CONCLUSION
La République Démocratique du Congo est
considérée par beaucoup comme un enfer aéronautique avec
une cinquantaine de ses compagnies aériennes interdites dans l'Union
Européenne. Le gouvernement Congolais multiplie les efforts afin de
normaliser son espace aérien. C'est même dans ce cadre
précis qu'une délégation de l'Autorité de
l'Aviation Civile (AAC), agent technique du gouvernement a effectué un
voyage à Bruxelles pour bénéficier de l'expertise
Belge.
L'affaire TYPE K a mis en cause l'application de la
responsabilité de l'exploitant d'aéronef vis-à-vis des
tiers se trouvant à la surface au regard des conventions de Rome.
Plusieurs faiblesses ont été relevées par le
Ministère Public en ce qui concerne l'organisation de la navigation
aérienne Congolaise par rapport aux textes internationaux qui la
régissent.
A cet effet, il en ressort que seul l'exploitant
d'aéronef, c'est-à-dire celui qui fait usage et qui dispose de
l'engin au moment où survient le dommage, est responsable. On parle
plutôt de la responsabilité du transporteur aérien que pour
les personnes et les biens se trouvant à bord de l'aéronef ayant
conclu un contrat de transport avec lui, mais par contre pour parler de la
responsabilité de l'exploitant, il faut que le dommage survienne aux
tiers victimes qui se trouvent à la surface et des biens qui ne se
trouvent pas à bord de l'avion. Dans le premier cas, c'est la Convention
de Varsovie qui en est le texte de base et dans le second cas, ce sont les
Conventions de Rome.
Les difficultés rencontrées à
l'exécution du jugement rendu en appel en date du 08 mai 1997, jugement
RPA 15935 se sont manifestées à plusieurs niveaux :
- D'abord une confusion délibérée
d'imputabilité du dommage, à l'exploitant d'aéronef, qui
censé être le civilement responsable devant répondre du
dommage ;
- Le fait qu'à cette époque, le juge ne devrait
pas se borner à la désuétude de l'amende, puisque les
Conventions de Rome ont tout organisé pour la peine d'amende, il ne lui
suffisait que de contextualiser la situation selon les dispositions desdites
Conventions ;
- Certaines victimes ont pu voir leurs appels rejetés
car elles n'ont pas fait l'objet des parties civiles au premier
procès ;
- Les civilement responsables condamnés solidairement
avec les prévenus, se croyaient en droit de refuser d'allouer des
dommages intérêts aux victimes en alléguant le principe de
l'incompétence indemnitaire des juridictions répressives, or il
est permis à chaque partie contractante d'organiser la procédure
donnant compétence à une seule juridiction de statuer tant sur
les faits pénaux que sur les faits civils selon les prescrits de la
Convention de Rome de 1952.
En principe, ces obstacles ne devraient pas avoir lieu en ce
qui concerne l'application des conventions de Rome au regard de l'affaire Type
K.
A quoi peuvent nous servir alors des conventions
internationales auxquelles nous adhérons si l'on ne parvient pas
à respecter ce que ces dernières prévoient alors que
l'article 215 de la constitution du 18 février 2006 octroi une
autorité supérieure aux traités et accords internationaux
régulièrement conclus.
C'est pourquoi diligenter diverses
enquêtes pour connaître les causes et circonstances de l'accident
est une nécessité, pour trouver des solutions techniques ou
réglementaires adaptées afin d'éviter qu'un accident
similaire ne se reproduise dans le futur. Ceci est tout à fait dans
l'esprit et dans la lettre des engagements internationaux souscrits dans le
cadre de l'annexe XIII de la Convention de CHICAGO qui régit les
enquêtes après accident ou incident aérien.
Or dans nos démocraties
contemporaines, c'est à la justice qu'incombe le rôle de
réparer le lien social rompu. Il convient simplement de constater que,
pour l'opinion publique, l'accident aérien rompt le contrat tacite d'un
« droit » à un transport « sûr »... puisque
les techniciens eux-mêmes le garantissent « ultra sûr » :
il y a donc bien « rupture » effective du lien social.
En effet l'opinion publique considère
que, dans notre société techniquement aussi sophistiquée,
l'accident aérien - tout simplement - ne devrait pas se produire. Il n'y
a pas « d'acceptation » du risque systématique, même si
le bon sens populaire rappelle constamment par ailleurs que le « risque
zéro n'existe pas ».
L'acceptation éventuelle du risque
cache en fait deux conditions implicites :
- trouver de justes compensations à tous les dommages
subis en suite de l'accident ;
- diagnostiquer les responsabilités éventuelles
dans la survenance du même accident.
Le fait de perdre en 1996 des centaines de ses fils et filles,
la RD Congo ne devrait plus faire partie de la liste noire de la
communauté internationale.
La leçon que nous a donnée le drame de Type K
devrait suffire pour permettre de prendre des mesures sévères
contre les compagnies aériennes privées, les services de
contrôle et de la sécurité des aéroports et
aérodromes sur toute l'étendue nationale pour ne plus sombrer
dans la même situation que celle survenue au jour fatidique du 08
février 1996.
Pour une société aussi
techniquement développée que la nôtre, il s'avère
impérieux de tout faire pour que l'accident aérien ne
se «produise » et ne se « reproduise ».
Aussi, il est tout à fait normal qu'après tout
accident, chaque composante active de la société qui s'estime
concernée tente aussitôt d'en tirer les conséquences utiles
: administratives et réglementaires via la Commission Enquêtes et
Analyses ; techniques et opérationnelles via le constructeur ;
pécuniaires via les assureurs et juridiques civiles ou pénales
via la Justice etc....
Il ne s'agit pas uniquement ici de faire
l'éloge d'une justice purement « vindicative», le but
poursuivi n'est pas la recherche d'une punition uniquement par ce qu'il y a eu
accroc à la règle, transgression de la norme, dans les conditions
édictées par le Code pénal. Il s'agit de justice
«restauratrice » qui certes « institue », en quelque sorte,
au moment du
procès, chacun dans son rôle de « victime
» ou de « transgresseur » de l'ordre social, mais tente aussi et
surtout, par la dynamique régulatrice qu'elle représente,
d'aborder de la meilleure façon, au plan sociétal, les
conséquences de l'accident et ses répercussions futures
(réparations pour l'une, éventuelle sanction pour l'autre).
Pour nos démocraties, il s'agit
là de l'une des facettes importantes de ce rôle de recomposition
du lien social rompu par l'accident aérien ou la catastrophe, rôle
confié à la Justice de notre pays. L'action judiciaire - et son
indépendance qui semble faire peur à certains - est indispensable
pour maintenir ce pacte d'équilibre social implicite, qui se
résume par l'équation simple dont il convient de respecter les
trois termes :
Progrès technique
+ Système technique de Gestion de la
Sécurité améliorée
+ Responsabilités assumées
= garantie de sécurité
optimale
Un crash aérien constituera toujours un drame, avec de
nombreuses pertes humaines à la clé et des familles
brisées. Il peut être évité si tous les
concernés - de l'exploitant et/ou transporteur aérien à
l'autorité administrative et politique en général et en
particulier l'autorité ayant le domaine aérien dans ses
attributions, en passant par les agents de gestion et de régulation
aériennes - prennent au sérieux leurs responsabilités en
appliquant avec rigueur les textes régissant ce secteur.
Au cas où le crash survient :
- que la justice se saisisse du dossier au but
d'établir la part des responsabilités qui incombe à chaque
partie en cause d'une part ; et que d'autre part les victimes soient en
mesure de recouvrer leur droit après que le jugement soit
rendu ;
- que les services de l'exploitation aérienne tirent
des leçons à partir du crash survenu pour une amélioration
future.
Cette étude n'a pas la prétention d'avoir
été exhaustive, notre souhait serait que d'autres chercheurs
puissent continuer pour subvenir aux faiblesses de celle-ci et ainsi
compléter ce qui a échappé à notre analyse.
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