1.2. Sport et handicap
Turpin (2008), dans son cours « anthropologie de
la performance », indique que si on reprend le
développement historique du sport chez les handicapés, on
s'aperçoit que les activités se sont diversifiées de
manière très importante, parallèlement aux performances
qui sont devenus très élevées, faisant des athlètes
handisports des sportifs de haut niveau, au plan des résultats. Ce que
nous pouvons constater avec le développement du sport pour
handicapés physiques, c'est qu'il répond parfaitement à
l'injonction du sport en général. Il utilise les mêmes
processus et se soumet à la même logique. Les adaptations sont
majoritairement techniques, réglementaires et matérielles, mais
elles participent de la même philosophie. Pour les handicapés ceci
est extrêmement important puisque cela leur permet d'attester
(grâce au recours à la performance sportive) qu'elles sont des
personnes comme les autres (Turpin, 2008).
Marcellini et Turpin (1999) ont tenté de trouver des
réponses aux attitudes des sujets handicapés vis à vis de
l'objet "sport". Dans une recherche clinique qu'ils ont mené
(longitudinale sur 5ans), ils ont pu mettre en évidence la
multiplicité des utilisations du sport par ces personnes, et la liaison
entre le type d'usage du sport et le rapport à la perte et au handicap.
Ils ont montré que le sport peut être support de stratégies
d'isolement dans le groupe de handicapés, ou bien support
d'expérimentations du contact avec le monde "ordinaire", support de
méthodes de distinction vis à vis des autres handicapés,
ou encore support de militantisme pour la modification des
représentations sur le handicap. Ces différents usages traduisent
un ensemble d'étapes dans la reconstruction identitaire des sujets. Ils
ont pu constater que du moment où le sport n'est plus investi d'une
fonction quelconque au regard du handicap, ils constatent l'émergence
parallèle de références identitaires dominantes
évacuant la dimension du handicap (professionnelles et familiales en
particulier), et le retour à des préoccupations "ordinaires", en
même temps que se reconstruit le lien avec "l'avant" (l'accident)
où le sujet devient à nouveau capable d'éprouver un
sentiment de "continuité de soi" (Marcellini et al, 1999).
La bienfaisance du sport pour handicapé en Tunisie
à été signalée de quelques travaux de recherches,
celle de Lacheb et Moualla (2008), serait un exemple parfait. Il
s'agit d'une étude clinique très intéressante,
à travers laquelle a été proposée une analyse du
vécu corporel d'athlètes tunisiens handicapés physiques,
investis dans une pratique sportive de haute compétition. Dans cette
expérience clinique, le corps est en position d'ambivalence entre la
matérialité de la déficience qu'accusent le regard
d'autrui et les exigences de la performance sportive. L'étude montre que
la déficience corporelle s'exprime, pour les athlètes, en termes
d'écart par rapport à la norme. Cependant, la mise en jeu
spécifique du corps dans la pratique sportive et la réalisation
des performances de pointe suscitent la rencontre avec un corps autre et
participent à une révocation, voire même un oubli du
handicap. En effet, l'engagement corporel des athlètes dans une pratique
socialement signifiante leur permet de se forger une identité
exceptionnelle dans l'espace sportif. Par ailleurs, l'appropriation de cette
nouvelle identité et la conciliation avec le corps déficient
transforment leur perception du corps propre et conduisent à la
réconciliation avec soi, malgré une confrontation continue
à la logique de la norme dans l'espace extra-sportif.
Notre travail a pour but de s'intéresser au handicap et
d'observer les relations qu'il entretient avec la contre performance sportive.
Ici, il ne s'agit pas de questionner la notion de handicap en elle-même
mais de comprendre les remaniements psychologiques d'un athlète
handicapé et contre performant. Ceci sera plus développé
dans la partie « motivation ».
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