancaire
tunisien
Depuis la fin des années 80, un vaste programme de
réformes structurelles du secteur bancaire tunisien a été
engagé en vue de libéraliser l'activité bancaire,
renforcer le cadre prudentiel, consolider les assises financières des
banques, renforcer la surveillance bancaire, diversifier et moderniser les
prestations bancaires.
Avant la mise en place des premières réformes
de déréglementation bancaire, les banques
bénéficiaient de multiples protections et subissaient de
nombreuses contraintes, et leur marge de manoeuvre était relativement
limitée. Leurs méthodes de gestion, les produits
autorisés, les conditions de commercialisation, les taux, les
crédits, la politique bancaire et les règles de concurrence,
étaient définis par la BCT et le Ministère des
Finances.
Le système bancaire était très
réglementé, le crédit fortement encadré (fixation
des taux d'intérêt, accord préalable de la BCT pour tout
octroi de crédit....).
30 : Loi n°85-108 du 6 décembre 1985 portant
encouragement d'organismes financiers et bancaires travaillant essentiellement
avec les non-résidents telle que modifiée par la loi
n°2006-80 du 18 décembre 2006.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein
des établissements de crédit au regard du contexte tunisien et
des standards internationaux
La réforme du marché financier est venue
assouplir la législation bancaire. Des réformes importantes ont
été initiées pour améliorer la capacité du
système bancaire à mobiliser l'épargne et à
financer les investissements productifs.
Les principales mesures étaient la suppression de
l'encadrement du crédit et de l'autorisation préalable de la BCT
et la mise en place d'une nouvelle politique de refinancement notamment
à travers la libéralisation progressive des taux
d'intérêt et la mise en place d'une nouvelle politique de
réserves obligatoires.
Les nouvelles réglementations bancaires ont aussi
été mises en place en vue de garantir la sécurité
et la stabilité du système bancaire à travers le
renforcement de l'assise financière des banques et l'instauration d'un
environnement plus concurrentiel.
Ces réformes de libéralisation de
l'activité bancaire se sont accompagnées par un renforcement du
cadre prudentiel, des règles de bonne gouvernance et par la mise en
place d'un dispositif comptable spécifiques aux établissements
bancaires.
La mise en place de ces réformes a affecté la
structure du système bancaire tunisien qui a enregistré une
notable évolution qualitative et quantitative, d'un secteur
protégé et fermé à un secteur plus ouvert, plus
développé, plus dynamique et plus concurrentiel.
Ce plan de réforme a été mis en place sur
plusieurs étapes et de façon progressive dans le temps.
Les objectifs poursuivis, les mesures entreprises et les
principales références légales et réglementaires
sont présentés dans le tableau suivant, et ont été
regroupés en quatre grandes étapes31 :
31 : Le regroupement des réformes engagées en
quatre étapes est inspiré d'une présentation faite par M.
Mohamed Bichiou, Directeur Général de la Stabilité
Financière à la BCT, qui s'intitule « Bank restructuring and
resolution : cas de la Tunisie» lors du « Regional seminar on
comparative experiences in confronting banking sector problems in the middle
east and north africa region », qui s'est déroulé à
Tunis les 10 et 11 mars 2004,
www.worldbank.org.
Etape 2
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1991-1996
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Etape 3
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1997-2002
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Etape 1
1987-1990
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- Libéralisation de l'activité bancaire à
travers la libéralisation des conditions de banque
- Mise en place du premier cadre de dispositif prudentiel
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- Circulaire de la BCT n°86-42 du 01/12/1986 "Régle
mentation des conditions de banque"
- Circulaire de la BCT n°87-46 du 18/12//1987 "Division,
couverture des risques et suivi des engagements"
- Circulaire de la BCT n°87-47 du 23/12/1987 "Modal
ités d'octroi, de contrôle et de financement des
crédits"
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- Poursuite de la libéralisation des conditions de banque
- Renforcement de la surveillance prudentielle
- Assainissement de la situation financière des banques -
Promotion du marché financier
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- Poursuite de l'assainissement de la situation
financière des banques
- Renforcement de la surveillance prudentielle
- Modernisation du secteur bancaire
- Privatisation du secteur bancaire
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- Circulaire de la BCT n°91-22 du 17/12/1991
"Régle mentation des conditions de banque" - Circulaire de la BCT
n°91-24 du 17/12/1991 "Division, couverture des risques et suivi des
engagements"
- Circulaire de la BCT n°93-23 du 30/07/93 "Termes de
référence pour l'audit des comptes"
- Loi n° 94-25 du 07/02/1994 modifiant la loi n° 67
-51 du 07/12/1967 réglementant la profession bancaire
- Loi n°94-89 du 26/07/1994, relative au leasing
- Loi n°94-117 du 14/11/1994 portant réorganisation
du marché financier
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- Loi°96-112 du 30 décembre 1996 relative au
systèm e comptable des entreprises - Loi n°98-4 du 2 février
1998 relative aux société s de recouvrement des
créances
- Arrêté du Ministre des Finances du 25 mars 1999
portant approbation des normes comptables sectorielles relatives aux
opérations spécifiques aux établissements bancaires (NCT
21 à 25)
- Circulaire de la BCT n°99-04 du 19/03/1999 «
Division, couverture des risques et suivi des engagements »
- Circulaire de la BCT n°2001-04 du 16/02/2001 "Ratio de
liquidité"
- Circulaire de la BCT n°2001-12 du 04/05/2001 "Division,
couverture des risques et suivi des engagements"
- Loi n°2001-65 du 10/07/2001 relative aux établiss
ements de crédit
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Etape 4
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2003 - Aujourd'hui
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- Assouplissement des conditions d'exercice de l'activité
bancaire
- Renforcement des assises financières des
établissements de crédit
- Renforcement de la surveillance prudentielle
- Renforcement des règles de bonne gouvernance
- Diversification et amélioration des services bancaires
- Poursuite des privatisations
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- Loi n°2006-19 du 02/05/2009 portant amendement de la loi
bancaire n°2001-65
- Loi n°2006-26 du 15/05/2006 portant amendement de la loi
organique de la BCT
- Décret n° 2006-1879 du 10/07/2006, fixant la
composition et les règles d'organisation et de fonctionnement de
l'Observatoire des Services Bancaires
- Circulaire de la BCT n°2006-05 du 20/06/2006 "Con ditions
d'ouverture, de fermeture et de transfert de succursales, d'agences et de
bureaux périodiques par les établissements de crédit
agréés"
- Circulaire de la BCT n°2006-06 du 24/07/2006 "Mis e en
place d'un système de contrôle de la conformité au sein des
établissements de crédit"
- Circulaire de la BCT n°2006-07 du 24/07/2006 "Com
ité exécutif de crédit"
- Circulaire de la BCT n°2006-19 du 28/11/2006 "Con
trôle interne"
- Loi n°2007-67 du 27/12/2007 relative à l'initiati
ve économique
- Circulaire de la BCT n°2008-06 du 10/03/2008 « Ce
ntrale d'informations »
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* : classement par ordre chronologique
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein
des établissements de crédit au regard du contexte tunisien et
des standards internationaux
2.1. Libéralisation de l'activité
bancaire et mise en place du premier cadre prudentiel (1987- 1990)
Cette première étape s'est
caractérisée par la mise en place pour la première fois en
Tunisie de réformes de libéralisation de l'activité
bancaire et de réformes à caractère prudentiel.
2.1.1. Libéralisation de l'activité
bancaire
La libéralisation du secteur bancaire tunisien a
démarré avec :
· la libéralisation des conditions de banques
instaurée par la circulaire n°86-42 32,
· l'assouplissement des règles restrictives d'octroi
de crédit à travers la circulaire n°87-47 33,
L'article 36 de la circulaire n°87-47 a mis en place un
contrôle à posteriori par la BCT des dossiers de crédit
dépassant les seuils suivants :
- les crédits à court terme dépassant 500
milles dinars pour les secteurs de l'agriculture et de
la pêche, et 2 millions de dinars pour les autres
secteurs,
- les crédits à moyen terme dépassant
200 milles dinars au titre des investissements dans les secteurs de
l'agriculture et de la pêche, et 500 milles dinars pour les
investissements dans les autres secteurs (à l'exception de
crédits prévus par les schémas de financement
agréées par l'APIA, la SCAT ou bénéficiant
d'avantages fiscaux).
Par ailleurs, la BCT peut demander aux banques la communication
de tout dossier dont le montant de crédit est inférieur à
ces seuils.
Les dossiers de contrôle à posteriori doivent
être communiquées à la BCT dans un délai de un mois
à compter de la date d'octroi ou de renouvellement du crédit. Un
modèle du dossier de contrôle à posteriori de crédit
à moyen et long terme est présenté en Annexe 2.
2.1.2. Mise en place du premier cadre
prudentiel
Les mesures de libéralisation de l'activité
bancaire se sont accompagnées par la mise en place d'un cadre prudentiel
régi par la circulaire de la BCT aux banques n°87-46 34,
dont l'objet est de fixer les règles à adopter par les banques en
matière de division et de couverture des risques ainsi qu'en
matière de constitution de provisions et d'incorporation aux
résultats de l'exercice des intérêts courus sur des
créances dont le recouvrement n'est pas assuré.
En matière de division et de couverture des risques, ce
texte a fixé :
· une limite au total des risques encourus pour les
bénéficiaires dont les risques encourus dépassent pour
chacun 5% des fonds propres nets, égale à 10 fois les fonds
propres nets,
· une limite à la concentration des risques
égale à 5% du total des risques pour un même
bénéficiaire,
· une limite de l'endettement global du
bénéficiaire (auprès de l'ensemble des banques) à
10% des fonds propres nets,
· et un ratio des risques encourus qui ne doit pas
dépasser 5% des fonds propres nets.
32 : Circulaire de la BCT aux banques n°86-42 du 1
er décembre 1986 « Réglementation des conditions
de banque »
33 : Circulaire de la BCT aux banques n°87-47 du 23 d
écembre 1987 « Modalités d'octroi, de contrôle et de
financement des crédits ».
34 : Circulaire de la BCT aux banques n°87-46 du 18 d
écembre 1987 « Division, couverture des risques et suivi des
engagements ».
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein
des établissements de crédit au regard du contexte tunisien et
des standards internationaux
Cette circulaire a définit également les
notions de fonds propres nets et de risques encourus servant au calcul des
ratios et au respect des limites fixées. D'autres dispositions
prudentielles en matière de suivi des engagements des banques, ont
été instaurées par cette circulaire.
Chaque banque doit exiger, pour la poursuite de ses concours
financiers aux entreprises ayant des risques dépassant 10% de ses fonds
propres, un rapport d'audit externe.
Des règles de classification des créances
basées sur la situation financière des emprunteurs ont
également été définies. Une distinction est faite
entre les créances courantes et les créances classées. Ces
dernières sont réparties en quatre niveaux de classement,
à savoir ;
· Classe 1 : créances nécessitant un suivi
particulier,
· Classe 2 : créances incertaines,
· Classe 3 : créances préoccupantes,
· Classe 4 : créances compromises.
La conformité du classement des créances et de la
comptabilité de leurs produits par rapport à cette circulaire,
doit donner lieu à une conclusion explicite de la part du commissaire
aux comptes.
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