2.3. RESULTATS ET ANALYSE ECONOMIQUE
Dans cette partie nous essayerons d'analyser les
données économiques obtenues à partir de nos
enquêtes réalisées auprès des agriculteurs et des
collecteurs et interpréter les résultats obtenus.
2.3.1. La main d'oeuvre oasienne quel avenir ?
La main d'oeuvre oasienne devient de plus en plus rare surtout
celle jeune. Concurrencée par d'autres activités «moins
dures» (comme nous l'ont signalé quelques rares jeunes que nous
avons rencontrés) et plus rémunératrices, l'agriculture
oasienne voit ses ouvriers spécialisés quitter l'activité
agricole vers d'autres secteurs tels que le bâtiment, les services et
surtout l'industrie chimique de Gabès qui emploient en sous-traitance
quelques milliers chaque année. Ainsi, le nombre de
«grimpeurs», qui assurent les tâches les plus
nécessaires tels que le toilettage, la pollinisation et la récole
et donc qui constituent la main d'oeuvre la plus précieuse pour la
production du palmier dattier, a diminué considérablement ces
dernières années. D'ailleurs, jadis et pour qu'il soit
qualifié, le grimpeur doit accompagner son père quotidiennement
des l'age de 10 pour commencer à s'entrainer à grimper les
palmiers.
Or, actuellement l'enfant rentre à l'école
à l'age de 6 ans et ne trouve plus le temps d'accompagner son
père pour l'aider dans les travaux de la parcelle. D'autant plus que les
jeunes d'aujourd'hui, comme nous venons de le signaler, ne voient plus leur
avenir dans le secteur agricole.
Cette situation et d'autant plus alarmante quant on trouve que
l'age moyen des oasiens d'aujourd'hui est très proche de 60 ans, comme
le montre le tableau ci-après, ce qui pose même le problème
de l'avenir des unités de production actuelle.
Tableau n° 12 : Tranches d'ages des
producteurs
Tranche d'âge
(ans)
|
Nombre
|
Pourcentage
|
Moyenne d'âge (ans)
|
20 - 35
|
4
|
8
|
36
|
36 - 50
|
8
|
16
|
47
|
51 - 60
|
12
|
24
|
56
|
> 60
|
26
|
52
|
65
|
Total
|
50
|
100
|
58
|
Source : Notre enquête
2.3.2. Le régime foncier et le mode de faire
valoir
Le régime privatif constitue le régime dominant
dans les oasis de Gabès comme partout dans toute les oasis de la
Tunisie. Toutefois, les cas d'indivision, qui résulte du mode de droit
successoral, ne manque pas. En effet, et suite aux héritages successifs,
la propriété dans l'oasis s'est trouvée tres
morcelée. Il n'est pas rare de tomber sur un cas où un palmier
est hérité par plusieurs personnes à la fois. Cette
situation, nous raconte les oasiens qu'elle est toujours gérable avec la
génération actuelle, exceptés quelques cas de conflits,
mais elle ne le sera plus dans l'avenir avec les générations
futures où l'individualisme et l'égoïsme vont bon train.
Actuellement, si l'exploitation est en indivision après la mort du
père, c'est généralement le fils aîné qui
prend l'exploitation en main et les charges et les recettes seront
partagées entre les héritiers.
Quant au mode de faire valoir, on remarque que dans les oasis
littorales le mode de faire valoir direct est le plus dominant. Toutefois, la
location commence à se développer et qui est peut être le
résultat soit d'absence de succession d'un oasien qui prend sa retraite
ou qui meurt, soit d'un conflit sur la gestion de l'exploitation.
Il est intéressant aussi de signaler que nous nous
sommes tombé sur quelques cas d'association entre le propriétaire
(généralement sans assise financière) et un fonctionnaire
ou un commerçant (généralement un membre de la famille
proche du propriétaire) qui participe par le capital et à la fin
de la campagne se partage les bénéfices. Ainsi, nous nous
interrogerons si cette forme d'association (jusque là
réservée à l'élevage) peut être la solution
à l'abandon de l'activité oasienne ?
Tableau n° 13 : Les modes de faire valoir
dans les oasis de Gabès et El Hamma
Mode de faire valoir
|
Nombre
|
%
|
Mode de faire valoir direct
|
39
|
78
|
Location
|
8
|
16
|
Association
|
3
|
6
|
Source : Notre enquête
D'un autre côté, dans le mode de faire-valoir
direct, où le propriétaire gère directement son
exploitation signalons qu'il existe 3 cas de figure :
* Le mode de faire-valoir direct sans salariés :
il concerne les exploitations les plus exigus et dont les propriétaires
sont dans la majorité de condition modeste. Du coup, la
préoccupation de l'exploitant propriétaire est de
rémunérer son propre travail et dans le cas celui de sa
famille.
* Le mode de faire-valoir direct avec recours
fréquent à la force de travail. Il concerne surtout les
exploitants propriétaires ayant une autre activité
(fonctionnaire, commerçants, etc.). Dans cette situation, le ratio
travail familial / superficie exploitée est tellement faible que le
propriétaire est obligé de faire recours à la main
d'oeuvre salariale. Les travaux courants sont
généralement assurés par l'exploitant ou
l'un des membres de sa famille et il ne fait recours à la main d'oeuvre
salariale qu'en périodes de pointe (préparation du sol,
récolte...).
L'irrigation de la parcelle qui est une opération
très délicate est la seule activité dont les expoloitants-
propriétaires ne font jamais recours à la main d'oeuvre
salariale.
* Le mode de faire-valoir direct à base de travail
salarié
Il s'agit généralement de grandes exploitations
où le propriétaire(s) a une logique d'entrepreneur et dont la
mise en valeur est basée sur la diversification et l'intégration
entre la production végétale et l a production animale (surtout
élevage bovin). La supervision du travail est assurée
généralement par le propriétaire ou dans quelques cas par
un chef d'exploitation.
Signalons enfin que l'utilisation de la main-d'oeuvre, un des
points clefs de l'agriculture oasienne, est une des charges principales de
l'exploitant. Trois domaines sont particulièrement consommateurs de main
d'oeuvre, la préparation des sols, la fauche de la luzerne et le
désherbage et la récolte du henné. La préparation
des sols avant le semis se fait manuellement, à l'aide de la sape et
parfois d'un motoculteur.
Le désherbage et l'effeuillage du henné, est aussi
une activité fortement consommatrice de main d'oeuvre et qui est
pratiquement une activité féminine.
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