CHAPITRE III : ANALYSE QUALITATIVE : ETUDES
DE CAS / ANALYSE ET INTERPRETATION DU TAT :
Il s'agit d'une analyse thématique du récit, et
d'une analyse qualitative du TAT. Le thème principal est celui de la
motivation et des raisons pouvant pousser l'athlète à pratiquer
du haut niveau, formant ainsi les axes centraux de nos entretiens. Nous avons
choisi de présenter les quarte expériences cliniques, en essayant
d'illustrer cette fixation ou régression au niveau d'une modalité
particulière de motivation inconsciente, quête d'amour
effréné et angoisse de « perte », perdre
l'amour de « l'autre ».
1. MOUFIDA (22 ans)
Jeune femme que nous nommerons, Moufida, 22 ans est issue
d'une famille socio-économiquement moyenne. Père ouvrier et
mère au foyer, elle est la quatrième d'une fratrie de 5. Elle a
arrêté l'école à l'âge de dix ans et a
intégré l'équipe nationale depuis 4 ans. Elle a eu des
médailles dans plusieurs compétitions nationales et
internationales. Depuis un an et demi, le staff technique, ses
résultats sportifs et elle-même, affirment une nette baisse dans
sa performance particulièrement au moment des compétitions. En
voici ci-dessous la courbe représentative de sa tendance motivationnelle
à l'échelle EMS 28.
Echelle de motivation
Peu bavarde et d'apparence timide, dès que nous avons
lancé le sujet de la performance et des compétitions, elle a
exposé, de manière hésitée, son problème qui
serait relié à l'idée de perdre
« devant l'équipe... non pas l'équipe, les
gens... non je n'ai pas peur... non...mais je ne veux pas perdre... c'est
tout ». Cette attitude psychologique à refuser
en niant une telle pensée, par elle-même énoncée,
témoignerait de l'importance du mécanisme de négation dont
elle avait souvent recours. Opposition entre cette affirmation puis sa
négation ou l'inverse, traduirait une modalité symptomatique d'un
climat mental contradictoire, divisant Moufida en deux tendances
« ennemies » ; émotionnelle sans réserve
et rationnelle submergée par la précédente. Moufida via
son discours aurait tendance à présenter son être sur le
mode de n'être pas. La dénégation dans ce cas, de cette
peur de perdre, ne serait qu'un moyen parmi d'autres de prendre connaissance de
son refoulé, une méthode d'admission intellectuelle suivie d'une
non admission émotionnelle. Ceci dit son Moi serait en
méconnaissance dans la connaissance. Répugnant expressivement de
ce qu'elle vient de dire elle a ajouté qu'il y a
« un an à peu prés j'étais une
championne, des médailles, je jouais bien, merci dieu, mais depuis j'ai
stoppé, depuis qu'on m'a changé de coach, Houssem n'est pas
pareil il est sympa mais me stresse parfois ».
Peur, négation, passant de suite au
« mais », que nous qualifierons de castrateur, puis
à la non acceptation de la perte, et aboutir à la pression,
Moufida finit son discours difficilement en y ajoutant
« mais merci dieu, il m'aime ici et me soutiennent,
même si... tout le monde prend bien soin de
moi ». Fût ainsi sa position finale
jusqu'à la fin de la séance (à répéter
sans cesse que le staff et l'entraineur sont là pour elle).
Au cours des entretiens, Moufida a été
verbalement inhibée, s'exprimant que par un oui ou par un non et
répondait courtement aux questions, ce fût les mêmes
attitudes lors de la passation du TAT.
Nous avons également constaté qu'elle avait
tendance à se plaindre auprès de son entraineur et de son
kinésithérapeute de douleurs physiques au niveau des jambes,
d'affaiblissement moteur, de maux de tête, de douleurs abdominales, et de
grippe. Les bilans médicaux répondaient par la négation
de toutes douleurs ou de toutes blessures. L'important dans tout cela c'est que
ces plaintes apparaissaient souvent au moment où les dates des
compétitions commençaient à se planifier. Se blesser, ou
tomber malade avant une semaine de la compétition serait comme un
« rituel » qu'elle mettrait en place, exploitant,
inconsciemment la maladie, et surtout l'exagérant (incapacité
même de se tenir debout), pour des fins d'évitement et de
régression, lui permettant à leur tour d'échapper de cette
responsabilité de perte, et contourner ainsi sa culpabilité
Le dernier entretien fut révélateur, très
angoissée elle s'est enfermée dans un silence lourd, et puis elle
a rétorqué «j'ai peur de perdre et la
compétition c'est dans un mois.... Il faut que je fasse bien pour lui et
pour les autres il faut que je sois à la hauteur et quand je pense
à ça je joue mal ». Ce besoin excessive
de l'Autre, qui servent de collègues, d'entraineur et même de
public, qu'elle cherche à satisfaire est teinté d'ambivalence au
niveau de son désir avec une amplification du caractère
sexué des relations. Voulant savoir ce « lui »
désignait qui en particulier (même si nous avions notre
idée), nous lui avons posé la question. Dès lors, elle a
ajouté de manière agressive « y a rien
entre lui et moi ». À ce que nous remarquions,
Moufida serait totalement déchirée entre le « bien
faire », but premier de la pulsion de plaisir et de la recherche
d'amour, qui se transformerait inconsciemment en son contraire, en le
« mal faire », déplaire, et donc établir la
séparation et perdre les autres. Ce rapport si particulier qu'elle
entretient avec son entraineur l' « Autre »
(substitut parental) avec déni du désir amoureux, et les
« autres » personnes est teinté d'une certaine
angoisse dont elle cherche désespérément à
combattre via ce renversement dans le contraire.
Afin d'étayer nos observations et nos données
cliniques, nous exposons ci -joint les données relevés au TAT.
1.1. ANALYSE DU TAT
Lisibilité : faible
L'élaboration de l'histoire peut s'amorcer mais la
faiblesse des procédés rigides/labiles conduit à une
utilisation prépondérante des procédés
d'évitement (, C3, C4) qui ne permettent pas un travail effectif
d'élaboration en liant les représentations aux affects de
façon souple et modulée en rapport avec les sollicitations
latentes du matériel. Les histoires sont brièvement construites.
Il n'y a pas de lien entre les représentations et les affects. La
résonance fantasmatique est difficilement saisie. Il n'existe pas de
prime de plaisir à investir le fonctionnement psychique.
Planche 1
1- ÔäíÉ åÏå
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Procédés : demande faite
au clinicien suivi par la nécessité de se poser des questions
(C/CP5), puis un long silence (CP1). Une instabilité dans les
identifications (B2-11), suivi d'un accrochage au contenu manifeste (CF1), un
autre silence (CP1) avec un refus de continuer (CP5)
Problématiques : Le recours aux
mécanismes d'évitement et d'inhibition entrainent une
altération de la lisibilité. Il existe une absence totale de
prise en compte des sollicitations latentes, par l'abrasion pulsionnelle, et le
recours plaqué à la réalité externe, soit par des
désorganisations (altération de la perception et confusions dans
les identités ou encore altérations. Les critères
relatifs au caractère structurant de l'OEdipe ne sont pas
retrouvés. La problématique de l'angoisse de castration est trop
excitante et aurait même un aspect désorganisateur.
Planche 2
2- åÏå ãÑÇ æ
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Procédés : Accrochage au
contenu manifeste (CF1), puis un silence (CP1), une tendance au refus (CP5), un
autre silence (CP1) suivis d'une description avec attachement aux
détails (livres à la main) avec une valorisation de l'image de la
fille (CN10) et une isolation des personnages (A2-15). Un silence (CP1) avec
une autre tendance au refus (CP5) suivis d'un accrochage au contenu manifeste
et une demande faite au clinicien (CF1/C), puis un autre silence (CP1) pour
terminer son discours par une description de la femme, dans un rapport
interpersonnelles avec la fille et un refus de continuer l'histoire à la
fin (A2-1/ B2-3/CP5)
Problématiques : Il existe une
problématique narcissique ou dépressive profonde à
vérifier via les entretiens. La planche aurait ravivé
d'autres registres de problématiques que le sujet cherche à
inhiber à tout prix. L'élaboration du conflit oedipien
s'avère difficile (une fragilité au niveau du remaniement
pulsionnel avec une précarité des investissements
libidinaux).
Planche 3
Procédés : Entrée
immédiate (B2-1) avec une description avec attachement aux
détails, portant sur un conflit intrapsychique et une demande faite au
clinicien (A2-1/A2-17/C), suivi d'une tendance au refus (CP5), un silence(CP1)
et une critique du matériel (CC3). Un silence (CP1), rumination du
conflit intrapsychique avec refus de continuer ensuite (A2-8 /A2-17/CP5),
puis un autre silence (CP1) suivi d'une introduction de personnages tierces non
figurant sur l'image (B1-2). Elle finit son discours par une exclamation, une
références personnelle avec une demande au clinicien (B2-8/C).
Problématiques : les affectes
dépressifs sont reconnus et la dépression dans ce cas est
reliée. La perte de l'objet n'est pas directement
évoquée elle est évitée. Seule la
représentation de l'affect dans cette planche est importante et
s'inscrit dans un registre d'atteinte narcissique et de conflit avec le
partenaire ou les objets parentaux. Les procédés pour lutter
contre l'angoisse éprouvée (demande de détresse au
psychologue, abandon du récit) renvoient essentiellement aux
procédés d'inhibition narcissiques.
Planche 4
4- åÏÇ íÈßí æ
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Procédés : En
évoquant anonymement les personnages (CP3), le sujet décrit
l'histoire en s-y-attachant aux détails (A2-1) portés sur les
relations interpersonnelles (B2-3). Un silence, une tendance au refus
(CP1/CP5), puis un autre silence et une autre tendance au refus (CP1/CP5), une
rumination sous forme de demande adressée au clinicien (A2-8 /C), suivi
d'une tendance au refus et un silence (CP1/CP5), une rumination (A2-8), un
silence (CP1). A la fin le sujet évoque un conflit intrapsychique avec
arrêt du discours(A2-17/CP5)
Problématiques : Le
conflit pulsionnel (agressivité) au sein d'une relation
hétérosexuelle est présent. Cependant l'élaboration
de la configuration défensive est importante (via le mécanisme
d'évitement).
Planche 5
3- åÏÇ ãÊÛÔÔ
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Procédés : Tendance
directe au refus avec agitation motrice (CP5/CC1), puis un silence (CP1),
suivis d'une description avec attachement aux détails (A2-1). Le sujet
s'adresse au clinicien (C) puis raconte l'histoire en s'accrochant au contenu
manifeste (CF1), silence (CP1), puis annulation (A2-9)
Problématiques : Les
modalités défensives d'inhibitions, du retour au factuel et au
comportement, portent sur la pulsion voyeuriste par rapport à une
scène primitive dont les protagonistes ne sont pas
évoqués. Le sujet parait anxieux et essai rapidement de refouler
cela via le recours plaqué à la réalité
externe.
Planche 6GF
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Procédés : tendance au
refus suivi d'un long silence (CP5/CP1), puis description avec attachement aux
détails (A2-1) et instabilité dans les identifications (B2-11)
suivis d'une annulation (A2-9) et d'une précaution verbale (A2-3) avec
rumination (A2-8). Elle parle brièvement du rapport interpersonnel entre
les deux personnages et ne tarde pas à affirmer une tendance au refus
(B2-3/ CP5)
Problématiques :
l'intégration de l'identification féminine au sein d'une
relation de désir est confrontée à une instabilité.
Le fantasme de séduction est manifesté sous un mode de
voyeurisme (répète le mot regardé plusieurs fois).
L'importance « du regard » de l'autre pourrait ainsi
être un élément important dans notre analyse.
Planche 7GF
10- í ÍãáÊåÇ
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Procédés : Entrée
directe dans l'expression, avec description avec attachement aux détails
(B2-1/ A2-1), avec une problématique au niveau des identifications
(B2-11),avec tendance de refus (CP1) puis se remet à décrire la
situation tout en s y attachant aux détails (A2-1), silence (CP1), puis
hésitations entre interprétations (A2-6) pour présenter
ensuite les rapport interpersonnels sous le versant du regard (B2-3)
Problématiques : le sujet
se focalise principalement sur « le poupon », qui pourrait
se traduire comme le représentant du bébé oedipien que la
mère « regarde ».
Planche 9GF
9- ãÇ
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Procédés : après un
long silence (CP1), le sujet décrit la situation avec attachement aux
détails, tournant autour d'une histoire proche du thème banale
(A2-1/A1-2) portant sur les relations interpersonnelles (B2-3). Un autre
silence(CP1), puis une instabilité au niveau de l'identification du
genre du personnage (B2-11), suivi d'une précaution verbale (A2-3) et
critique du matériel (CC 3), d'un autre silence (CP1) ensuite d'une
dramatisation dans une perspective de fuite (B2-13)
Problématiques : l'identification
féminine est mise à l'épreuve suite à son
instabilité, l'histoire élaborée par le sujet, renvoie
à une identité floue et fragile. Les personnages mal
différenciés sont pris dans un système d'identification
narcissique avec un évitement du conflit. Avec une
préférence inconsciente du personnage
« homme » que « femme », qui lui court
après (lui faire la court », rapidement elle inhibe ce
désir par un retour au contenu manifeste.
Planche 10
5- ÞáÈÊ
ÇáÊÕæíÑÉ ...
ãÇ åãÊåÇÔ
åÏå ÔäíÉ ... ãÇ
åãÊÔ åÏæãÇ ...
åÏÇ åÇåæ
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åãÊåÇÔ åÏå
ÔäíÉ ãÇ
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Procédés : Le sujet
s'agite(CC1), reste silencieux un moment(CP), puis affirme une tendance au
refus (CP5), un autre silence (CP1) une autre tendance au refus suivi d'un
craqué verbal (CP5/ E17), puis une description avec attachement aux
détails (A2-1), suivis d'un long silence (CP1) avec une tendance au
refus (C·P5).
Problématiques : deux
éléments important se présentent : le sujet a
évité d'identifier le sexe du deuxième partenaire, et il
n y a pas de reconnaissance de liens ni sexuel ni de tendresse : les
défenses sont d'inhibition et d'évitement sont importantes, afin
de lutter contre cette représentation. L'inexistence de liaison
entre tendresse et sexualité souligne la non élaboration et le
non déclin du conflit oedipien.
Planche 13MF
6- ... ãÑÇ
ÑÇÞÏÉ æ ÑÇÌ
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ÇßÇåæ... åÏÇ ÇÔ
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Procédés : Un long silence
(CP1), puis une description avec attachement aux détails tournant autour
du rapport interpersonnel (A2-1/B2-3) avec une tendance au refus (CP5) puis un
autre silence (CP1), suivis d'une rumination (A2-8), puis refus, silence et
refus (CP5/CP1/CP5)
Problématiques : Les
inhibitions sont fortes, l'expression à l'agressivité et à
la sexualité dans le couple sont évitées et
inhibées. L'oscillation entre désir, défenses et
libération pulsionnelle en termes d'interdits et de culpabilité
est inexistante.
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