Section II' L'absence de consentement du patient en
psychiatrie
Nous l'avons vu, l'information donnée au patient lui
permet avant tout de comprendre son état de santé et les
traitements possibles pour y consentir.
Même si les soignants mettent tout en oeuvre pour donner
une information adéquate au patient hospitalisé dans un service
psychiatrique, il en va autrement s'agissant de son consentement qui se verra
limité non seulement avant l'hospitalisation mais également au
moment des soins (A). Cette conception résulte
de la loi de 1990 qui permet de passer outre le consentement d'une personne
souffrant de troubles mentaux à certaines conditions.
Un projet de loi déposé en mai 2010 a vocation
à faire évoluer les modalités de soins apportés aux
patients psychiatriques, qui pourront être également contraint
d'accepter des soins en ambulatoire, en dehors d'une structure
hospitalière ( ).
A -- Le consentement limité du patient
hospitalisé en psychiatrie
La psychiatrie est une discipline médicale à part,
en ce sens que toute personne risque d'être hospitalisée sans son
consentement.
Il existe bien évidemment un encadrement à ces
hospitalisations sous contrainte afin d'éviter les internements abusifs.
Mais malgré cette protection, il s'agit d'un mode d'hospitalisation
portant atteinte à la liberté de la personne, qui peut être
hospitalisée sans son consentement y compris dans le cas où elle
ne présente un danger que pour ellemême
(1).
Par ailleurs, durant l'hospitalisation, pour assurer le
traitement médical d'une personne hospitalisée sous contrainte,
qui est par définition réticente à se soigner, il convient
le plus souvent de lui imposer les soins que son état de santé
nécessite (~).
1) L'absence de recueil du consentement en vue des
soins : les hospitalisations sous contrainte
L'hospitalisation d'une personne sans son consentement peut
intervenir soit d'office, soit à la demande d'un tiers. Il s'agit de
l'exception la plus importante au consentement aux soins, qui n'est concevable
que dans des cas bien particuliers.
L'hospitalisation sur demande d'un tiers (HDT) ne peut
intervenir que si les troubles de la personne rendent impossible son
consentement et si son état impose des soins immédiats assortis
d'une surveillance constante en milieu hospitalier10.
L'hospitalisation d'office (HO) n'est prononcée par
l'autorité administrative qu'à l'encontre des « personnes
dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la
sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave,
à l'ordre public »11.
10 Article L.3212-1, Code de la santé
publique
11 Article L.3213-1, Code de la santé
publique
Ces hospitalisations n'interviennent que si la personne
internée est susceptible de porter atteinte à son
intégrité physique ou à l'ordre public, ces
éléments étant appréciés par un
médecin.
En plus d'être justifiée par des motifs
médicaux précis, l'hospitalisation d'une personne sans son
consentement est soumise à des formalités particulières :
doivent être valablement établis soit la demande du tiers, soit
l'arrêté préfectoral, en vue de l'hospitalisation sous
contrainte, ainsi que des certificats médicaux constatant l'existence du
trouble mental et la nécessité d'un internement.
Mais ces règles procédurales sont susceptibles
d'évoluer dans les mois à venir car le projet de réforme
des soins psychiatriques tend à faciliter l'internement des malades en
prévoyant qu'une personne serait susceptible d'être
hospitalisée sans son consentement « en cas de péril
imminent pour [sa] santé », sur la base d'un seul certificat
médical, et sans intervention d'un tiers.
Il s'agit d'une mesure encore plus restrictive du consentement de
la personne, critiquable en raison du rôle discrétionnaire d'un
seul médecin dans la décision d'internement.
Il apparait, en cas d'HO et d'HDT, qu'à aucun moment le
consentement de la personne concernée n'est recherché. Mais,
conformément à la Convention Européenne des Droits de
l'Homme, cette privation de liberté est légitime puisqu'elle est
destinée à prodiguer des soins nécessaires. En effet,
« nul ne peut être privé de sa liberté, sauf [...]
s'il s'agit de la détention régulière d'un
aliéné [...] »12.
La question qui se pose alors est celle d'un refus du patient
d'être acheminé vers l'établissement d'accueil. Les
ambulanciers ont-il le pouvoir de le déplacer malgré sa
résistance ? Faut-il faire appel aux forces de l'ordre qui useront des
moyens à leur disposition ?
12 Article 5 §1, Convention européenne des
droits de l'Homme
A priori, cela est susceptible de constituer un traitement
inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la Convention
européenne des droits de l'Homme. Mais la Cour de Strasbourg nous
éclaire en considérant que « le port des menottes ne pose
normalement pas de problème [...] lorsqu'il est lié à une
détention légale et n'entraîne pas l'usage de la force, ni
l'exposition publique, au-delà de ce qui est raisonnablement
considéré comme nécessaire »13. Le Code de
procédure pénale français nous permet de penser que peut
être « considéré comme nécessaire »,
l'usage des menottes sur une personne dangereuse pour
elle-même14.
Ainsi, on en déduit que le recours aux forces de l'ordre
peut être légitime lorsque l'hospitalisé sous contrainte
refuse son transfert.
On constate que la contrainte en vue des soins est très
large et que la nécessité d'une hospitalisation pour motif
psychiatrique permet même de justifier l'intervention de la police ou la
gendarmerie.
Mais la contrainte n'existe pas uniquement en amont des
traitements. Dans cette spécialité médicale, la
réussite des soins est parfois subordonnée à l'absence de
recueil du consentement au cours des soins.
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