6.2.2. Causes immédiates de la malnutrition
Les causes immédiates sont, selon le cadre conceptuel de
l'UNICEF, un apport alimentaire en qualité et quantité
insuffisante et les maladies.
Dans notre zone d'étude, une association
statistiquement significative a été observée entre
l'état nutritionnel de l'enfant et le fait que celui-ci soit malade ou
non lors les deux semaines précédent l'enquête (P=0,05). La
situation sanitaire des enfants de la commune n'est pas satisfaisante puisque
la proportion d'enfants ayant souffert de la fièvre, des IRA, et de la
diarrhée au cours des deux semaines ayant précédé
l'enquête sont 48,6%, 35% et 16,3% respectivement. Ces prévalences
sont supérieures à celles présentées par les
statistiques sanitaires en 2009 (MSP, 2009) et cela s'expliquerait par le fait
que les statistiques sanitaires du ministère de la santé sont
basées sur les cas enregistrés dans les hôpitaux, or,
lorsque l'enfant est malade, le centre de santé est la dernière
option choisie par la mère pour le soigner ; la première
étant l'automédication, la seconde étant la consultation
d'un tradipraticien. Les maladies constitueraient donc un véritable
obstacle pour la survie et le développement des enfants de même
que pour la lutte contre la malnutrition. L'impact de la maladie sur la
malnutrition a été estimé par la Banque Mondiale. Selon
son rapport, les maladies sont responsables de 20 à 25 % de la
malnutrition chez les enfants (Banque Mondiale, 1993). Il est bien connu qu'il
existe une interaction synergique entre la malnutrition et les maladies
infectieuses, c'est-à-dire que de la combinaison des deux,
résulte un effet beaucoup plus important que celui que chacune
produirait séparément sur l'individu. Les maladies
détériorent l'état nutritionnel, et cette
détérioration favorise à son tour l'apparition de maladies
en raison de l'affaiblissement du système immunitaire. Il en
résulte le cycle vicieux maladies infectieuses-malnutrition.
La survenue des maladies est également
conditionnée par la qualité les soins de santé de base
comme la couverture vaccinale. De façon générale, la
couverture vaccinale est de moins de 50% avec de disparités importantes.
Le BCG à la naissance vient en tête avec 48% et le dernier vaccin
(vaccin rougeoleux) qui devrait être pris à 9 mois n'est pris que
par 3,3% des enfants. On note également entre les premières doses
et les deuxième et troisième doses un taux de déperdition
d'environ 23%, par exemple entre polio 1 et polio 2 et DTcoq 1 et DTcoq 2. Pour
comprendre ce phénomène, nous avons demandé aux
mères les raisons pour
lesquels certaines vaccinations n'ont pas été
faites ; 60% ont répondu que l'enfant devient malade après la
prise de la 1ère dose du vaccin ; 21% ont répondu qu'elles ne
disposent pas de moyens pour se rendre chaque fois au centre de santé,
et 19% ont répondu que le vaccin n'était pas disponible au centre
de santé. L'indisponibilité du vaccin dans les centres de
santé a été confirmée par les responsables de ces
centres. D'autre part, la vaccination porte à porte
réalisée par le programme élargi de vaccination n'atteint
pas certaines localités de la commune, surtout les villages de la
vallée. Pour preuve, une campagne de vaccination a été
réalisée la veille du démarrage de notre enquête,
mais beaucoup de villages de la vallée n'ont pas reçu la visite
de ces agents de vaccination. A tout cela s'ajoute, l'état
délabré des centres de santé et la non
fréquentation des centres de santé par la population ; les femmes
continuent d'accoucher à la maison, surtout à Houédomey
où 70% des femmes accouchent encore à la maison et donc elles ne
font pas la première dose de vaccin aux enfants. Cela interpelle donc
les différentes autorités à différents niveaux. Si
l'environnement socio sanitaire n'est pas favorable au bon développement
des enfants, qu'en est-il de l'apport alimentaire, deuxième cause
immédiate de la malnutrition?
L'évaluation de la diversité alimentaire a
montré qu'environ 38% des enfants du souséchantillon ont une
diversité alimentaire moyenne (SDA 3-4) et 41% ont une diversité
alimentaire élevée (SDA > 4). Bien que l'association entre le
retard de croissance et la diversité alimentaire n'ait pas
été testée dans cette étude, on peut penser qu'il
serait normal que le retard de croissance soit lié à la
diversité alimentaire puisqu'il est lié à des pratiques
alimentaires inadéquates sur le long terme. Des études
réalisées par Arimond et Ruel ont mis en évidence une
relation significative entre le retard de croissance et la diversité
alimentaire des enfants (Arimond et Ruel, 2004). Hatloy et al., lors de leur
étude au Mali (Hatloy et al 2000) ont montré que des enfants avec
un SDA bas avaient deux fois plus de risques d'être atteints de
malnutrition en milieu urbain mais n'a pas observé de relation en milieu
rural.
L'utilisation des scores de diversité alimentaire pour
apprécier le régime alimentaire des enfants a fait l'objet de
récentes publications. Nos résultats ont montré que les
scores pouvaient être utilisés pour décrire la
fréquence de consommation des groupes d'aliments (tableau n°11) car
ils décrivaient le modèle alimentaire des enfants qui sont
observés dans beaucoup d'études (PAM, 2009 ; Mamadou, 2002). En
effet, les céréales, racines et tubercules sont consommés
habituellement par presque tous les enfants à tous les scores. Ensuite
les viandes et poissons (principalement les poissons) par plus de 70% et 90%
des enfants avec un score supérieur à 3 et à 5
respectivement. Enfin viennent les légumes et les fruits riches en
â carotènes. Cela décrit le type de repas consommé
par les enfants et qui est
constitué de la bouillie de maïs ou sorgho pour
les plus jeunes, de la pâte de maïs (owo) ou l'akassa ou encore du
riz comme aliment de base accompagné habituellement de sauces dans
lesquelles entrent plusieurs ingrédients. Ces ingrédients pouvant
être combinés de plusieurs façons pour donner l'une des
sauces suivante: la sauce de noix de palme, la sauce tomate à l'huile
rouge, la sauce de graine de palme avec légumes, la sauce tomate
à l'huile rouge avec légume, la sauce de légume à
l'huile rouge et la sauce de Corchorus Olitorius localement
appelée ninhoun toujours accompagnée de différentes
espèces de poissons pêchés dans la vallée. Une
étude réalisée en Philippines (Daniels, 2007), a
montré également que les céréales étaient
consommées par tous les enfants quelque soit le score, viennent
après les viandes et poissons (par la moitié des enfants ayant un
score 2 et plus de 90% des enfants avec le score = 5), puis les fruits et
légumes riches en â carotènes.
En général, en dehors des jeunes enfants de 6
à 11 mois dont l'alimentation est peu diversifiée, les enfants
ont généralement une alimentation diversifiée pouvant les
mettre à l'abri des déséquilibres alimentaires. Toutefois
l'adéquation du régime n'est pas que qualitatif mais bien aussi
quantitatif. C'est pour cette raison que les quantités d'aliments
consommées ont été également collectées sur
le sous-échantillon d'enfant.
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