C. Le SAAT :
des animations artistiques thérapeutiques pour adolescentes atteintes de
TCA
Entretien avec Monsieur Stéphane
Vandenabeele, animateur au SAAT de la clinique La
Ramée, réalisé en septembre 2008.
Stéphane Vandenabeele est orthopédagogue et ESP de
formation. Il travaille en tant qu'animateur dans le Service d'Animations
et d'Activités Thérapeutiques (SAAT) de la clinique
La Ramée. Il est aussi le référent des jeunes au
niveau animation et le coordinateur des activités de ceux-ci.
1. Quel est votre formation ?
J'ai une formation d'Educateur SPécialisé et
une d'orthopédagogue.
2. Quels types d'animation proposez-vous au
SAAT ?
Des ateliers d'expression artistique, tels que des ateliers
de peinture, de sculpture, de théâtre et autres.
3. Quelle est la problématique
visée ?
Elles sont multiples. On travaille en groupe et ce groupe
comprend diverses problématiques individuelles. On veillera à
trouver un équilibre entre ces différentes
problématiques.
4. Quelles techniques artistiques sont
utilisées ?
Papier mâché, argile, peinture à l'eau,
dessin, etc.
5. Quels sont les thèmes abordés ?
On traite le quotidien. Il faut créer des
opportunités, des situations variées selon les
nécessités du groupe. Les thèmes collectifs ou individuels
sont donc nombreux. Ils peuvent être liés à une
réalité actuelle extérieure : la récolte de
pommes par exemple.
6. Y a-t-il des thèmes à
éviter ?
Non, il ne faut pas avoir de tabous ! On peut tout
dire, mais il faut faire attention à la manière de le
dire.
7. Pouvez-vous donnez un exemple des problèmes
rencontrés et des solutions apportées ?
Par exemple lors d'un atelier, une adolescente
réalise des bols argentés décorés d'une peinture en
relief. Elle fait cela très bien, elle s'applique et les
résultats sont impressionnants. D'abord elle va les offrir à ses
proches (ces jeunes filles font rarement des choses pour elles). Puis un
phénomène d'engouement général pour ces bols va la
pousser à en réaliser en série. Mais cette fois dans
l'idée de les vendre. Elle va amener son propre matériel et
travailler dans sa chambre. Ces manoeuvres passent inaperçues un moment,
puis une fois le pot aux roses découvert, c'était
impératif d'agir. Nous avons pu l'aider à raisonner, à
redonner du sens à sa production pour finalement passer à autre
chose et changer ses activités répétitives.
8. Quels sont les modèles de
références pris en compte dans l'élaboration des projets
artistiques (références artistiques, pédagogiques,
éducatives...) ?
L'éducateur à une boîte à outils,
c'est lui-même, son vécu, sa sensibilité, ses
études. Donc ses références dépendront de cette
boîte. Il n'y a pas un modèle précis à
suivre.
9. Peut-on dire que les activités artistiques
proposées au SAAT soignent ?
Non, on ne soigne pas, on oriente vers la
guérison.
10. Une collaboration avec les éducateurs du
groupe Ados est-elle envisageable pour animer des ateliers
créatifs au SAAT ? Est-ce compatible avec le travail de
nursing de ces éducateurs?
Oui, cette collaboration est possible et même
nécessaire. A l'origine, l'animation dans ce service était aussi
destinée aux éducateurs. Par rapport au travail de
«nursing«, c'est donc tout à fait compatible, même
complémentaire afin de faire d'autres liens avec le quotidien. S'amuser
et travailler cela fait partie de la vie.
11. Quelles sont les attitudes caractéristiques de
ces adolescentes atteintes d'Anorexie Mentale vis-à-vis des
activités proposées ?
Au début, c'est l'émerveillement
général devant les nouvelles techniques présentées.
Les jeunes atteintes d'AM sont assez motivées mais
difficilement satisfaites de leurs créations. Elles ont beaucoup de mal
à arrêter un travail. Il faut préciser que souvent elles
agissent dans un mode de consommation et de production, avec aussi un certain
rapport à l'argent.
Pour les jeunes atteintes de boulimie nerveuse, l'approche
est plus difficile car elles ont très peu de confiance en elles et donc
en leur production. Elles sont honteuses de ce qu'elles peuvent faire, et donc,
souvent elles bâclent le travail.
12. Pouvez-vous expliquer votre méthode de
travail (objectifs/évolution/évaluation/consignes) ?
Les ateliers sont pour les jeunes des moments pour
s'alléger du stress et se changer les idées. Mais attention, on
ne fait pas de l'occupationnel.
L'atelier est avant tout un moment
structurant. On pointe la différence entre l'idée et la
réalité concrète révélée par la
production. On propose aux jeunes de faire des échanges d'idées
et de dialoguer. On conduit à l'articulation, c'est-à-dire
à faire une toile, des liens...
Les objectifs des activités sont implicites. Via des
productions artistiques ou un travail ludique on va orienter des attitudes
positives. Par exemple, pour l'hyperactivité, une technique de peinture
demandant du temps montre que perfection et vitesse ne s'accordent pas.
Au début des animations, il y a la phase de motivation
et d'émerveillement de la technique et des découvertes. Puis pour
garder cette motivation, il faut créer un manque, ouvrir une porte,
négocier un juste milieu, proposer une découverte technique,
savoir répondre à leurs demandes et savoir dire non.
Des limites à respecter et un rythme de travail sont
imposés par la technique. Il faut garantir d'arriver à un
résultat correct à ce niveau technique. Mais on ne porte pas
un jugement sur la beauté d'une production. Il n'y a pas d'idéal
à atteindre mais la réalité.
Les projets ont des échéances à
respecter. On ne fait pas de projets ouverts. Il faut savoir clôturer un
projet, parfois faire une pause ou le revoir...
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