4. De l'Amour de la performance au Désir de
compétition:
L'Amour n'est pas un pouvoir à exercer. C'est une
relation complexe qui implique la contribution réciproque d'être
suffisamment libre. Le don d'Amour suppose dans ce sens, la présence
d'un autre pour recevoir, pour prendre ou refuser ce qui est à son sens
bon ou mauvais. L'enfant se sent aimé quand sa contribution au monde est
approuvée et appréciée. Quand cet Amour ne se
réduit qu'à la satisfaction de l'autre, à la sauvegarde de
l'autre, le sujet devient un être aliéné, plus
particulièrement, lorsque ses gestes d'autonomie deviennent
découragés. Ses dons d'Amour se réduisent alors
qu'à ceux approuvés par l'autre, le laissant régner de
façon totalitaire (Portnoy, 1994).
Pour un handicapé accidentel, la demande d'appui et
d'amour est tellement vitale, qu'elle le fait exister et lui inculque, un fond
de confiance et une assurance de toute puissance. Il rencontre des
difficultés dans son expérience singulière qu'est la
construction de son moi et se trouve face à des altérations dans
les premiers processus d'identification primaire (en lien avec les parents). La
première conséquence du traumatisme corporel qu'endure un
invalide moteur est une désorganisation topique du psychisme et un
"éclatement" de la structure du Moi. Il se retrouve
parachuté dans des conditions proches de celles du nouveau né :
dépendance du milieu. La première demande du sujet sera donc de
"trouver-créer" un Moi auxiliaire qui prendra place de mère et de
pare-exitation : La mère réelle, la conjointe,
l'infirmière, l'institution, et entre autre l'entraineur... Il s'agit
d'une expérience de régression brutale qui lui offre des
conditions favorables à l'expression de la vie inconsciente,
réveillant ainsi les angoisses infantiles de ses premières
expériences de désunion, de séparation d'avec le corps de
sa mère, de perte du "bon" sein, de castration ou d'abandon de la
situation dyade mère-enfant. Ces premiers vécus sont en mesure
d'influencer le déroulement du processus de retour à l'autonomie,
en fonction des angoisses dont ils sont chargés et en fonction du cadre
humain de leur retour. Avec un tel narcissisme blessé, la
dépendance psychique et amoureuse au regard de l'autre se double
(Simone, 1989).
Ce rapport complexe qu'entretient l'Amour, peut se manifester
au plan sportif et faire émerger, certaines dimensions de la
problématique inconsciente des sportifs. La performance en tant que bon
résultat, a été jusqu'à l'adolescence, le moyen
fondamental pour la satisfaction des désirs parentaux ou des
désirs des substituts parentaux. Il est impératif de ne pas
perdre. Perdre excède la simple perte d'un match. Moragues (2004),
indique que c'est aussi risqué de décevoir parents,
entraîneurs supporters et surtout ne pas être conforme à
leurs désirs. La performance « était aimée
par l'enfant pour la garantie d'amour parental qu'elle lui procurait en retour
» (p. 83). La cause de la motivation pour la performance
n'est autre que l'amour parental et sa sauvegarde. Ainsi, échouer en
compétition, signifierait perdre pour le sportif ce que jusque là
« constituait le principal soutien au plan narcissique : un
idéal de moi issu de la toute puissance primaire et de l'idéal du
moi parental » (p. 83). .
Et c'est pour cela que nous évoquons à nouveau,
le terme « d'amour de performance » émergeant dans
ce que Freud (1912) nomme « le courant tendre »
désignant la tendresse exprimée par les soins parentaux et dont
il en souligne la dimension auto-érotique et celle de la toute puissance
qui peuvent s'engendrer de l'auto-satisfaction. Ce courant correspond au
« choix d'objet infantile primaire et il se dirige sur les
personnes de la famille et celles qui donnent les soins à
l'enfant » (p. 56). . Ici il s'agit d'une demande
d'amour, ce que l'enfant aime c'est d'être aimé.
La situation au plan sportif, représente alors le
support du conflit interne qui se joue autour de la structuration psychique et
narcissique et au plan relationnel avec les parents et/ou les substituts
parentaux (Najah, 2007).
Au moment où, le sujet détient une certaine
maturité psychique, prend pour lui-même le risque de
l'échec, et dans son rapport à l'Autre le risque de le
décevoir, on parle du désir de compétition. La performance
marquée du manque et de l'échec possible, devient
désirée. La cause principale de la motivation pour la performance
n'est plus la sauvegarde de l'amour parental mais le désir
lui-même de la compétition, où l'athlète s'inscrit
pour son propre compte dans un échange symbolisé de la
compétition. En acceptant de perdre et surtout en l'assumant, la
performance ne devient plus l'objet imaginaire auquel l'athlète tend
à s'identifier, elle devient un « signifiant », et
ne tire son sens que de sa relation avec les autres performances, et de sa mise
en place dans l'ordre symbolique de la compétition, un ordre auquel tout
compétiteur s'ajuste. C'est au prix de l'acceptation de la perte, qu'un
nouvel idéal du moi se structure. Les modèles parentaux
deviennent à ce moment des références dont il est possible
de refuser ou d'accepter. Il s'agit d'un renoncement de fonctionner dans un
rapport exclusif de dépendance affective à l'égard du
parent ou du substitut parental et pouvoir ainsi exister en dehors de l'amour
d'amour ; renoncer à tout ce que le situation oedipienne peut
réactiver et accepter la perte de l'amour de l'Autre (Moragues,
2004).
Nous allons mettre en place une investigation clinique,
basée sur une analyse des entretiens et la passation du TAT, afin de
pouvoir déterminer ces deux types de motivations (amour de performance
et désir de compétition). Ceci dit afin de consolider notre
recherche par une analyse quantitative il nous faudra trouver un outil de
mesure fiable, valide mais surtout qui coïncide avec l'apport
théorique choisit. Nous évoquons alors l'EMS (échelle de
motivation dans le sport) de Vallerand et al (1993). .
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