2.2 La filière d'approvisionnement des villes, ses
acteurs et son organisation
La filière viande de brousse est beaucoup plus «
encastrée», au sein des sociétés locales
traditionnelles. Pour la structurer, deux logiques socioéconomiques se
superposent plutôt qu'elles ne s'opposent. Elles s'appuient, d'une part,
sur la réciprocité au sein du village et, d'autre part, sur
l'échange commercial classique en milieu urbain. La situation juridique
et fiscale des acteurs est en règle générale aussi confuse
que la législation qui devrait s'appliquer. En outre la filière
« viande de brousse » relève des activités
informelles. On peut extrapoler cette analyse à l'ensemble de la
région, même si, selon les pays, certains circuits prennent plus
d'importance. Un collecteur villageois concentre la viande du village et la
vend à un revendeur urbain qui approvisionne le consommateur (Robinson
et Redford, 1994). Le collecteur est plus généralement un urbain
(ou, plutôt, une urbaine) qui se déplace
régulièrement vers le village et vend sur le marché en
gros de la marchandise, à la sortie des villes, ou approvisionne un
réseau de revendeuses (Koppert et al.1996).
Si la chasse est une activité purement masculine, la
commercialisation de la venaison est très fortement
féminisée, qu'il s'agisse de la collecte en brousse ou de la
vente au détail, sur les marchés urbains. Les entretiens
réalisés auprès des acteurs de la filière ne font
pas apparaître de barrières sociales ou ethniques à
l'entrée dans ces activités de négoce, tandis que le
capital de départ est très limité. La vente au
détail de venaison est souvent réalisée par des jeunes
femmes, en phase d'insertion sociale, qui, au fur et à mesure de leurs
possibilités financières, s'intéressent à la
collecte du gibier, auprès des chasseurs villageois. Ces
commerçantes remontent ainsi la filière, en recherchant le
meilleur taux de rentabilité, puis, lorsqu'elles ont acquis une certaine
surface financière et l'âge aidant, elles abandonnent la
filière venaison pour s'intéresser à d'autres
activités commerciales, plus rentables (Hart, 2000).
La chasse commerciale joue ainsi un rôle important comme
support du développement. L'activité de chasse en elle-même
représente, au niveau d'un pays, l'équivalent de plusieurs
dizaines de milliers d'emplois à temps plein, à comparer à
la dizaine de milliers de fonctionnaires. La commercialisation est
également source d'emplois permettant l'intégration des femmes
dans les circuits économiques et facilitant leur ascension sociale. La
filière permet une circulation monétaire importante, dans le sens
villes vers campagne, qui équilibre les besoins en numéraire des
ruraux, pour financer la santé, l'éducation, les impôts ou
l'achat des équipements de base (matériel agricole,
matériel de construction) (Feer, 1996).
2.2.1 Les consommateurs
Les mères de famille constituent l'essentiel de la
clientèle et achètent le gibier pour la consommation familiale,
dans le cadre de la « dépense quotidienne », pour la
confection des sauces accompagnant le plat principal. Le boucanage, qui permet,
la conservation avant de débiter la viande en petites portions.
La viande de brousse est aussi fréquemment au menu des
restaurants de rue (Malewa), qui permettent aux salariés faisant la
journée continue de se nourrir à midi à peu de frais. En
règle générale, le gibier est un produit de consommation
intéressant pour ses protéines et sa qualité, mais le
coût de son acquisition ne permet pas certaines catégories des
personnes de s'en offrir.
Les quantités achetées diminuent avec le statut
social, mais, par contre, chez les catégories
défavorisées, cette quantité réduite
représente la moitié de la ration protéique totale. La
viande de chasse est alors un « bien de luxe » (Fargeot, 2005).
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