B -- L'adaptation des inforrnations de santé
L'obligation d'information existe dans de nombreux domaines, tels
que les relations contractuelles de vente, le secteur bancaire, et les rapports
entre un avocat et son client. Elle est également présente dans
la relation médicale entre un praticien et son patient. Même si
elle s'est renforcée de manière générale, la
particularité de l'obligation d'information médicale
réside dans son adaptabilité. Le médecin pourra, s'il le
juge nécessaire pour la bonne prise en charge de son patient, adapter
les informations qu'il lui donne (1). C'est d'autant
plus fréquent dans le domaine de la psychiatrie en raison de
l'incapacité de discernement des patients. On retrouve également
cette restriction de l'information à la suite des soins, lorsque le
patient demande communication de son dossier médical
(~).
1) La nécessité thérapeutique
d'adapter ,'inforrnation
'Dire la vérité, ici comme ailleurs, ce
n'est pas transmettre sau vagement une information exacte ou probable dont on
serait quitte une fois pour toutes, dire la vérité, c'est aussi
évaluer les effets que son dire produit dans une situation donnée
pour les sujets nécessairement singuliers. Faute de quoi le praticien se
destituerait de sa fonction thérapeutique et de la dimension
éthique de son acte »5.
L'article L.1111-2 du Code de la santé publique, relatif
à l'obligation d'information médicale, ne prévoit pas le
cas particulier du patient hospitalisé sans son consentement. On y
trouve néanmoins une disposition concernant les majeurs sous tutelle qui
précise que ces personnes ont le droit de recevoir elles-mêmes une
information et de participer à la prise de décision les
concernant. Mais il est impossible d'assimiler le majeur juridiquement
protégé et le patient soigné sous contrainte, car bien que
ce dernier soit incapable de discernement, il est fréquent qu'il ne soit
pas placé sous une mesure de protection juridique.
5 Roland Gori, Marie-José Delvolgo
La question est alors celle de savoir si le patient psychiatrique
peut réellement recevoir toute l'information qui concerne son
état de santé.
Lors du colloque de lancement sur le thème « 2011,
année des patients et de leurs droits », qui a eu lieu le 4 mars
2011, a été diffusée une vidéo dans laquelle
Bernard Kouchner disait que toute vérité n'est pas bonne à
entendre, qu' « on ne peut pas dire à un fou qu'il est fou
».
C'est une manière abrupte d'affirmer que le patient
soigné en psychiatrie n'est parfois pas apte à recevoir
l'information, simplement parce qu'elle ne lui serait pas supportable.
Selon la jurisprudence, l'information médicale doit
être « appropriée »6. Il convient parfois de
limiter son étendue lorsque le patient n'est pas en mesure de supporter
l'information donnée et que celle-ci empêcherait la bonne
efficacité des soins. Cette limitation thérapeutique est
prévue à l'article 35 alinéa 2 du Code de
déontologie médicale, qui dispose que « dans
l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le
praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans
l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic grave ». L'application de ce
texte est d'autant plus justifiée dans le domaine de la psychiatrie, en
raison des troubles particuliers dont souffrent les patients.
Ainsi, cette exception a été consacrée, en
matière psychiatrique, par un arrêt de la première chambre
civile du 23 mai 20007.
Dans cette affaire, un patient maniaco-dépressif
reprochait à son psychiatre de ne pas lui avoir fait part de son
diagnostic. Il a été débouté, au motif que le
médecin est autorisé « à limiter l'information de son
patient sur un diagnostic ou un pronostic grave » pour des motifs
légitimes et dans l'intérêt du patient. En l'espèce,
« la révélation de ce diagnostic devait être faite
avec prudence compte tenu de l'alternance des phases mélancoliques et
d'excitation maniaque ; qu'ayant ainsi souverainement estimé que
l'intérêt du patient justifiait la limitation de son information
quant au diagnostic, la cour d'appel a pu décider que le praticien
n'avait pas commis de faute ».
6 Cass, Civ. 1ère, 14 octobre 1997, n°
95-19609
7 Cass, Civ. 1ère, 23 mai 2000,
n° 98-18513
Il s'agit d'une limitation thérapeutique de l'information
qui est totalement justifiée pendant la période des soins pour
assurer l'efficacité de la prise en charge du patient.
Mais il existe également une spécificité
concernant l'information après les soins, lorsque le patient demande la
communication de son dossier médical.
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