2.2.1. La poursuite des réformes
comptables
Le normalisateur tunisien a adopté en 1996 un
système comptable170 d'une dimension internationale,
largement inspiré des normes comptables IAS171.
La réforme comptable tunisienne a été
jugée par les spécialistes comme étant une réforme
avant gardiste. Bernard Colasse a affirmé en 1997 : « il est
probable que la France, tôt ou tard, s'en donnera un également en
s'inspirant pourquoi pas de l'expérience tunisienne en la matière
»172.
Ce n'est qu'en juin 2000, que la Commission Européenne
a présenté une proposition officielle173 visant
à rendre obligatoire les normes IAS pour toutes les
sociétés européennes cotées qui établissent
des comptes consolidés, au plus tard à compter de l'exercice
2005.
Toutefois, l'atteinte des objectifs assignés à
la réforme comptable de 1996, en matière d'amélioration de
la qualité et de la transparence de l'information financière, a
été confrontée à la non prise en compte des
évolutions et des améliorations apportées aux normes
IFRS174.
En effet, les normes comptables tunisiennes présentent
un certain nombre de divergences avec les normes comptables IFRS (information
financière en matière de consolidation, information sectorielle,
comptabilisation des impôts différés, calcul des provisions
sur les créances douteuses au sein des établissements de
crédit...).
Ces divergences ont été accentuées par
l'absence de suivi de l'évolution des normes IFRS175, qui ont
été accélérés au cours des dernières
années, notamment suite à la crise financière.
Afin de remédier à ces insuffisances, la
Tunisie doit poursuivre les efforts entrepris de mise à niveau de la
qualité de l'information financière en général et
des établissements de crédit en particulier, en conformité
avec les standards internationaux.
169 : La cartographie des risques est la
représentation graphique synthétique et
hiérarchisée des risques d'une organisation, permettant de
fournir les informations de base nécessaires à la gestion des
risques. Après un recensement général des risques, il
s'agit de les évaluer, de les hiérarchiser et de les
représenter graphiquement en cartes.
170 : Le système comptable des entreprises
instauré par la loi°96-112 du 30 décembre 1996, est
composé du cadre conceptuel, d'une norme comptable
générale, de normes techniques et de normes sectorielles. Le
système comptable des entreprises a remplacé le plan comptable
tunisien de 1968, inspiré du plan comptable français.
171 : Les normes comptables internationales IAS «
International Accounting Standards », rebaptisées en mai 2002 IFRS
« International Financial Reporting Standards ».
172 : Bernard Colasse, 1997, « Du nouveau système
comptable des entreprises en Tunisie : alignement ou adoption aux normes
internationales ? », la Revue Française de Comptabilité,
n°288, pages 43-47.
173 : Communication de la Commission Européenne du 13
juin 2000, intitulée « Stratégie de l'UE en matière
d'information financière: la marche à suivre » qui a
proposé que toutes les sociétés cotées soient
tenues d'élaborer leurs comptes consolidés conformément
aux normes comptables internationales à partir 2005.
174 : Depuis la promulgation du système comptable des
entreprises en décembre 1996.
175 : Abderrazak Gabsi, « NCT et IFRS : Similitudes et
divergences », la Revue Comptable et Financière, n°72,
printemps 2006, pages 25 à 36.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein des
établissements de crédit au regard du contexte tunisien et des
standards internationaux
Le rapport RRNC de la Banque Mondiale, ainsi qu'un certain
nombre de spécialistes, recommandent à la Tunisie d'adopter les
normes internationales IFRS.
L'adoption de cette recommandation par la Tunisie, implique
son entrée à part entière dans le processus
d'harmonisation comptable internationale, ce lui permettra d'assurer une plus
grande transparence de l'information financière et une meilleure
intégration de son économie dans l'économie mondiale.
L'adoption du référentiel IFRS en Tunisie,
mettra à la disposition des entreprises un référentiel
comptable complet et moderne, ce qui permettra d'harmoniser les pratiques
comptables et d'améliorer la qualité et l'accès à
l'information financière.
L'amélioration de la qualité de l'information
financière permettra aux établissements de crédit de
procéder à une meilleure gestion et à une mesure plus
fiable des risques encourus sur leur clientèle. Par ailleurs, les
établissements de crédit seront eux-mêmes amenés
à produire une information financière plus
développé et de meilleure qualité.
Un certain nombre de banques tunisiennes176,
filiales de groupes bancaires français cotés établissant
leurs comptes consolidés en normes IFRS, remontent dores et
déjà des liasses de consolidation établis en normes IFRS,
et appliquent par conséquent les dispositions spécifiques
à ce référentiel, notamment celles de la norme IAS 39
« Instruments financiers : comptabilisation et évaluation » au
titre de la dépréciation des créances douteuses.
Par ailleurs, des informations complémentaires
préconisées par les normes IAS 32 « Instruments financiers :
présentation » » et IFRS 7 « Instruments financiers :
informations à fournir » font également l'objet de
remontée par ces banques, dans le cadre de la préparation des
notes annexes consolidés de leur société mère.
2.2.2. Le respect des obligations
comptables
La Banque Mondiale a relevé dans son rapport sur les
normes et pratiques comptables et de l'audit financier en
Tunisie177, des problèmes de mise en application des
obligations comptables.
En effet, sur la base d'une analyse d'un échantillon
de 16 états financiers178, un certain nombre de manquements
par rapport aux traitements préconisés par les normes comptables
tunisiennes (influence des règles fiscales, non présentation de
comptes consolidés, non publication des principes comptables...), ont
été constatés.
L'amélioration de la qualité de l'information
financière ne se limite pas à une évolution ou un
changement de référentiel comptable, mais reste
étroitement liée à la mise en place d'un système
garant du respect des obligations comptables, dont les trois principaux
piliers179 sont :
· Les dirigeants d'entreprises, responsables de la
production de l'information financière,
· Les commissaires aux comptes, responsables de l'audit de
l'information financière,
· Et les autorités de réglementation et de
surveillance, responsables du respect des obligations d'information
financière.
La consolidation du système en place nécessite
:
176 : A savoir ; l'UBCI filiale de BNP Paribas, l'UIB filiale de
la Société Générale, et la BTK filiale de la Caisse
d'Epargne.
177 : Banque Mondiale, « Rapport sur le Respect de Normes
et des Codes (RRNC) : République Tunisienne -Comptabilité et
Audit », Rapport final, octobre 2006.
178 : Dont 6 entreprises commerciales et industrielles
cotées, 3 banques cotées et 3 compagnies d'assurances dont 2
cotées.
179 : RCF, « Le rapport de la Banque Mondiale sur les
normes et pratiques comptables et de l'audit financier en Tunisie », La
Revue Comptable et Financière, n°69, été 2005, pages
15 à 20.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein des
établissements de crédit au regard du contexte tunisien et des
standards internationaux
· L'augmentation de la responsabilité des
personnes responsables de la préparation des états financiers, ce
qui permettra d'améliorer la qualité et la transparence de
l'information financière produite par les entreprises,
· L'amélioration du dispositif
réglementaire en matière d'audit comptable et financier,
notamment en matière d'harmonisation de la réglementation
tunisienne avec les normes ISA de l'IFAC, en matière de mise en place de
contrôles qualité des cabinets et de formation professionnelle,
· Et le renforcement du contrôle du respect des
obligations en matière d'information et de transparence
financière par les autorités de réglementation et de
surveillance, en l'occurrence le Conseil du Marché Financier pour les
sociétés cotées en bourse et les sociétés
faisant appel public à l'épargne.
Le renforcement des rôles et des responsabilités
de chacun de ces trois piliers permettra d'assurer un meilleur respect des
obligations comptables et par conséquent une amélioration de la
qualité et de la transparence de l'information financière
produite par et à destination des établissements de
crédit.
2.2.3. Le renforcement des obligations en
matière de transparence
Le renforcement de la transparence de l'information
financière va de pair avec l'amélioration de sa
qualité.
Le respect des délais de publication de l'information
financière doit faire l'objet de contrôle par les autorités
de réglementation et de surveillance.
Les sociétés cotées
Le CMF exerce un contrôle sur le respect des
délais de publication de l'information financière des
sociétés cotées et sur la conformité de son contenu
avec les obligations comptables. Ce contrôle peut donner lieu à
des sanctions en cas de manquement.
La Tunisie pourrait renforcer les obligations en
matière de transparence de l'information financière en
s'inspirant des standards internationaux dans le domaine, notamment la
directive européenne dite directive « transparence
»180 applicable aux sociétés cotées.
Les délais de publication des comptes instaurés
par cette directive ont été fixés à quatre mois
après la clôture de l'exercice comptable pour le rapport annuel,
qui intègre les états financiers annuels, le rapport de gestion
ainsi que le rapport du ou des commissaires aux comptes.
En ce qui concerne l'information intermédiaire, le
délai de publication de l'information semestrielle a été
fixé à deux mois après la clôture du semestre
comptable. Le rapport semestriel se compose des états financiers
semestriels, du rapport de gestion semestriels et du rapport du ou des
commissaires aux comptes sur l'information financière semestrielle.
Les sociétés non cotées
Les sociétés non cotées sont
constituées essentiellement de petites et moyennes entreprises (PME),
qui ne sont pas soumises au même niveau de contrôle en
matière de respect des délais de publication et de
conformité du contenu de leur information financière, que les
sociétés cotées.
Le contrôle du respect des obligations en matière
de publication de l'information financière des PME doit faire l'objet de
renforcement.
En effet, le renforcement de la transparence de l'information
financière des PME, qui constituent la majorité du tissu
économique tunisien, permettra de faciliter l'accès au
crédit à ces entreprises, et un meilleur suivi du risque qu'elles
présentent par les établissements de crédit.
180 : Directive 2004/109/CE du parlement européen et
du conseil du 15 décembre 2004 sur l'harmonisation des obligations de
transparence concernant l'information sur les émetteurs dont les valeurs
mobilières sont admises à la négociation sur un
marché réglementé et modifiant la directive 2001/34/CE.
Gestion, mesure et communication sur les risques au sein des
établissements de crédit au regard du contexte tunisien et des
standards internationaux
Dans le cadre du forum « La qualité de
l'information financière : réalités et défis
», organisé à Tunis en mars 2007 à l'occasion de la
publication des conclusions des travaux de la Banque Mondiale, Monsieur
Théodore Ahlers, Directeur du Département Maghreb à la
Banque Mondiale a précisé : « que le courant de
l'amélioration de l'information financière, entraînera la
Tunisie vers une plus grande transparence de son information financière,
éléments clef dans les décisions d'investissement
étranger et domestique tant direct qu'en portefeuille »
Il a par ailleurs ajouté : « que dans un
monde hautement intégré, les normes internationales de
comptabilité et d'audit doivent être acceptées dans leur
application pour générer une information de qualité.
L'accord à ce sujet est aujourd'hui unanime : ce n'est plus un choix,
c'est le pari de d'avenir »181.
La qualité et la transparence de l'information
financière sont indispensables pour la dynamisation de toute
économie, la création d'emplois et le développement
économique durable.