78 Voir la loi constitutionnelle
n°92-22 du 30 1992, JO n°5469 du 01 juin
1992
79 Voir les lois constitutionnelle
n°99-02 du 29 janvier 1999, JO n°5842 du 30
juin 1999 et organique n°99-70 du 17 février 1999, JO,
n°5845 du 20/2/1999
La chambre administrative et des collectivités locales
est une chambre permanente de la Cour des comptes. Elle est chargée du
jugement des comptes des comptables locaux et de l'appréciation de la
gestion des ordonnateurs
A / le controle juridictionnel des comptes
C'est la fonction originelle du juge des
comptes80. Pour les collectivités territoriales, elle est
assurée par la chambre administrative et des collectivités
locales. Celle-ci juge les comptes des receveurs locaux ainsi que les comptes
des personnes qu'elle a déclarés comptables de fait81.
Néanmoins, les comptes des collectivités locales dont la
population n'excède pas 15.000 habitants et dont les recettes ordinaires
des trois dernières années n'excèdent pas 150.000.000 font
l'objet d'un apurement administratif opéré par les
trésoriers payeurs régionaux, ~ l'exception de leurs propres
comptes. Parmi les comptes soumis au régime de l'apurement
administratif, certains sont assortis d'observations du comptable
supérieur pouvant entrainer la mise en débet du receveur local
avant d'être transmis au juge des comptes. D'autres, par contre, ne sont
pas assorties d'observations. Pour celles-ci, les arretés des
trésoriers payeurs régionaux emportent décharge
définitive du comptable local. Au demeurant, la chambre administrative
et des collectivités locales peut exercer vis-a-vis de ces
arretés son droit d'évocation et de réformation dans un
délai de six mois a compter de la date de leur notification au
comptable. Ce délai peut etre prorogé par le juge des comptes une
fois sans excéder six mois.
Pour le compte soumis directement au régime de
l'apurement juridictionnel, il est mis en état d'examen par le comptable
supérieur avant d'être transmis au juge des comptes82.
Notons que le comptable supérieur n'exerce pas un contrOle de fond, il
se borne a vérifier la régularité formelle du compte. Ce
dernier est examiné au fond par le juge des comptes.
80 M BOUVIER, M.C. ESCLASSAN, J.P. LASSALE, finances publiques,
L.I.D.J, 6ème éd, p 425
81 Article 26 du décret
n°99-499 fixant les modalités d'application de la loi
organique sur la cour des comptes, JO n°5885, p1884 : les
représentants légaux des collectivités sont tenus de
communiquer a la cour des comptes les gestions de fait découvertes dans
leurs services ou organismes. Cette obligation incombe également aux
représentant de l' Etat au sein de ces dites collectivités
82 Le comptable supérieur vérifie si
le compte est présenté conformément a la
réglementation et accompagné des pièces
générales requises, notamment le compte administratif, voir dans
ce sens l'article 34 al 3 de la loi organique sur la cour des comptes
L'examen du compte se fait selon une procédure
écrite83, inquisitoriale84 et contradictoire
conformément aux articles 30 et 31 de la loi organique sur la Cour des
comptes.
Les enquetes sont menées sur place et sur
pièces par les magistrats et rapporteurs avec de larges pouvoirs
d'investigation : droit d'accès permanent dans tous les bureaux, locaux
ou dépendances de la collectivité locale contrOlée, droit
de se faire communiquer tous les documents, de quelque nature que soit,
relatifs a la gestion de la collectivité locale concernée. A cet
effet, tout refus injustifié soit de communiquer les renseignements ou
documents demandés ou de laisser visiter les locaux soit de
répondre a une convocation est passible d'une amende allant de 100.000 a
1.000.000 de Francs. Quanta la destruction de preuve ou pièces
justificatives, elle est passible de poursuites pénales.
En outre, le comptable doit donner son avis durant
l'instruction et avant le jugement définitif compte tenu du
caractère contradictoire de la procédure. Dans sa phase
d'investigation, cette dernière doit se dérouler dans le secret
dont l'assurance s'impose a la Cour des comptes
A la suite des investigations, la chambre statue sur les
comptes des comptables locaux. Le Président de chambre répartit
les dossiers des comptes entres les magistrats. D'autres rapporteurs peuvent
etre désignés en concertation avec les Présidents des
chambres et de la commission de vérification des comptes et de contrOle
des entreprises. Cette commission peut etre chargée par le
Président de la Cour des comptes de vérifier sur place et sur
pièce du bon emploi des crédits, fonds et valeurs. Les
rapporteurs désignés procèdent a la vérification
des comptes se rapportant aux pièces de recettes et dépenses et
aux justifications qui y sont annexées. Ils présentent leur
rapport a la chambre qui rend un arr.t provisoire notifié au comptable
avec les observations et injonctions éventuelles de la Cour. Celui-ci
dispose d'un délai d'un mois pour fournir ses justifications. En cas de
retard injustifié, il est passible d'une amende de 100.000
francs85 au maximum par injonction et par mois de retard
fixée par l'arr.t définitif rendu a la fin de l'instruction.
Cet arr.t peut se présenter sous des formes diverses
selon que le compte est régulier ou non
83 André PAYSANT, finances publiques,
Armand Colin, 5ème éd, nov. 1999, p 354 : le compte est
écrit, de meme que les pièces justificatives, le rapport du
rapporteur les conclusions du procureur général et les arrets
eux-memes. Les séances ne sont pas publiques. Toutes ces raisons
justifient le caractère écrit de la procédure
84 Ibid, p 353, le jugement du compte s'impose a la
cour et n'est pas lié a la demande d'une partie. D'ou le rOle
prépondérant et presque exclusif du juge financier dans la
conduite de l'instance.
85 Le recouvrement de cette amende est du ressort
du receveur général du trésor qui est destinataire des
extraits d'arrets provisoires. Il peut recourir a tous les moyens de droit,
notamment le précompte sur le traitement, le salaire ou les
indemnités percues par le comptable local
Dans le premier cas, si le comptable demeure en fonction, le
juge rend un arret de décharge et un arret de quitus si le comptable
sort de fonction donnant main levée de toutes les saretés et
garanties grevant les biens personnels du comptable local au profit du
Trésor public.
Dans le second cas, a savoir lorsque les écritures du
comptable ne font pas état de tous les deniers qu'il a revues ou aurait
du recevoir, ou s'il a payé a tord certaines dépenses, le juge
rend un arret de débet. Suite a cet arret, le Ministre des Finances met
en jeu la responsabilité du comptable et le cas échéant,
les garanties correspondantes. Notons, toutefois, que des faits
extérieurs au compte ou a la situation personnelle du comptable peuvent
justifier une décharge de responsabilité ou un remise gracieuse
de débet
L'arret définitif de la chambre, statuant sur le
compte d'un receveur local, peut etre révisé par la Cour en cas
de demande du comptable ou de ses héritiers, lorsque ceux-ci produisent
des pièces justificatives retrouvées depuis le prononcé
dudit arret.
La Cour peut également procéder a une
révision d'un arret pour cause d'erreur, d'omission, faux ou double
emploi reconnu par la vérification d'autres comptes de sa propre
initiative ou sur demande du Ministre des Finances ainsi que des
représentants des collectivités locales. L'arret peut
également, sur initiative du Ministre des Finances ou du
représentant de la collectivité locale concernée, etre
soumis a cassation devant la Cour supreme pour cause d'incompétence, de
vice de forme ou de violation de la loi. Le pourvoi doit etre formé dans
le mois de notification de l'arret.
Dans la pratique la chambre administrative et des
collectivités locales est confrontée ~ certaines contraintes
préjudiciables a l'exercice de son contrOle. Ces conditions sont
essentiellement relatives a l'état de reddition des comptes des
collectivités locales. Elles concernent également
l'ineffectivité de l'apurement administratif de certains comptes,
prévus par le Code des collectivités locales.
La reddition des comptes se fait dans un environnement peu
favorable. En effet, bon nombre de comptables locaux ne rendent pas compte de
leur gestion devant la chambre administrative et des collectivités
locales. C'est en tout cas ce que révèlent les rapports de la
Cour des comptes sur la période allant de 1997 a 2006. Jusqu'en 2006 la
chambre n'a pas recu les comptes de 164 collectivités locales
réparties entre 5 régions et un département du
Sénégal.86. 1l s'agit pour les régions de
Thiès, Saint louis, Ziguinchor, Tambacounda ; pour les
86 Voir le rapport de la cour des comptes 2006, p 27
et s, voir également les rapports de la meme juridiction pour les
années 2005,2004, 2003, 2002, 2001, 2002
communes Marsassoum, Kébémer et les
communautés rurales de son département, Sédhiou, la ville
de Rufisque et les communes d'arrondissement du département de
Rufisque.
Pour les collectivités locales dont la chambre a recu
leur compte de gestion, généralement ceux-ci ne sont pas en
état d'être jugé car n'étant pas accompagnés
de toutes les pièces générales tel que le compte
administratif du Maire ou du PCR. Ce qui est significatif d'une
défaillance des comptables supérieurs car il leur appartenait de
veiller a l'état d'examen du comptes de gestion de leurs
subordonnés.
En outre, la Cour déplore également dans ses
rapports, le manque d'effectif mais également le volume des affaires a
traiter : les comptes des comptables des 441 collectivités locales, en
l'absence de décret prescrivant l'apurement administratif. Cette plainte
est toutefois curieuse car cela est prévu depuis 1996 par le Code des
collectivités notamment pour les collectivités locales de faible
importance. Il faut également noter que les difficultés tenant
aux conditions de reddition des comptes, a l'insuffisance des ressources
humaines ont été soulignées dans les rapports de 2007 et
2008.
1l est dès lors impératif d'envisager des
solutions pour améliorer les conditions d'exercice des missions de la
Cour des comptes afin d'assurer une meilleure protection des finances publiques
en général et des finances locales en particulier.
A cet effet, il est nécessaire de renforcer les
sanctions vis-a-vis des comptables retardataires et veiller a leur
effectivité. Celles-ci doivent etre étendues aux comptables
supérieurs laxistes quant a la mise en état d'examen du compte de
gestion du receveur local qui lui est subordonné. L' Etat doit renforcer
l'effectif de la juridiction financière du fait de l'importance
qualitative et quantitative de sa mission, en procédant a des
recrutements au moyen des procédés prévus par les textes
en vigueur
En outre, pour désengorger la chambre administrative et
des collectivités locales l' Etat doit donner effet et élargir
les compétences des trésoriers-payeurs régionaux en
matière d'apurement des comptes des receveurs locaux. Une autre solution
est d'ailleurs envisageable ; il s'agit de la mise en place de chambres
régionales a l'instar de la France qui seraient compétentes pour
assurer le contrOle juridictionnel a postériori des comptes des
receveurs locaux
Par ailleurs, il faut signaler que la mission de la chambre
administrative et des collectivités locales n'est pas que
juridictionnelle. En effet, celle-ci exerce aussi un contrOle sur la
qualité de gestion. Cette mission est dite contrOle administratif ou non
juridictionnel
B / le contrôle non juridictionnel
Au-dela du contrOle juridictionnel qu'elle exerce sur la
gestion financière locale, la chambre administrative et des
collectivités locales dispose du pouvoir d'apprécier la
qualité de la gestion desdits organismes publics. C'est la
l'originalité de ses missions87. C'est ce qui ressort de
l'article 343 du code des collectivités locales qui dispose que le juge
des comptes « examine la gestion des collectivités locales
». La loi organique sur la Cour des comptes est beaucoup plus explicite en
ce qu'elle dispose en son article 26 que la Cour des comptes s'assure
« du bon emploi des crédits, fonds et valeurs
gérés par les services de l'Etat et les autres organismes
publics» étant entendu que les collectivités locales
sont partie intégrante desdits organismes au sens de la même
disposition.
Pour les besoins du contrOle, un magistrat rapporteur est
désigné. Celui-ci dispose de larges pouvoirs d'investigations sur
pièces et sur place. Il est chargé d'examiner les états
financiers, notamment bilans, documents annexes et en tire toutes les
conclusions sur les résultas et la qualité de la gestion. Comme
dans le contrOle juridictionnel, le rapporteur dispose d'un droit
d'accès permanent dans tous les bureaux de la collectivité
contrOlée de même que les agents de ladite collectivité
sont tenus de répondre a ses demandes de renseignements sous peine de
sanctions.
Néanmoins, l'exercice de ses prérogatives ne
peut se faire que dans le respect du principe général du droit de
la défense. Ainsi, le magistrat rapporteur ne peut formuler ses
observations sans un entretien préalable entre lui et l'ordonnateur
conformément a l'article 343 précité. Par la suite, le
rapporteur établit un pré-rapport qui est communiqué par
le Président de la chambre a l'ordonnateur de la collectivité
locale. Celui--ci doit apporter sa réponse aux observations
formulées dans un délai d'un mois par mémoire écrit
lequel est transmis au rapporteur et au magistrat contre-rapporteur. Le dossier
complet est transmis au commissaire du Droit pour ses conclusions. En outre le
juge des comptes doit garantir le secret des investigations comme lors contrOle
juridictionnel.
A l'issue de la procédure, la chambre arrête
définitivement le rapport. Elle peut au préalable procéder
a l'audition des parties s'elle l'estime nécessaire pour
éclaircir certains points.
Le rapport permet a la chambre de donner son avis sur la
régularité et la sincérité des comptes mais aussi
de formuler les observations ainsi que les modifications qui s'imposent le cas
échéant relativement a l'organisation et au fonctionnement de la
collectivité locale contrOlée. En outre, elle donne son avis sur
la qualité de la gestion.
87 M BOUVIER, M-C ESCLASSAN, J-P LASSALE, finances
publiques, L.G.D.J, 5ème éd, 2000, p409
On constate ainsi qu'en même temps qu'elle
apprécie la régularité de la gestion, la chambre
administrative et des collectivités locales s'intéresse a la
qualité eta la sincérité des comptes. D'oM la
complémentarité entre le contrOle juridictionnel et le contrOle
de gestion. C'est a ce titre que Michel Bouvier et Cie soulignent que le
contrOle administratif de la Cour revet une importance stratégique dans
la surveillance de la régularité des opérations sur fonds
publics88.
Dans la pratique le contrOle de gestion demeure encore timide
si l'on tient compte des rapports de la Cour des comptes de 2000 a 2007. C'est
ainsi que pour l'année 2000 il n'y a pas eu de contrOle de gestion, la
priorité étant accordée a l'examen du projet de la loi de
règlement. De 2001 a 2005 seules cinq collectivités locales ont
été contrOlées (Les Régions de Dakar et
Thiès, la commune de Mbour, ainsi que les communes d'arrondissement de
Tivaone-Diacksao, Djiddah-Thiaroye Kao). En 2006 le rapport public de la Cour
des comptes n'a pas fait état du contrOle de gestion des
collectivités locales.
De plus ce dernier connait une difficulté majeure
d'ordre procédurale souligné dans le rapport de 2005 en ces
termes : « Cette formalité obligatoire, consistant a
subordonner l'adoption du rapport définitifpour tout controle non
juridictionnel de l'une ou de l'autre formation de la Cour, a l'exception de la
CVCCEP, a l'avis prealable du Commissaire du Droit restera un facteur notable
de contre performance jusqu'd l'adoption des propositions de reforme des textes
regissant la Cour des Comptes ».
Néanmoins, la chambre administratives et des
collectivités locales arrive a adopter des rapports définitifs
sur la gestion des collectivités locales qu'elle examine malgré
les lenteurs accusées. C'est ainsi que le rapport 2007 de la Cour des
comptes fait état de ses conclusions définitives sur la gestion
de la commune de Mbour des années 1999 a 20003. Celles-ci relatent
plusieurs manquements pour lesquels la chambre a formulé des
recommandations.
Ainsi, en ce qui concerne la tenue des documents
budgétaires, on note l'insuffisance des renseignements, le défaut
de production de l'autorisation de report, d'établissement des comptes
administratifs. Ce qui rend malaisé le contrOle budgétaire.
S'agissant des marchés publics, on remarque des
irrégularités relatives aux procédures de passation
(recours, injustifié a l'entente direct, défaut d'appel d'offre a
l'occasion de l'acquisition d'une ambulance, défaut d'approbation du
contrat d'aménagement des batiments entre autres)
Quanta la gestion du personnel, il est mentionné le
maintien en activité d'agents ayant atteint l'age de la retraite, des
indemnités ind6ment percues ou allouées notamment
l'indemnité kilométrique du secrétaire municipal.
88 ibid
Toutes ces observations de la chambre ont fait l'objet de
réponses apportées par les personnes concernées
conformément a la procédure. La chambre a formulée des
recommandations destinées a résorber les insuffisances
relevées89.
Par ailleurs, si lors du contrOle de gestion, des faits
relevant de la Cour en matière de discipline financière sont
découverts, celle-ci s'en saisit par l'intermédiaire de sa
chambre de discipline financière