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Corps pulsionnel des athlètes à  handicap moteur. Contre performance et motivation inconsciente

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par Amira Najah
Université de Tunis faculté des sciences humaines et sociales - Matser II recherche  2008
  

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CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE 

I. Contre performance et Rapport entraineur-entrainé :

1. La contre performance :

Introduction :

Avant de développer la notion de contre performance, il faudrait insister sur le fait que ce terme est employé à la lettre, au sens où une force se manifeste « contre » la performance (Moragues, 2004). Entre la performance et la contre performance existe ce terme « contre », faisant ainsi toute la différence entre ces deux notions. Pour cela il faudrait commencer du tout début, de « la performance » elle-même, pour arriver à concevoir la réalité de la « contre » performance.

Performance, ce mot d'origine anglaise, employé qu'au pluriel, date du 19ème siècle, dans la langue du turf, lors des courses hippiques, puisque les chevaux à cette époque, faisaient des "performances". Le même mot, au singulier, est fréquemment utilisé aujourd'hui comme synonyme d'exploit ou de rendement, celui d'une personne, d'un animal ou d'une machine. Si l'on revient à l'étymologie, on pourrait penser, que performance est la forme de l'ancien français : performer, plutôt parformer ce qui fait que performer ou parformer 'est plutôt parfaire que performer d'aujourd'hui et là, nous constatons qu'il a une certaine coïncidence entre le sens ancien et le sens moderne, car performance est aussi bien la perfection dans l'action que la perfection dans l'oeuvre. Le mot performance par rapport au mot perfection est une bonne indication de l'évolution des moeurs au cours du dernier siècle. Le premier n'a rapport qu'au faire, le second désigne une qualité de l'être avant de s'appliquer au faire. Il va de soi que dans la critique des excès et des travers du temps présent, Le mot performance est souvent utilisé pour désigner le mal qu'il faut combattre. Ce n'est qu'en 1876 que le terme performance a été appliqué aux sportifs. En 1924 il est devenu question d'un résultat sportif exceptionnel. Puis le sens psychologique est apparut, venant de l'anglais : il s'agissait alors d'un résultat individuel dans l'accomplissement d'une tâche, dont les facteurs principaux sont l'aptitude et la motivation (Depecker, 2009).

En 1906, paraît le premier article sur une étude prospective des performances à la course. La « performance » était uniquement synonyme de « record », causant de suite, un désaccord théorique. Son auteur Kinnelly, fut un véritable pionnier concernant la bioénergétique de l'exercice musculaire. Les sciences modernes, notamment dans le domaine de la physiologie et de la biomécanique, commencèrent à catégoriser les différents paramètres gravitants autour de la performance dès le début du 20ème siècle avec le renouvellement des Jeux Olympiques. Dès lors ils se sont aperçut combien l'obtention de la performance était complexe. (Billat, 2008).

Comme l'affirme Seve (2006) dans son travail intitulé « Sciences humaines L'esprit sportif, La gestion, Communication et promotion des APS, Tome3 », la performance sportive, se déclinerait selon le discours, car elle revêt une certaine ambigüité. Son emploi est souvent relié à certaines connotations de succès, de réussite et d'exploits, mais elle désigne « en tout autant l'affection d'une réponse motrice que le résultat obtenu, c'est-à-dire aussi bien le mouvement réalisé que le résultat du mouvement » (p 29). Il prend l'exemple du saut en longueur et du saut en hauteur pour montrer que la performance en elle-même, fait non seulement référence à la hauteur ou à la longueur de la barre ou de la ligne franchie, mais aussi aux actions motrices réalisées.

La majorité des modèles explicatifs de la performance se rejoignent sur certains points: Le modèle de Cratty (1968), repris par Carron (1982)  présente quatre grandes catégories de variables influençant l'évolution de la performance : les facteurs sociaux, structuraux, physiologiques et psychologiques, pouvant se trouver dans l'entourage immédiat du sportif, à sa proximité, ou éloignés de celui-ci (Thomas et al, 1989). Même chose pour le modèle d'Alderman (1974) qui en ajoute un autre facteur, celui de l'aptitude technique.

Le modèle des déterminants de la performance sportive de Bouchard (1971) : indique par contre que la performance dépend de trois sous-ensemble : les déterminants invariables liés au facteur de l'hérédité, les déterminants qui peuvent être modifiés ou manipulés dans le cadre d'une stratégie d'entraînement regroupés en neuf facteurs (technique, intelligence stratégique, condition physique générale, condition physique spécifique, niveau de préparation psychologique, influence du milieu social, conditions climatiques et alimentation et enfin récupération et loisirs) et celui des contrôles importants dans l'organisation de la préparation à la performance sportive (Bouchard, 1971).

Billat (1991), quant à lui, a essayé de combiner entre l'approche scientifique et l'expérience issue de la pratique de l'athlétisme. De formation physiologique, athlète et entraîneur d'athlètes de haut niveau, il a pu dégager un nombre de facteurs plus large que ces antécédents et qu'il jugea nécessaire pour la performance en course de fond. Il évoque entre autre le mode de vie et le potentiel social, la connaissance de la spécificité de l'activité, la connaissance du potentiel physique et psychique, l'infrastructure institutionnelle et enfin le règlement. Ce même modèle a été repris par le même auteur en collaboration avec Peres et a été adapté au triathlon (Billat. 1991).

La performance sportive a longtemps désigné, des comportements observables d'un sujet donné, dans une situation donnée et à un moment donné. Cependant elle est instable et varie au cours de la saison sportive. Suite à cette variabilité dans le temps et dans l'espace elle peut être efficace ou au contraire inappropriée à la situation. Dans ce cas, nous parlerons de contre performance (Seve, 2006).

1.1. Entre performance et contre performance : le contre désigne réellement quoi ?

Banalisé dans le monde sportif, le terme de contre performance est souvent synonyme d'échec ou de mauvais résultats. Quand elle survient, puis se répète en dépit d'une condition physique optimum, elle laisse perplexes sportifs et entraîneurs. Pour essayer de comprendre, ils ont quelquefois recours à des justifications mettant en cause les facteurs psychologiques, admettant alors que la condition physique, est insuffisante pour amener à la performance. En se référant à la majorité des travaux sur ce sujet, nous nous sommes rendu compte de la prégnance perpétuelle de deux dimensions considérées comme causes majeures et reliées indépendamment à l'athlète. Il s'agit de la dimension du stress directement liée au contexte purement physiologique et l'absence ou l'insuffisance de motivation, perçue comme facteur majeur des résultats d'échec (Moragues, 2004).

La théorie des « styles attributionels » ou « styles explicatifs », développée par Abramson, Seligman et Teasdale (1978), conçoit que chaque individu aurait une manière relativement stable d'expliquer les événements positifs et/ou négatifs susceptibles de lui arriver. Cette théorie est un renouvellement de la théorie de la résignation apprise ; lorsqu'un athlète échoue et devient contre performant, devant une situation dans laquelle il ne perçoit aucun moyen d'atteindre le but, il fait l'apprentissage de l'inutilité de ses efforts et peut devenir par conséquence, résigné. Cette résignation apprise devient une perception d'un rapport d'indépendance entre le comportement exécuté et le résultat. Le « contre » devient une manifestation de résignation acquise et généralisée. Cependant, ce modèle explicatif, a fait l'objet à la fois de très peu d'études dans le domaine des activités physiques et sportives, mais surtout de plusieurs critiques qui ont commencé à se multiplier parallèlement à l'avancée des recherches. Certains chercheurs et théoriciens, ont dénoncé le manque de validité interne de certaines expériences, en apportant d'autres explications à la contre performance constatées dans celles-ci. La validité même de cette théorie a été remise en cause. Selon certains, le modèle ne permet pas d'expliquer l'ensemble des réactions que les sportifs démontrent face aux événements incontrôlables (voir les travaux faits par, Miller & Norman, 1979 ; Roth, 1980 ; Wortman & Brehm, 1975) : certains manifestent des déficits et des contre performances présumés à travers le temps et les situations, tandis que d'autres ne manifestent pas ces déficits. Ce modèle semble constituer une simplification excessive de la contre performance (Krumm., Sarrazin, 2004).

L'observation psychologique clinique de la contre performance apporte, par contre, un autre éclairage sur la question. C'est en tout cas ce que montrent les données recueillies lors des consultations du centre de psychologie sportive de Montpellier sur des athlètes et des sportifs du CREPS. On peut citer les travaux de Moragues (2004) et les études de cas qu'il a pu développer dans son travail intitulé « psychologie de la performance », à travers lequel la contre-performance n'est pas une simple insuffisance de résultat, due à une simple absence de motivation ou à une augmentation du stress. Elle témoigne d'une présence du sujet, et que parfois même, elle peut être, paradoxalement, un indicateur de bonne santé psychique dès lors que l'on cesse de concevoir la santé comme un équilibre sans conflit, mais plutôt comme une dynamique de remaniements, où les indispensables conflits et crises sont facteurs d'évolutions et de possibles transformations.

En effet ce qui pourrait paralyser une performance, et donner une « contre » performance, est la vision de la compétition où domine justement une certaine représentation imaginaire et où existe un écart entre le « vouloir » de la volonté consciente et un autre « vouloir » qui s y oppose. Le moi « veut », « désire », mais aussi « ne veut pas » ne « désire pas » de même que le corps « peut »ou « ne peut pas » ou parfois tend à désobéir et « ne veut pas ». Cette « contre » pourrait ainsi emprunter le fonctionnement d'un symptôme et être analysé comme tél (Lollini et al, 2007)

L'éclairage psychanalytique, nous montre combien cette action de « contre » performance atteste de la présence du sujet de l'inconscient et combien celui-ci est à l'oeuvre dans ce genre de manifestations corporelles. Ce « contre » ne traduit pas uniquement une manifestation motrice ou corporelle inadaptée, mais également se structure comme « un langage », ou sa forme et sa construction sont signifiantes du désir de l'être sportif. Il s'agit de la manière si particulière du corps moteur à traduire le corps pulsionnel et où la marque de la compétition, du « jeu » mais surtout du « je » porte sur des lois du langage qui caractérise selon le modèle freudien, le fonctionnement psychique (Moragues, 2004).

Vu que notre travail porte sur des athlètes à handicap physique, le handicap à lui seul ne suffit pas pour justifier la contre performance. Certainement un athlète valide diffère d'un athlète handicapé au niveau des remaniements psychiques et de la perception latente de la symbolique de la contre performance. Ce symptôme observé chez ces deux acteurs n'évolue pas forcément de la même manière, mais ce qui nous intéresse pour le moment, c'est de le décortiquer auprès de cette population si particulière et signaler l'importance de son intégration dans les recherches cliniques, surtout que peu de travaux ont traité la contre performance et le corps pulsionnel des athlètes handicapés, en estimant que le sport pour handicapé est un sport de loisir et non de haut niveau. L'évolution de cette pratique démontre le contraire. Pourquoi se soucier seulement d'optimiser la performance des sportifs valides et chercher à tout prix de comprendre la nature de leur contre performance alors que les athlètes handicapés de haut niveau ne cessent de montrer leurs capacités et leurs talents dans les diverses pratiques sportives ?

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand