2.2 COMPTE RENDU
Le protocole de Firass est assez riche. Le sujet a
manifesté un engagement très vivant tout au long de la passation.
Le TAT se lit facilement, mais la mobilisation du sujet est assez
intéressante. Malgré les entrées immédiates dans le
discours, l'agilité langagière, la totale
coopérativité, et surtout l'excès de motivation et d
engagement, le récit a été placé sous le signe de
la restriction et de l'évitement. Si bien que l'impression globale
donnée d'un matériel personnel et offert est aussitôt
soustrait entravant une meilleure lisibilité sous jacente du protocole.
Face à l'émergence de la conflictualité,
les procédés (A) et (B) ne suffisent plus et sont
contre-investis par des procédés d'évitement (C).
L'ensemble du protocole reste marqué par une prédominance des
procédés rigides et labiles mais le contraste est frappant au
niveau des procèdes de labilité et la masse des
éléments d'inhibition et d évitement du conflit. Le
meilleure registre est assuré par la manière dont un certains
nombre de procédés de la série (A) sont
présentés de façon répétitive signalant un
besoin impératif de maîtriser le pulsionnel et contenir
l'excitation. Ces procédés sont reliés par d'autres
procédés de la série (C) ; le plus souvent, les
nombreux personnages introduits, particulièrement dans à travers
une érotisation des relations, sont aussitôt anonymes (CP) se
perdant parfois dans une pensée opératoire (CF) et ont pour but
de stopper toute manifestation dynamique et rendre l'activité psychique
moins conflictuel. Nous notons également l'importance accordée
aux procédés (CM), glissant le versant interpersonnel sur une
polarité de perte et d'étayage. L'importance du
procédé (CC) est frappante (clin d'oeil, demande, critiques...)
tentant ainsi d'entrer en dialogue avec le clinicien dans une recherche
d'étayage et de séduction transférentielle. Les
procédés de la série (B), de labilité sont assez
riches, malgré le contraste qu'ils présentent avec les deux
registres déjà cités. L'utilisation des exclamations et
des commentaires est massive tout comme les précautions verbales,
donnant l'impression d'être souvent au service de la mise en
évidence narcissique.
La problématique oedipienne
s'élabore mais sans dégagement possible.
Les mécanismes rigides et labiles sont majoritairement
utilisés (de type obsessionnel et hystérique) associés
à des émergences ponctuelles en processus primaires (E3)
témoignant de l'acuité du conflit et de la force des
défenses mobilisées. L'angoisse de castration est forte, avec des
difficultés dans la gestion de l'ambivalence pulsionnelle. L'expression
des désirs entraîne en retour des défenses coûteuses.
Le surmoi peut apparaître sadique. Les difficultés à
renoncer à la satisfaction de l'objet et un conflit dans les
identifications sexuées sont présentes. La
problématique dépressive s'élabore mais sans
dégagement possible. La perte de l'objet
s'inscrit dans un registre objectal en lien avec la difficulté à
renoncer à l'amour des premiers objets, ce qui peut conduire à de
sentiments de culpabilité ou d'impuissance, des mouvements
d'idéalisation des images parentales, un retournement de
l'agressivité contre soi et autrui, etc. La problématique
identitaire est marquée par des défaillances narcissiques
nécessitant un surinvestissement de la
représentation de soi et/ou un surinvestissement des limites visant
à maintenir une bonne différenciation entre le sujet et l'objet.
L'angoisse (d'intrusion par l'objet ou d'effondrement) est colmatée par
un recours massif aux procédés narcissiques
CONCLUSION :
Malgré la diversité de procédés
utilisés et de la dynamique psychologique mise en place, les deux
protocoles tournent autour du même
pôle, «l'Amour ».
Qu'il s'agit du refoulement de cette pulsion trop excitante ou
son affirmation excessive, les deux sujets expriment manifestement une
problématique d'angoisse de perte de l'objet avec une défaillance
narcissique. Ceci converge exactement avec ce que nous venions d'avancer en ce
qui concerne la motivation de première génération
appelé à son tour « Amour de performance ».
En analysant de plus près les discours élaborés lors des
entretiens, nous constatons que pour les deux athlètes, il est
impératif de ne pas perdre. Perdre excède la simple perte d'un
match, c'est risqué de décevoir entraîneurs et supporters
(substituts parentaux) et ne pas être conforme à leurs
désirs. Leur propre satisfaction narcissique serait
inévitablement relié à celles de leurs substituts
parentaux particulièrement l'entraineur. Se faire ainsi l'objet- ou le
signifiant- du désir du substitut parental (l'entraîneur, public)
et se satisfaire, uniquement à être reconnu, pour sa valeur de
conformité aux attentes de son comportement, les engagerait
fantasmatiquement, dans une voie génératrice d'angoisse. La
situation au plan sportif, représente alors le support du conflit
interne qui se joue autour de la structuration psychique et narcissique et au
plan relationnel avec les parents et/ou les substituts parentaux. Pour les deux
athlétes la demande d'appui et d'amour est tellement vitale, qu'elle les
font exister et leur inculque, un fond de confiance et une assurance de toute
puissance.
Il est essentiel de préciser ici, comment la position
de l'entraîneur, engendre des modalités relationnelles
spécifiques. L'impossibilité de jouer « sans
capitanat », sans la présence d'un Autre étayant,
montre comment « la situation sur le terrain sportif vient
télescoper le réel de la problématique
inconsciente » des joueurs, posant métaphoriquement des
enjeux de leurs propres maturations psychiques. Ici la relation à
l'entraîneur comme substitut parental est idéalisé,
exprimé par un besoin d'étayage. En reprenant le concept de
WINNICOTT, cet appel affectif inclus ainsi une demande régressive de
dépendance et requiert une qualité d'attention
particulière. (Najah, 2007). C'est pour cela que nous évoquions
à nouveau, le terme « d'amour de performance »
émergeant dans ce que Freud (1912) nomme « le courant
tendre » désignant la tendresse exprimée par les soins
parentaux et dont il en souligne la dimension auto-érotique et celle de
la toute puissance qui peuvent s'engendrer de l'auto-satisfaction. Ce courant
correspond au « choix d'objet infantile primaire et il se dirige
sur les personnes de la famille et celles qui donnent les soins à
l'enfant » (Freud, 1916, p 56). Ici il s'agit d'une demande
d'amour, ce que, l'enfant- l'athlète, aime c'est d'être
aimé.
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