PROPOSITIONS ET SUGGESTIONS
Notre pays, la République Démocratique du Congo
a adhéré à la convention de Rome de 1952 relative aux
dommages causés aux tiers à la surface par des aéronefs
étrangers par l'ordonnance-loi n° 68/113 du 23 mars 1968 autorisant
l'adhésion à cette convention.
Le crash du 8 janvier 1996 a fait preuve d'une application de
la convention car il s'est posé un sérieux problème de la
responsabilité de l'exploitant d'aéronef. Il était
question dans l'affaire Type K de rechercher ou d'indiquer au vu des
éléments du dossier laquelle des parties civilement responsables
devra être appelée à réparer.
Les solutions à ces problèmes ont
été données en deux étapes selon le principe de
double degré de juridiction. Ainsi :
- Au 1er degré le tribunal dit
établies en fait et en droit, les préventions d'homicide et de
lésions corporelles involontaires mises en charge de certains
prévenus. Et à d'autres, il déclara non établie en
fait et en droit l'infraction des abstentions coupables, puis alloue aux
victimes les dommages-intérêts.
- Au second degré, le tribunal a dû constater la
désuétude de la loi en ce qui concerne la peine d'amende, mais il
dit établie en fait comme en droit, la prévention d'obtention
coupable à charge de quelques prévenus, et les condamna à
3 mois de servitude pénale.
Par ailleurs, le tribunal condamna solidairement les
civilement responsables (RVA, SCIBE AIR LIFT) à payer les
dommages-intérêts aux parties civiles. La régie des voies
aériennes devait répondre des faits des prévenus MBOKOLO
et KISELA qui, en leur qualité de vérificateurs de trafic avaient
la charge de contrôler, de vérifier, de confronter d'une part le
poids de la cargaison à la réalité de l'avion et d'autre
part la situation des passagers telle que destinée à la
réalité. Donc, la RVA avait la compétence d'empêcher
le vol après que ses agents aient pu procéder au
contrôle.
De ce qui précède, il y a lieu de remarquer que
la convention de Rome de 1933 a, non seulement fixé le maximum des
sommes dues par l'exploitant d'aéronef en cas d'accident, mais elle a
également prévu le mode de réparation de ces sommes
(article 8 alinéas 1er,2 et 3 de Rome 1933).
L'article 9 de la même convention
ajoute que si plusieurs personnes ont subi des dommages dans le même
accident et si la somme globale à payer à titre de
réparation dépasse les limites prévues à l'article
8, il y a lieu à procéder à la réduction
proportionnelle du droit de chacun, de façon à ne pas
dépasser les limites susdites dans l'ensemble. L'article 11 de la
convention de Rome de 1952 fixe un minimum et un maximum de
responsabilité.
En cas de mort ou de lésion, la
responsabilité de l'exploitant pourra excéder 500.000 francs par
personne tuée ou lésée.
Les conventions de Rome ont pour fondement d'assurer aux
victimes des dommages et aux tiers à la surface l'indemnisation
sûre. Faisant application de l'article 215 de la Constitution du 18
février 2006 qui stipule que les traités et accords
internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés
ont une autorité supérieure à celle des lois. D'où,
les Tribunaux saisis en 1èr et dernier ressort doivent
appliquer les Conventions de Rome en général et plus
particulièrement celle de 1952.
Le juge Congolais en appel, après avoir
observé la désuétude de la loi en ce qui concerne la peine
d'amende, qu'un lien de préposition a été prouvé
entre la SCIBE AIR LIFT et les prévenus KAZARINE et GOUSKOV d'une part,
et entre la RVA et les prévenus MBOKOLO et KISELA d'autre part, qu'aux
termes de l'article 14 de la Convention de Rome 1952, les civilement
responsables devront se voir appliqués les dispositions dudit
article.
Le premier juge en statuant sur les intérêts
civils s'est fondé sur l'article 11 de la Convention de Rome de
1952 : Il prit le maximum du montant prévu en tenant compte de
l'ampleur du sinistre et les répartis entre les victimes en fonction des
préjudices subis (mort d'hommes, blessures légères et
pertes matérielles).
A notre avis, il y a lieu de faire également allusion
à l'article 14 précité car les points a et b ont
également prévu les cas d'indemnisation concernant soit
uniquement les pertes en vie humaine ou lésions, soit uniquement des
dommages causés aux biens, soit encore lorsqu'il s'agit à la
fois des pertes en vies humaines ou des lésions et des dommages
causés aux biens.
Les articles 8 et 9 de la Convention de Rome de 1933
devraient faire partie de la décision du juge car les 2 articles
limitent également l'étendue de la responsabilité de
l'exploitant.
La réforme monétaire a fait perdre à
l'amende toute sa portée contre peine. En effet, en effectuant le calcul
pour la conversion d'anciens zaïre en nouveaux, on a atteint une somme
inférieure à 1 NZ quitte au juge de ramener toutes les
condamnations à la peine d'amende au contexte des textes de Rome qui a
organisé l'organisation de l'indemnisation des victimes mais en se
fondant aux articles 8 et 9 (Rome 1933) et article 11 (Rome 1952).
Il ressort de l'examen du dossier que c'est
également suite au chargement excessif que le crash a eu lieu alors que
les agents de la RVA avaient dans leurs attributions l'obligation de
prélever le poids déclaré dans le manifeste fret et d'en
transmettre les éléments au service de taxation pour le vol
concerné. Ce contrôle devrait être effectué avant le
décollage. Le temps imparti aux agents de la RVA était en
conséquence celui qui précède le décollage, ils
devaient confronter les documents présentés par l'exploitant
à la réalité sur terrain, c'est-à-dire au
chargement excessif qu'ils ont remarqués. Ce qui nous pousse à
nous interroger sur le fait que malgré la présence de
différents services de contrôle, comment les agents ont failli
à leur mission ?
Le comportement de ces agents cache des
interventions doleuses, c'est-à-dire que les agents ont tendance
à inciter les particuliers à la corruption. Or, l'article 3 des
Statuts de la RVA (Ordonnance n° 78/200 du 05 mai 1978 avant la
réforme des entreprises publiques, car la RVA n'est plus un service
public de l'Etat, mais une société commerciale aux termes de la
loi n° 08/007 du 7 juillet 2008 portant dispositions
générales relatives à la transformation des entreprises
publiques) précise qu'elle a pour objet la construction,
l'aménagement et l'exploitation des aéroports et leurs
dépendances.
Son objet, c'est aussi d'assurer la sécurité
dans le domaine de la navigation. La RVA, chargée de l'exploitation de
l`aéroport et de la sécurité, avait cette
compétence d'empêcher le vol, mais s'est permis de laisser un
avion surchargé prendre l'envol.
De ce qui précède, le domaine de la
navigation aérienne est très délicat de sorte que toutes
les précautions sont censées être prises, bien que
certains sinistres, en cas de force majeure et cas fortuit peuvent subvenir,
mais du moins qu'il soit démontré que toutes les autorités
compétentes en la matière se sont données corps et
âme pour assurer la sécurité de l'équipage à
bord et de ceux qui se trouveraient à la surface.
C'est avec délicatesse que doivent
se faire les opérations relatives au contrôle des avions, des
aéroports, car la vie des hommes en dépend. Les services
chargés de l'exploitation de l'aéroport et de la
sécurité peuvent être corrompus, mais la mort ne l'est pas.
Ce qui est encore étonnant, c'est que le drame comme celui de 1996 se
soit encore produit en octobre 2007 (crash de Kingasani/terminus). Les Antonov
ont continué à régner en maîtres, bien qu'interdits
de vols, mais jamais définitivement rayés de la carte
aéronautique nationale.
Le fait pour la RDC d'adhérer aux Conventions
internationales doit susciter le goût de la perfection, en passant en
revue tous les services qui ont jadis failli, et prendre des mesures
appropriées pour ne plus retomber dans les mêmes erreurs.
Il apparait nécessaire dans les cas de crash
aérien qu'une double enquête administrative et judiciaire
soit effectuée après l'accident.
L'enquête technique administrative par un Bureau
d'Enquêtes et Analyses désigné par l'autorité ayant
l'aviation civile dans ses attributions ;
L'enquête judiciaire (non moins technique), pour la
« pénalisation » éventuelle de l'accident
aérien, par le biais d'une information judiciaire au niveau du juge
instructeur.
L'enquête administrative
déclenchée, a pour seul but l'amélioration de la
sécurité aérienne future afin que les mêmes causes
ne produisent plus les mêmes effets. Elle ne s'occupe pas de traiter et
réparer socialement les conséquences de l'accident
passé. Elle fait des propositions qui n'ont initialement aucun
caractère obligatoire. Selon les conventions internationales, les
enquêteurs administratifs ont interdiction d'étudier et de se
prononcer sur les éventuelles responsabilités. C'est une
très noble mission prospective.
L'enquêteur administratif
s'interrogera sur les recommandations à faire sur le matériel ou
la réglementation afin de faire progresser la sécurité
aérienne, l'Expert judiciaire désigné mettra en
lumière les éléments techniques de responsabilité
éventuelle pour le Juge d'Instruction.
Mais la recherche d'une
sécurité aérienne maximale ne doit pas s'arrêter
à l'obtention du Certificat de navigabilité, elle doit se
poursuivre pendant toute la période d'exploitation de l'appareil, par
l'utilisation programmée et systématique du « retour
d'expérience » acquise en service. Le but est de traquer
systématiquement les « dangers potentiels » décelables
pendant la réelle utilisation opérationnelle de l'avion et ainsi,
par le biais de deux processus (suivi de navigabilité et maintien de
navigabilité), d'assurer la sécurité la plus grande.
Suivi de navigabilité
Le « SUIVI DE NAVIGABILITË » est le processus
permettant de détecter puis de corriger efficacement les défauts
d'un avion, d'un équipement ou des règles d'emploi
opérationnel, défauts dont l'existence ou la gravité
n'avaient pas été complètement anticipés au moment
du processus de certification, défauts détectés au fur et
à mesure que progresse l'expérience de l'utilisation de l'avion
en exploitation.
Il s'agit donc d'un processus continu de
prise en compte d'incident répétitifs, exploitant au mieux le
« retour d'expérience » en utilisation. C'est ce travail
normalement « réactif » aux incidents ou accidents survenus
que l'on dénomme « suivi de navigabilité ».
Maintien de navigabilité :
Le « maintien » de navigabilité est
pour l'essentiel à la charge de l'exploitant, sous le contrôle des
autorités administratives. L'exploitant doit utiliser l'avion à
l'intérieur des limitations prévues, procéder aux
opérations d'entretien de la cellule, des réacteurs, des
équipements suivant une périodicité établie,
procéder aux modifications techniques imposées, etc....
La sécurité aérienne finale repose donc
sur un ensemble de processus techniques profondément liés de
façon indissoluble où il est nécessaire que chaque
intervenant décisionnaire dans l'application ou l'évolution de
chacun des processus prenne les bonnes décisions.
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