CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE
I. Contre performance et Rapport
entraineur-entrainé :
1. La contre performance :
Introduction :
Avant de développer la notion de contre performance, il
faudrait insister sur le fait que ce terme est employé à la
lettre, au sens où une force se manifeste « contre »
la performance (Moragues, 2004). Entre la performance et la contre performance
existe ce terme « contre », faisant ainsi toute la
différence entre ces deux notions. Pour cela il faudrait commencer du
tout début, de « la performance » elle-même,
pour arriver à concevoir la réalité de la
« contre » performance.
Performance, ce mot d'origine anglaise, employé qu'au
pluriel, date du 19ème siècle, dans la langue du turf,
lors des courses hippiques, puisque les chevaux à cette époque,
faisaient des "performances". Le même mot, au singulier, est
fréquemment utilisé aujourd'hui comme synonyme d'exploit ou de
rendement, celui d'une personne, d'un animal ou d'une machine. Si l'on revient
à l'étymologie, on pourrait penser, que performance est
la forme de l'ancien français : performer, plutôt
parformer ce qui fait que performer ou parformer
'est plutôt parfaire que performer d'aujourd'hui et
là, nous constatons qu'il a une certaine coïncidence entre le sens
ancien et le sens moderne, car performance est aussi bien la
perfection dans l'action que la perfection dans l'oeuvre. Le mot
performance par rapport au mot perfection est une bonne
indication de l'évolution des moeurs au cours du dernier siècle.
Le premier n'a rapport qu'au faire, le second désigne une
qualité de l'être avant de s'appliquer au faire.
Il va de soi que dans la critique des excès et des travers du temps
présent, Le mot performance est souvent utilisé pour
désigner le mal qu'il faut combattre. Ce n'est qu'en 1876 que le terme
performance a été appliqué aux sportifs. En 1924 il est
devenu question d'un résultat sportif exceptionnel. Puis le sens
psychologique est apparut, venant de l'anglais : il s'agissait alors d'un
résultat individuel dans l'accomplissement d'une tâche, dont les
facteurs principaux sont l'aptitude et la motivation (Depecker, 2009).
En 1906, paraît le premier article sur une étude
prospective des performances à la course. La
« performance » était uniquement synonyme de
« record », causant de suite, un désaccord
théorique. Son auteur Kinnelly, fut un véritable pionnier
concernant la bioénergétique de l'exercice musculaire. Les
sciences modernes, notamment dans le domaine de la physiologie et de la
biomécanique, commencèrent à catégoriser les
différents paramètres gravitants autour de la performance
dès le début du 20ème siècle avec le renouvellement
des Jeux Olympiques. Dès lors ils se sont aperçut combien
l'obtention de la performance était complexe. (Billat, 2008).
Comme l'affirme Seve (2006) dans son travail intitulé
« Sciences humaines L'esprit sportif, La gestion, Communication
et promotion des APS, Tome3 », la performance sportive, se
déclinerait selon le discours, car elle revêt une certaine
ambigüité. Son emploi est souvent relié à certaines
connotations de succès, de réussite et d'exploits, mais elle
désigne « en tout autant l'affection d'une réponse
motrice que le résultat obtenu, c'est-à-dire aussi bien le
mouvement réalisé que le résultat du mouvement »
(p 29). Il prend l'exemple du saut en longueur et du saut en hauteur pour
montrer que la performance en elle-même, fait non seulement
référence à la hauteur ou à la longueur de la barre
ou de la ligne franchie, mais aussi aux actions motrices
réalisées.
La majorité des modèles explicatifs de la
performance se rejoignent sur certains points: Le modèle de Cratty
(1968), repris par Carron (1982) présente quatre grandes
catégories de variables influençant l'évolution de la
performance : les facteurs sociaux, structuraux, physiologiques et
psychologiques, pouvant se trouver dans l'entourage immédiat du sportif,
à sa proximité, ou éloignés de celui-ci (Thomas et
al, 1989). Même chose pour le modèle d'Alderman (1974) qui
en ajoute un autre facteur, celui de l'aptitude technique.
Le modèle des déterminants de la performance
sportive de Bouchard (1971) : indique par contre que la performance
dépend de trois sous-ensemble : les déterminants invariables
liés au facteur de l'hérédité, les
déterminants qui peuvent être modifiés ou manipulés
dans le cadre d'une stratégie d'entraînement regroupés en
neuf facteurs (technique, intelligence stratégique, condition physique
générale, condition physique spécifique, niveau de
préparation psychologique, influence du milieu social, conditions
climatiques et alimentation et enfin récupération et loisirs) et
celui des contrôles importants dans l'organisation de la
préparation à la performance sportive (Bouchard, 1971).
Billat (1991), quant à lui, a essayé de combiner
entre l'approche scientifique et l'expérience issue de la pratique de
l'athlétisme. De formation physiologique, athlète et
entraîneur d'athlètes de haut niveau, il a pu dégager un
nombre de facteurs plus large que ces antécédents et qu'il jugea
nécessaire pour la performance en course de fond. Il évoque
entre autre le mode de vie et le potentiel social, la connaissance de la
spécificité de l'activité, la connaissance du potentiel
physique et psychique, l'infrastructure institutionnelle et enfin le
règlement. Ce même modèle a été repris par le
même auteur en collaboration avec Peres et a été
adapté au triathlon (Billat. 1991).
La performance sportive a longtemps désigné, des
comportements observables d'un sujet donné, dans une situation
donnée et à un moment donné. Cependant elle est instable
et varie au cours de la saison sportive. Suite à cette
variabilité dans le temps et dans l'espace elle peut être efficace
ou au contraire inappropriée à la situation. Dans ce cas, nous
parlerons de contre performance (Seve, 2006).
1.1. Entre performance et contre performance : le
contre désigne réellement quoi ?
Banalisé dans le monde sportif, le terme de contre
performance est souvent synonyme d'échec ou de mauvais résultats.
Quand elle survient, puis se répète en dépit d'une
condition physique optimum, elle laisse perplexes sportifs et
entraîneurs. Pour essayer de comprendre, ils ont quelquefois recours
à des justifications mettant en cause les facteurs psychologiques,
admettant alors que la condition physique, est insuffisante pour amener
à la performance. En se référant à la
majorité des travaux sur ce sujet, nous nous sommes rendu compte de la
prégnance perpétuelle de deux dimensions
considérées comme causes majeures et reliées
indépendamment à l'athlète. Il s'agit de la dimension du
stress directement liée au contexte purement physiologique et l'absence
ou l'insuffisance de motivation, perçue comme facteur majeur des
résultats d'échec (Moragues, 2004).
La théorie des « styles attributionels » ou
« styles explicatifs », développée par Abramson,
Seligman et Teasdale (1978), conçoit que chaque individu aurait une
manière relativement stable d'expliquer les événements
positifs et/ou négatifs susceptibles de lui arriver. Cette
théorie est un renouvellement de la théorie de la
résignation apprise ; lorsqu'un athlète échoue et
devient contre performant, devant une situation dans laquelle il ne
perçoit aucun moyen d'atteindre le but, il fait l'apprentissage de
l'inutilité de ses efforts et peut devenir par conséquence,
résigné. Cette résignation apprise devient une perception
d'un rapport d'indépendance entre le comportement exécuté
et le résultat. Le « contre » devient une
manifestation de résignation acquise et
généralisée. Cependant, ce modèle explicatif, a
fait l'objet à la fois de très peu d'études dans le
domaine des activités physiques et sportives, mais surtout de plusieurs
critiques qui ont commencé à se multiplier parallèlement
à l'avancée des recherches. Certains chercheurs et
théoriciens, ont dénoncé le manque de validité
interne de certaines expériences, en apportant d'autres explications
à la contre performance constatées dans celles-ci. La
validité même de cette théorie a été remise
en cause. Selon certains, le modèle ne permet pas d'expliquer l'ensemble
des réactions que les sportifs démontrent face aux
événements incontrôlables (voir les travaux faits par,
Miller & Norman, 1979 ; Roth, 1980 ; Wortman & Brehm, 1975) : certains
manifestent des déficits et des contre performances
présumés à travers le temps et les situations, tandis que
d'autres ne manifestent pas ces déficits. Ce modèle semble
constituer une simplification excessive de la contre performance (Krumm.,
Sarrazin, 2004).
L'observation psychologique clinique de la contre performance
apporte, par contre, un autre éclairage sur la question. C'est en tout
cas ce que montrent les données recueillies lors des consultations du
centre de psychologie sportive de Montpellier sur des athlètes et des
sportifs du CREPS. On peut citer les travaux de Moragues (2004) et les
études de cas qu'il a pu développer dans son travail
intitulé « psychologie de la performance », à
travers lequel la contre-performance n'est pas une simple insuffisance de
résultat, due à une simple absence de motivation ou à une
augmentation du stress. Elle témoigne d'une présence du sujet,
et que parfois même, elle peut être, paradoxalement, un indicateur
de bonne santé psychique dès lors que l'on cesse de concevoir la
santé comme un équilibre sans conflit, mais plutôt comme
une dynamique de remaniements, où les indispensables conflits et crises
sont facteurs d'évolutions et de possibles transformations.
En effet ce qui pourrait paralyser une performance, et donner
une « contre » performance, est la vision de la
compétition où domine justement une certaine
représentation imaginaire et où existe un écart entre le
« vouloir » de la volonté consciente et un autre
« vouloir » qui s y oppose. Le moi
« veut », « désire », mais aussi
« ne veut pas » ne « désire
pas » de même que le corps « peut »ou
« ne peut pas » ou parfois tend à
désobéir et « ne veut pas ». Cette
« contre » pourrait ainsi emprunter le fonctionnement d'un
symptôme et être analysé comme tél (Lollini et al,
2007)
L'éclairage psychanalytique, nous montre combien cette
action de « contre » performance atteste de la
présence du sujet de l'inconscient et combien celui-ci est à
l'oeuvre dans ce genre de manifestations corporelles. Ce
« contre » ne traduit pas uniquement une manifestation
motrice ou corporelle inadaptée, mais également se structure
comme « un langage », ou sa forme et sa construction sont
signifiantes du désir de l'être sportif. Il s'agit de la
manière si particulière du corps moteur à
traduire le corps pulsionnel et où la marque de la
compétition, du « jeu »
mais surtout du « je » porte sur
des lois du langage qui caractérise selon le modèle freudien, le
fonctionnement psychique (Moragues, 2004).
Vu que notre travail porte sur des athlètes à
handicap physique, le handicap à lui seul ne suffit pas pour justifier
la contre performance. Certainement un athlète valide diffère
d'un athlète handicapé au niveau des remaniements psychiques et
de la perception latente de la symbolique de la contre performance. Ce
symptôme observé chez ces deux acteurs n'évolue pas
forcément de la même manière, mais ce qui nous
intéresse pour le moment, c'est de le décortiquer auprès
de cette population si particulière et signaler l'importance de son
intégration dans les recherches cliniques, surtout que peu de travaux
ont traité la contre performance et le corps pulsionnel des
athlètes handicapés, en estimant que le sport pour
handicapé est un sport de loisir et non de haut niveau.
L'évolution de cette pratique démontre le contraire. Pourquoi se
soucier seulement d'optimiser la performance des sportifs valides et chercher
à tout prix de comprendre la nature de leur contre performance alors
que les athlètes handicapés de haut niveau ne cessent de montrer
leurs capacités et leurs talents dans les diverses pratiques
sportives ?
|
|