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La filière des dattes communes dans les oasis de Gabès dans le contexte des aléas climatiques et économiques: fonctionnement, atouts et contraintes

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par Foued Ben Hamida
Institut national agronomique de Tunisie - Master 2011
  

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2.4. CONDITIONS ECONOMIQUES DE LA PRODUCTION

2.4.1. Coût élevé de production et rentabilité économique discutable

Nous signalons d'emblée que contrairement aux oasis continentales (Nefzaoua et Jérid) à dominantes «Deglet nour», où les palmiers dattiers sont plantés en plein champ à raison de 300 palmiers à l'hectare (CHAREF, 1989), les palmiers dattiers dans les oasis de Gabès sont plantés sur les bordures des planches et des parcelles. De ce fait, la densité à l'ha est tres faible puisqu'elle avoisine les 50 palmiers (FANNY, 2008).

Dans le calcul de la rentabilité économique, nous allons présenter la structure des charges de l'exploitation (toutes cultures confondus), la part du revenu agricole du revenu total, la structure du revenu agricole et nous terminerons par un essai de comparaison entre la rentabilité d'un ha de dattiers communes et un ha de grenadiers.

2.4.1.1. Structure des charges

Tableau n° 14 : Structures des charges des exploitations enquêtées (%)

 

Eau

Main d'oeuvre

Intrants

Autres

Total

0.1 - 0.5 ha

49

9

29

13

100

0.6 - 1 ha

42

21

31

6

100

> 1 ha

31

38

27

4

100

Source : Notre enquête

La lecture de ce tableau nous révèle certaines constations :

- Au niveau des petites exploitations (< 0.5 ha) et des exploitations moyennes (O.6 - 1 ha), le poste eau d'irrigation occupe la plus grande part dans les dépenses totales, respectivement 49 et 42. Ceci s'explique par le fait que ces deux catégories de producteurs ne font recours qu'à l'eau du GIC.

En contre partie, les grands producteurs, nantis d'une bonne assise financière, font beaucoup plus recours, dans l'irrigation de leur parcelle, aux puits illicites qu'ils ont creusés. De ce fait, le poste eau ne représente que moins du tiers des dépenses totales.

- Concernant la main d'oeuvre, il est clair que les petits producteurs ne recourent à la main d'oeuvre salariale que très rarement (récolte de henné surtout) ce qui explique que la main d'oeuvre sur l'exploitation est majoritairement familiale. Par contre, chez les grands propriétaires, ce poste accapare la majorité des dépenses (38 %).

- Pour finir avec les intrants, nous constatons que la part des dépenses est presque la même chez les trois catégories, avec un léger recul qui s'explique, peut être par l'achat des intrants en grandes quantités se qui réduit le coût.

2.4.1.2. Revenu agricole dans le revenu total

Tableau n° 15 : La part du revenu agricole du revenu total de l'unité de production (%)

Classe de superficie des exploitations

Revenu agricole/Revenu total

0.1 - 0.5 ha

31

0.6 - 1 ha

59

> 1 ha

83

Source : Notre enquête

A la lecture du tableau, nous constatons que les grandes exploitations (> 1 ha) contribuent plus à la formation du revenu des producteurs. Ceci peut être expliqué par le fait que dans ces exploitations les conditions de production sont meilleures (structure foncière, disponibilité en eau, capital, spécialisation dans l'agriculture, etc.).

Il bien évident que pour les deux autres catégories, les producteurs recourent beaucoup plus aux revenus extra-agricole pour faire vivre leurs familles. Dans le premier cas (< 0.5 ha) le revenu non agricole représente 69 % du revenu total.

2.4.1.3. Structure du revenu agricole

Pour avoir une idée sur l'importance du palmier dattier dans l'économie de l'exploitation, nous avons fait recours à l'analyse de la structure du revenu agricole que nous présentons dans le tableau ci-après.

Tableau n° 16 : Structure du revenu agricole des exploitations enquêtées

Classe de superficie des

exploitations

% Dattes

% Cultures sous-jascentes

0.1 - 0.5 ha

11

89

0.6 - 1 ha

19

81

> 1 ha

33

67

Source : Notre enquête

Les résultats présentés dans ce tableau nous permettent de dire qu'il parait que les grands producteurs entretiennent mieux leurs palmiers (toilettage et pollinisation) ce qui leur permet d'obtenir de bons rendements ce qui donne aux palmiers dattiers de l'importance dans la formation du revenu agricole de l'exploitation (le 1/3 du revenu global). Par contre, les petits (< 0.5 ha) et les moyens (0.6 - 1 ha) ont choisi d'orienter les ressources financières dont ils disposent vers d'autres spéculations (surtout le maraîchage et le grenadier) qui demandent moins de dépenses et surtout n'exigent pas de la main d'oeuvre trop chère comme c'est le cas des grimpeurs. De ce fait le revenu des dattes ne contribue que par 11% pour le premier cas et 19 % pour le deuxième cas. Précisons enfin que les grands producteurs ont le plus grand pourcentage des dattes «kenta», la variété dont le prix est de loin supérieure aux prix des autres variétés communes et surtout son exportation connaît, depuis quelques années, un essor remarquable.

2.4.1.4. La rentabilité du palmier dattier est discutable

Tableau n° 17 : Comparaison de rentabilité entre le palmier dattier et le grenadier

 

1 ha de palmier dattier (300 pieds)

1 ha de grenadier (500 pieds)

Charges brutes (DT) (M.O. + eau)

690

540

Produit brut (DT)

3750

5250

Marge brut (DT)

3060

4710

Source : Nos calculs

Nous avons essayé dans ce tableau de confronter entre les deux espèces les plus utilisés dans les oasis de Gabès (le palmier dattier et le grenadier) en considérant que la culture des deux espèces ce fait en plein champ et que les charges en eau sont les même pour les deux espèces (malgré les différences des besoins entre les deux) parce que la quantité donnée dépend de la GIC. Cette quantité est estimée à 8 heures par hectares et par quinzaine. Ceci nous a permis de déduire la marge brute à la production des deux espèces qui est de 3060 DT pour le palmier dattier et 4710 DT pour le grenadier. Deux postes déterminent la supériorité de la marge brute du grenadier : La main d'oeuvre qui constitue 65 % des charges brutes et les prix des dattes à la production qui est inférieur au prix des grenades (0.250 DT contre 0.350 DT).

Il est clair que l'amélioration de la filière des dattes communes par leur valorisation sur le marché tunisien et l'organisation du segment de la collecte et du conditionnement et la mise en place d'une stratégie d'exportation surtout que ces dattes commencent à trouver leur place

sur le marché européen (100 % des importations de l'ex-Yougoslavie, de la République Slovaque et de la république Tchèque ; plus de 70 % des importations belge ; plus de 60 % des importations anglaises ; etc.).

2.4.1.5. Contraintes climatiques limitant la production des dattes

De l'analyse des différentes composantes climatiques, il ressort que les oasis de Gabès et d'El Hamma subissent l'influence de deux facteurs climatiques importants :

> La perte d'eau et l'accroissement de l'ETP : il est connu que les oasiens n'utilisent que la méthode d'irrigation par submersion pour toutes les cultures pratiquées. En effet, les parcelles sont divisées en planches disposées en rangées et séparées par des seguias qui servent à amener l'eau jusqu'à la planche à irriguer. La submersion porte sur toutes les planches une par une suivant un ordre précis. Comparée aux autres méthodes d'irrigation, cette méthode est la plus simple (moins de surveillance) et la plus économique (moins de frais), une seule personne munie d'une sape suffit pour mener à bien l'irrigation.

Où résident alors les inconvénients de l'irrigation par submersion ? En premier lieu, dans les volumes d'eau à amener par planche : c'est l'irriguant qui estime en fonction de son expérience la quantité d'eau à apporter. Il s'agit là d'un savoir-faire traditionnel acquis d'une génération à une autre. Or, nous l'avons vu plus haut et comme le confirme plusieurs auteurs (ABDEDAIEM, 1997 ; BEN SAAD, 2004 ; HAJ NACEUR, 2008 ; etc.) ce savoir-faire commence à disparaitre avec les derniers oasiens âgés.

Deuxièmement, l'irrigation par submersion nécessite des soins particuliers au niveau du planage du sol afin que la circulation de l'eau soit aisée. Or, un planage mal fait est presque la règle dans les parcelles travaillées par des jeunes non expérimentés. Ceci engendre des pertes d'eau énormes surtout par percolation.

Enfin, un dernier inconvénient lié aux changements climatiques (l'effet serre qui provoque l'accroissement des températures moyennes journalières), il s'agit des pertes par évapotranspiration. La FAO (1986) estime l'efficience de l'irrigation par submersion à 60 % environ ce qui veut dire une perte d'eau de 40 %.

A la lecture de ces lignes, nous pouvons songer aux apports effectifs d'eau par rapport aux besoins des cultures dans les exploitations oasienne (dans les meilleurs des cas 60 %).

Ceci engendre une triple perte : une perte au niveau des frais de pompage (coüt d'eau élevé), une perte au niveau de la nappe (rabattement) et une perte au niveau de la production agricole (manque à gagner). Résumons d'un mot : l'irrigation gravitaire basée sur la submersion est actuellement la principale source de gaspillage d'eau.

Ainsi, l'amélioration du système d'irrigation devient une nécessité de premiere importance afin d'assurer une gestion rationnelle de cette ressource de plus en plus rare qu'est l'eau.

En guise de conclusion, que pouvons-nous dire sur les rendements des cultures irriguées dans l'état actuel des choses ?

S'il est superflu de donner des chiffres sur toutes les cultures pratiquées dans le secteur irrigué ce qui n'était pas l'objectif de ce travail, nous pouvons toutefois avancer quelques remarques basées sur nos observations directes sur le terrain mais aussi sur les déclarations des exploitants et techniciens agricoles interviewés. D'emblée, nous soulignons les disparités des rendements qui existent entre les exploitations, mais d'une façon générale les rendements enregistrés sont en déça des moyennes établies dans des périmètres irrigués semblables (Les périmètres irrigués en dehors des oasis où les techniques d'économie d'eau sont la règle).

> Les précipitations : située dans l'étage bioclimatique Méditerranée aride inférieur (FLORET & PONTANIER, 1978), la région de Gabès ne reçoit que des quantités annuelles de pluies faibles. A titre d'exemple, et pendant les dernières années, nous avons enregistré moins de 250 mm. En effet, entre 2000 et 2006, le minimum enregistré était de 79 mm pour un maximum de 240 mm. Est-ce le résultat des changements climatiques ? Nous le croyons.

Toutefois, et malgré que nous sommes dans une situation de culture irriguée, les résultats ciaprès montrent que la production est en quelque sorte liée aux précipitations.

Nous l'avons signalé plus haut, les quantités d'eau d'irrigation, et surtout pour le palmier dattier qui n'est actuellement cultivé qu'aux abords des parcelles et ne recevant plus la quantité d'eau d'autre fois suite au remplacement des rigoles en terre par les rigoles en ciment.

Le tableau suivant montre cette liaison entre production et précipitations :

Tableau n°18 : Relation production-précipitations de 2001 à 2009 dans les oasis de la région de Gabès

 

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Production En tonnes

10700

20910

27030

22930

16830

14800

14950

19900

20800

Précipitations En mm

79

212

240

226

198

140

129

203

221

Source : Divers documents

La lecture de ce tableau montre que la production des dattes est liée aux précipitations annuelles, lorsque les précipitations sont élevées la production augmente, mais lorsque les précipitations sont faibles, la production diminue. Une autre remarque intéressante concerne la productivité. Elle aussi est liée aux précipitations. Nous avons trouvé que la production moyenne annuelle d'un palmier tombe à près de 20 kg en année sèche (79 mm en 2001), mais cette production dépasse les 50 kg/arbre/an en année pluvieuse (240 mm en 2003).

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand