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Du statut juridique des enfants enrôlés dans les groupes armés à  l'Est de la RDC

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par Eddy BYAMUNGU LWABOSHI
Université libre des pays des grands lacs Goma - Licence en droit public interne et international 2009
  

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§2. La nécessaire application des normes humaines du droit international

L'enfant-prisonnier de guerre peut bénéficier d'un rapatriement pendant et à la fin des hostilités (A) ainsi que d'un internement en pays neutre (B).

A. Le rapatriement pendant et à la fin des hostilités

Nous étudierons donc respectivement le rapatriement pendant les hostilités (1°) et le rapatriement à la fin des hostilités (2°).

Le rapatriement pendant les hostilités

Qu'ils s'agissent d'enfants-combattants prisonniers de guerre entre quinze et dix-huit ans ou de moins de quinze ans, le rapatriement pendant les hostilités n'a pas été expressément prévu.

Cependant, il paraît possible, en raison de leur jeune âge, de tenter d'obtenir des accords entre les parties en conflit en vue d'un rapatriement anticipé, en leur appliquant par analogie les règles dont bénéficient les grands blessés et les malades, ainsi que les prisonniers de guerre dont l'aptitude intellectuelle est gravement menacée par le maintien en captivité. Cependant, un tel rapatriement n'est pas évident à mettre en place.

En effet, en vertu de l'article 109 alinéa 3 de la troisième Convention de Genève portant sur la protection des prisonniers de guerre, « Aucun prisonnier de guerre [...] ne pourra être rapatrié contre sa volonté pendant les hostilités ». Ce consentement qui varie selon l'âge et la capacité de discernement de l'enfant peut ainsi être limité et induire des autorités détentrices à contourner systématiquement l'obligation de tenir compte de l'avis de chaque personne concernée ? Un tel problème est à prendre en compte notamment pour les enfants de moins de quinze ans où la nécessité d'avoir leur accord est facilement contournable en raison de leur jeune âge. Par contre, un tel consentement pourrait être jugé abusif pour les enfants entre quinze et dix-huit ans surtout s'ils sont considérés comme majeurs par la législation nationale de leur pays d'origine.

Enfin, ce rapatriement permettrait, corrélativement, le respect de l'article 94 de la troisième

Convention de Genève selon lequel « L'instruction des enfants et adolescents sera assurée ». Cette mission normalement à la charge de l'Etat détenteur (qui se substitue à l'Etat d'origine défaillant) est rarement respectée.

Toujours est-il que l'application de cette mesure de faveur ne serait raisonnable que dans la mesure où des assurances sont obtenues de la puissance d'origine que ces enfants ne seront pas renvoyés à nouveau au front. Une telle garantie peut être demandée sur le fondement de l'article 117 de la troisième Convention de Genève qui établit qu'« aucun rapatrié ne pourra être employé à un service actif » et s'explique en raison des intérêts même de la Puissance détentrice qui verrait sa propre sécurité menacée si les enfants ainsi rapatriés étaient à nouveau enrôlés61(*).

2° Le rapatriement à la fin des hostilités

Dans l'hypothèse où les enfants captifs ne pourraient être rapatriés pendant les hostilités, ils les seront à la fin des hostilités. L'article 118 de la troisième Convention de Genève dispose que « les prisonniers de guerre seront libérés et rapatriés sans délai après la fin des hostilités actives ». Cependant si des poursuites pénales étaient engagées à leur encontre un tel rapatriement pourrait être remis en question. C'est ce que prévoit l'alinéa 5 de l'article 119 de la troisième Convention de Genève en disposant que « les prisonniers de guerre qui seraient sous le coup d'une poursuite pénale pour un crime ou un délit de droit pénal pourront être retenus jusqu'à la fin de la procédure et, le cas échéant, jusqu'à l'expiration de la peine ». Cet alinéa précise qui plus est, qu'il en sera de même pour « ceux qui sont condamnés pour un crime ou délit de droit pénal ».

Dans la mesure où nous avons étudié précédemment que des mesures éducatives devaient être préférées à l'emprisonnement62(*) et comme nous devons l'avouer, les conditions de détention sont souvent précaires d'un point de vue hygiénique ; d'où ce rapatriement, même si à l'état actuel n'est pas adapté à l'enfant, demeure la solution classique. Cependant, l'internement en pays neutre paraît bien plus avantageux car il peut intervenir à tout moment,...

B. L'internement en pays neutre comme atténuation au traumatisme de l'emprisonnement

L'internement en pays neutre, prévu par l'article 111 de la troisième Convention de Genève, est une technique sur la base du volontariat, faisant intervenir trois acteurs : « La Puissance détentrice, la Puissance dont dépendent les prisonniers de guerre et une puissance neutre agréée par ces deux puissances s'efforceront de conclure des accords qui permettront l'internement des prisonniers de guerre sur le territoire de ladite Puissance neutre jusqu'à la cessation des hostilités ». Cette mesure qui résulte d'une privation de liberté fondée sur une décision administrative ou militaire63(*), peut paraître en effet une garantie efficace pour incarcérer dans de bonnes conditions les prisonniers de guerre lorsque ces dernières ne peuvent être assurées correctement dans le ou les pays où ont lieu les hostilités.

Par exemple, selon Peter HANSEN, Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires humanitaires « les conditions de détention au Rwanda sont un cauchemar humanitaire »64(*). Mais nous pouvons également citer la Palestine. Dans une interview accordée au journal «l'humanité» le mardi 19 juin 2001, Monsieur Radji SOURANI, Responsable du Comité palestinien pour les Droits de l'homme et vice-président de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH) déclarait à propos de la politique répressive d'Israël, que cet Etat « continue cette politique en arrêtant des jeunes de moins de dix-huit ans, en les mettant en prison avec des droits communs et en utilisant des méthodes de coercition, de torture»65(*).

Devant un tel constat on ne peut qu'encourager l'internement des enfants prisonniers de guerre en pays neutre. Cependant, cette solution n'est pas sans poser des problèmes d'ordre pratique, notamment au niveau logistique, lorsqu'on cumule un tel flot de prisonniers de guerre au nombre considérable de réfugiés civils qui submerge les pays limitrophes des conflits armés.

Même en recherchant l'application systématique des normes « humaines » du droit international, la protection de l'enfant-prisonnier de guerre reste limitée et doit être repensée car si les deux protocoles additionnels du 8 juin 1977 tout comme le protocole facultatif du 25 mai 2000 tendent à exclure, dans la mesure du possible, la participation des enfants aux hostilités ; ils n'envisagent pas les conséquences de cette participation et notamment les problèmes issus de l'emprisonnement des enfants-combattants.

Deux remarques supplémentaires viennent confirmer que ce régime juridique est à redéfinir ; la première ayant trait à l'incohérence du droit international humanitaire en matière de contrôle de l'application de ses normes, la seconde au sujet de la lisibilité de ce droit.

Tout d'abord, l'article 85 du premier protocole relatif à la répression des infractions graves qui sont considérées comme des crimes de guerre ne fait aucune référence au mot « enfant ». En matière de contrôle et de sanction, l'enfant se confond là aussi avec l'ensemble de la population.

N'y a- t-il pas alors une certaine contradiction à prévoir un traitement préférentiel pour des catégories très vulnérables et admettre que l'atteinte à leurs droits n'est pas plus gravement sanctionnée que celle portée aux autres personnes66(*) ?

Si un statut d'enfant-prisonnier de guerre venait un jour à être adopté, il devrait tenir compte d'un tel problème. En attendant, le statut que la Cour Pénale Internationale adopté récemment donne un nouvel espoir pour une meilleure protection de l'enfant en prévoyant que le fait de recruter et de faire participer aux hostilités un enfant de moins de quinze ans est un crime de guerre ; infraction qui aura certainement un effet dissuasif d'une part et répressif d'autre part sur l'utilisation de l'enfant comme soldat. Cependant ce statut, même s'il a été approuvé par un bon nombre des pays, n'était toujours pas applicable à cause du manque de ratifications nécessaires à son entrée en vigueur.

Enfin, il est à noter que si le droit humanitaire s'adresse en premier lieu aux membres des forces armées, c'est le militaire individuel qui doit souvent l'appliquer. Comment peut-on s'attendre à ce qu'un enfant-soldat non initié dans la plupart des cas, puisse comprendre, interpréter et appliquer ses textes aussi vagues et techniques surtout lorsque ce dernier est un enfant ? Même si la guerre rend certainement « plus mâture » une personne, l'enfant n'a évidemment pas le discernement nécessaire pour appréhender les normes du droit international humanitaire67(*). Tel est le cas de la plupart d'environ 300 000 enfants soldats qui, à travers le monde, se retrouvent aujourd'hui sur les champs de bataille68(*).

Ces deux interrogations majeures témoignent du fait que l'enfant n'est pas fait pour faire la guerre et qu'il en est plus une victime qu'un acteur.

* 61 M-T, DULTI., Enfants combattants-prisonniers, in Revue internationale de la Croix Rouge, 31 octobre 1990, n° 785, pp.456-470.

* 62 Voir supra (Section 1, paragraphe 1, B, 2°.).

* 63F. BOUCHET-SAULNIER., Op.Cit, p.133.

* 64M. MONESTIER., Les enfants esclaves, L'enfer quotidien de 300 millions d'enfants, Le cherche midi éditeur, 1998, p.206.

* 65 P. BARBANCEY., Le calvaire de Mansour , in L'Humanité, 19 juin 2001, n° 17 680, pp.3-4.

* 66 P. BOUCAUD, « Droits des enfants en droit international, traités régionaux et droit humanitaire », in Revue trimestrielle des droits de l'homme, n° spécial, 1992, pp.447-450.

* 67 R.LAPIDOTH, « Qui a droit au statut de prisonnier de guerre ? », in Revue générale de droit international public, n° spécial, 1978, pp.170-174.

* 68 M. MALAGARDIS, « Enfants-soldats, le mal africain », in Libération, n° spécial, 20 juin 2001, p.8.

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