V DISCUSSION
Dans la présente étude, la prévalence
globale de l'obésité est de 7,7% et celle du surpoids est de
13,5%. Les prévalences observées dans notre échantillon
sont inférieures à celles de SAHAHA (1998), de Djrolo et coll
(1999) et de ACAKPO (2000) où la prévalence de
l'obésité est respectivement 16,8% dans la population de 21
à 45 ans de la ville de Cotonou, 18% chez les femmes gestantes de la
ville de Cotonou et 16,8% en milieu urbain. Cette différence pourrait
être due à la taille et de la structure de notre
échantillon qui nous impose la tranche d'âge de 18 à 27
ans. En effet, SAHAHA a travaillé sur 122 sujets des deux sexes de 18
à 45ans, Djrolo sur 139 femmes enceintes. Il faut noter que 11,5% des
étudiants sont émaciés (poids insuffisant) et 13,5% sont
en surpoids. Mais dans de tel milieu, ces prévalences observées
devraient attirer notre attention sur la réalité du double
fardeau de la malnutrition dans notre pays bien que 67,3% des étudiants
jouissent d'un état nutritionnel normal. En effet, une estimation
récente du nombre de décès aux États-Unis
attribuables à l'obésité a été
réalisée et l'obésité serait responsable de 112000
décès annuels pendant qu'une masse corporelle insuffisante
(<18,5 kg/m2) est responsable de 33000 décès
(Flegal et coll., 2005).
De plus, il ressort de nos résultats que 75% des
obèses, 69,2% de ceux qui sont en surpoids sont du sexe féminin.
Ces étudiantes obèses, en surpoids comme émaciées
sont toutes en âge de procréer. D'après les études
de Djrolo et coll (1999), les femmes obèses présentent plus
fréquemment des complications médicales de la grossesse. Il a
été observé chez les femmes obèses une tendance
à accoucher plus fréquemment par césarienne sans que la
différence soit statistiquement significative. Il est également
observé une fréquence discrètement plus
élevée de cas d'enfants réanimés à la
naissance chez les parturientes obèses que chez les non obèses
(12 % contre 9 %). Toutefois, cette différence n'est pas statistiquement
significative à cause du nombre de cas difficilement observable.
L'examen du poids de naissance en fonction de l'indice de masse corporelle de
la mère , montre que la macrosomie n'est observée que chez les
mères obèses et celles présentant un excès
pondéral modéré dans une proportion respectivement de 4 %
et de 3,4 %.Ces résultats sont conformes à ceux de Larsen et coll
(1990) qui ont rapporté que la fréquence de macrosomie augmente
avec l'indice de masse corporelle.
Par contre la fréquence de l'hypotrophie foetale
augmente au fur et à mesure que l'indice de masse corporelle diminue et
ce sont les femmes obèses qui présentent la fréquence la
moins élevée d'hypotrophie foetale (6 % contre 13,1 %pour les
femmes de poids normal), mais ici également, la différence
n'était pas significative. La fréquence la plus
élevée d'hypotrophie foetale est observée chez les
mères de faible poids, avec une différence significative par
rapport aux femmes de poids normal (33,3 % contre 13,1 %, p < 0,01). Ces
résultats sont tout à fait conformes à ceux
observés dans les pays occidentaux. En effet, Perlow et Morgan (1994)
d'une part et Edwards et coll (1996) d'autre part ont observé que
l'hypertension artérielle, qu'elle soit chronique ou gravidique, et le
diabète sucré, prégravidique ou gestationnel,
étaient significativement plus fréquents chez la gestante
obèse que chez la gestante de poids normal. Pour Martin et coll (2000),
le poids élevé de la femme est un facteur de risque de
prééclampsie et d'éclampsie au cours de l'évolution
de la grossesse.
La dépense énergétique moyenne des
étudiants est estimée à 2082,2Kcal/J. COLE et OGBE (1987)
ont estimé celle de 20 étudiants de l'Université d'Ibadan
à 2360Kcal/J. TANGNI (1988) a estimé celle de 36 étudiants
de sexe masculin de l'Université Nationale du Bénin à
2303Kcal/J. Ces résultats sont différents des nôtres car
notre échantillon est mixte et sa taille est différente de celle
des autres que ce soit pour l'ensemble ou par sexe. En revanche, la
dépense énergétique des obèses (2415,94Kcal/J) est
supérieure aux valeurs suscitées. Au Bénin, les
études sur les dépenses énergétiques sont
très limitées. Seule celle de TANGNI (1988) a été
faite particulièrement sur les étudiants de l'Université
Nationale du Bénin, ce qui limite les comparaisons de nos
résultats.
L'apport énergétique moyen des sujets
étudiés est de 2290,642 Kcal/J pour l'ensemble et de
3298,54Kcal/J pour les obèses. Cet apport varie non seulement d'un sujet
à un autre mais également par catégorie d'IMC. TANGNI
(1988) a évalué à 2466Kcal/J l'apport
énergétique de 36 étudiants béninois. Cette valeur
est supérieure de 7,1% pour l'ensemble et inférieure de 33,8%
pour les obèses à la valeur de la présente étude.
McCANCE et al ont estimé à 2420Kcal/J et 2970Kcal/J les apports
énergétiques quotidiens des étudiants Britaniques et
Soudanais à Khartoum. Transporté à Cambridge,
les mêmes sujets étudiés ont
augmenté leurs apports énergétiques quotidiens qui
deviennent respectivement 3280Kcal/J et 3240Kcal/J. Cela signifierait donc que
l'apport énergétique d'un même sujet varie d'un milieu
à un autre en fonction de la diversité alimentaire. Ainsi,
faisant recours aux différents aliments consommés par les
étudiants aussi bien aux restaurants universitaires que dans les
cantines (Annexe 4 et 6) nous nous rendons compte de la densité
énergétique des aliments consommés.
Quel que soit le niveau énergétique des repas,
un certain équilibre doit exister entre les différentes sources
énergétiques des rations. Ainsi, il est recommandé que les
glucides fournissent 50 à 65% des calories, les lipides 20 à 30%
des calories et les protéines 15%. Pour les rations alimentaires prise
de façon éparse, les glucides, les lipides et les
protéines fournissent respectivement 44,85%, 38% et 13,19% des calories.
Nous observons un léger déséquilibre pour tous ces
macronutriments. Ceci pourrait être expliqué par le poids
protéinique des repas présenté au restaurant
Universitaire.
La présente étude montre les variations
sensibles tant au niveau des apports énergétiques individuels
qu'au niveau des dépenses énergétiques chez les sujets
étudiés. L'apport énergétique moyen est plus
élevé que la dépense énergétique moyenne. La
balance énergétique moyenne est alors positive. L'apport
énergétique des hommes est supérieur à celui des
femmes. Les dépenses énergétiques des hommes sont
également supérieures à celui des femmes. Au niveau des
obèses et de ceux qui sont en surpoids, les apports dépassent les
dépenses énergétiques de 36,5% et de 19,4% respectivement.
L'analyse par sexe révèle que la balance
énergétique des hommes obèses et en surpoids est
inférieure à celle des femmes respectivement de 12,3% et de
24,4%. Nos analyses ont montré que l'obésité est
liée à la balance énergétique. C'est donc ce
surplus de 36,5% d'énergie qui s'accumulerait au niveau des tissus pour
faire des sujets concernés des obèses. Par ailleurs, cette
élévation de la balance énergétique des
obèses pourrait s'expliquer par le fait qu'il y a plus de femmes
obèses que d'hommes obèses (75% contre 25%). Ceci parce que
l'apport énergétique moyen des femmes dépasse largement
leurs dépenses énergétiques. Ce qui n'est pas le cas chez
les hommes. Vu le nombre des femmes obèses, ce surplus d'apport
énergétique peut se répartir sur la moyenne pour expliquer
l'apparition de l'obésité au sein de la population.
En ce qui concerne les glucides et les lipides, les
obèses et ceux qui sont en surpoids en consomment plus que les autres.
En effet, les obèses consomment en moyenne 371,7g de glucide et 139,8g
de lipide contre 277,3g de glucide et 104,4g de lipide pour ceux qui sont en
surpoids, 250,4 de glucide et 94,3 de lipide pour les sujets normaux et enfin
198,5g de glucide et 74,8g de lipide pour les sujets de faible poids. Ceci est
évident car les glucides et surtout les lipides contribuent aux apports
énergétiques au niveau desquels les différences
observées vont dans le même sens.
Il ressort également de notre étude que la
tranche d'âge de 20 à 25ans est plus vulnérable à
l'obésité avec une prévalence de 7,7%. On note une
prédominance féminine (12% des femmes contre 3,7%des hommes). En
Belgique (MARGARETHA, 1996) l'étude effectuée entre 1995 et 1996
donnent des résultats différents des nôtres : la
prévalence de l'obésité est plus élevée chez
les hommes de 25 à 34 ans que chez les femmes, alors qu'elle est nulle
chez les hommes du campus d'Abomey-Calavi âgés de plus de 25ans.
Nos résultats sont donc proches de celui de SAHAHA pour la tranche
d'âge supérieur à 25 ans (0,9% chez le hommes de 25
à 34 ans résidant à Cotonou). On note la même
ressemblance entre nos résultats et ceux obtenus par l'OMS (1998) en
Chine où les femmes de 20 à 45ans sont plus obèses que les
hommes de même groupe d'âge avec des proportions plus faibles (2,9%
chez les hommes et 4,3% chez les femmes).
L'étude des déterminants de
l'obésité révèle que 58,7% des cas
d'obésité observés sont expliqués par la balance
énergétique. Le test t l'approuvant d'ailleurs au seuil de 5%.
Ceci montre que nos résultats reflètent la réalité
puisque l'obésité qui est une maladie polygénique à
forte composante environnementale s'installe lorsque les apports
énergétiques sont supérieurs aux dépenses (Astrup,
1999 ; Maffeis, 1999a). Ces déterminants sont donc nombreux. Dans notre
milieu d'étude, l'inadéquation entre apports et dépenses
énergétique se trouve être le seul déterminant de
l'obésité.
Des études épidémiologiques et des
travaux de recherches en génétique et biologie moléculaire
au sein de nombreuses populations mondiales, suggèrent que certains
sujets pourraient être plus susceptibles que d'autres à la prise
de poids et de
développer une obésité (WHO, 1998) ; mais
il semble qu'un des facteurs déterminants actuels de l'augmentation de
la prévalence de l'obésité chez l'enfant, comme chez
l'adulte, soit la réduction de l'activité physique et
l'augmentation du niveau de sédentarité, elles mêmes
liées à des modifications du comportement individuel et de
l'environnement social (WHO, rapport 1998). Les corrélations montrant
une relation inverse entre l'indice de masse corporelle (IMC) et
l'activité physique (Davies et coll., 1995 ; Westertep et Goran, 1997)
semblent en faveur d'une diminution de la dépense
énergétique chez l'obèse sans que ces études, de
type transversal, permettent de répondre à la question : ces
sujets sont-ils obèses parce que peu actifs ou peu actifs parce
qu'obèses?
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