D- Contributions antérieures sur le vote du Projet
de Loi de Règlement
Lorsque le régime parlementaire se fut consolidé
et que les moyens de contrôle du parlement sur l'exécutif se
furent multipliés, le vote de la loi des comptes perdit son importance
politique. Le parlement qui discutait avec passion le budget et qui
s'intéressait dans une certaine mesure au vote des crédits
additionnels en cours d'année se désintéressait totalement
du vote de la loi des comptes, une fois l'exécution du budget
terminée.
Selon Evelle GOMEZ (1997), ce
phénomène s'explique car le parlement s'intéresse a la
politique et la politique est orientée vers l'avenir. La loi des
comptes, au contraire, est tournée vers le passé ; elle
intéresse l'historien et non l'homme politique. Cet auteur
renchérit en faisant remarquer que la loi des comptes est votée
généralement sans débat, comme une simple
formalité.
Bien plus, à partir de la fin du second Empire, l'habitude
se prit de voter la loi des comptes avec un grand retard.
Généralement, un délai très long
s'écoule entre la fin de l'exécution du budget et le vote de la
Loi de Règlement. On compte souvent en France deux (02) ans et trois
(03) mois. Le gouvernement qui est en place n'est plus souvent celui qui a
exécuté le budget sous revue. Les députés pensent
donc (à tort ou à raison) que la discussion et le vote de la loi
sont inutiles.
La Loi de Règlement contrôle l'exécution
des autres types de Loi de Finances. Ce n'est donc pas une loi comme les
autres. A chaque budget de l'Etat voté, doit être associée
une Loi de Règlement pour que le processus soit bouclé. Elle
constitue la source même de l'obligation de rendre compte et, ceci
consacre la souveraineté du peuple sur la gestion des fonds publics
(...). C'est l'Assemblée Nationale qui vote la Loi de Règlement.
Il ne s'agit pas d'une simple formalité mais d'un exercice important et
complexe qui comporte un examen attentif des documents, une critique objective
lors des débats parlementaires et une bonne information des citoyens.
Les débats parlementaires lors du vote de la Loi de Règlement ont
perdu leur allant dans les pays de vieille démocratie oü ce vote
est une habitude pour la simple raison que le Gouvernement prend de moins en
moins le risque de prendre des libertés vis-à-vis des textes qui
régissent l'exécution du Budget. L'attention est beaucoup plus
portée, en France par exemple, sur le rapport public de la Cour des
Comptes.
Si les Assemblées Nationales des pays africains qui
s'éveillent à la démocratie et qui découvrent
progressivement la nécessité de la bonne gouvernance,
négligent de s'intéresser à la Loi de Règlement
comme cela semble se dessiner au Bénin, elles porteraient une grande
responsabilité dans le recul de ces pays à travers le
développement de la corruption car, la reddition des comptes est le
point de départ de la bonne gestion.
Pendant une quarantaine d'années au Bénin (de
1960 à 1999, année oü le Gouvernement a déposé
pour la première fois les comptes de l'Etat à la
Chambre des Comptes de la Cour Suprême),
l'Exécutif a oublié de rendre compte de sa gestion et l'on peut
apprécier aujourd'hui la qualité de la gestion des finances
publiques et de l'Administration en général.
La Loi organique relative aux Lois de Finances de 1986
prévoit en son article 49 alinéa 2 que « le Projet de Loi de
Règlement doit être déposé à
l'Assemblée Nationale au plus tard à la fin du 1er
semestre de la 2ème année qui suit l'année
d'exécution du budget objet dudit Projet de Loi de
Règlement». Le but visé est de permettre à la
Représentation Nationale de disposer d'informations fiables et actuelles
pour éclairer le vote de la Loi de Finances de l'année N+2.
Rémi KOSSOUHO (2008) abonde dans le
même sens. Pour lui, la Loi de Règlement est la dernière
Loi de Finances rectificative puisque par son vote, le Parlement procède
à la ratification des dépassements de crédits et des
reports de crédits ainsi qu'à l'annulation des crédits non
employés. Au Bénin et dans la plupart des pays dont la France, la
portée du vote du Projet de Loi de Règlement est très
limitée, son vote ne suscitant pas le même intérêt
que le vote de la Loi de Finances initiale.
Les membres de la GOPAC estiment que pour bien assurer sa
mission dans le processus de reddition des comptes, l'Assemblée
Nationale devra prendre les mesures suivantes :
- faciliter la compréhension par les parlementaires, de
l'information financière grace aux services de recherche parlementaire,
aux organisations de la société civile, aux médias
indépendants et fiables ;
- favoriser une citoyenneté attentive ;
- bien planifier l'activité des Commissions parlementaires
; - afficher sa volonté de lutter contre la corruption.
(«Combattre la corruption : manuel du
parlementaire», 3e édition, Organisation mondiale des
parlementaires contre la corruption (GOPAC), Canada, août 2005).
En France, le vote de la Loi de Règlement a
été pendant longtemps, une simple formalité car les
comptes définitifs étaient présentés avec un retard
considérable, si bien que les documents soumis aux parlementaires
n'avaient plus aucun intérêt. Depuis la Vème
République, on s'est attaché a redonner un sens au vote de la Loi
de Règlement en accélérant la reddition des comptes.
L'article 38 de l'Ordonnance francaise du 02 janvier 1959
oblige le Gouvernement a déposer le PLR, au plus tard, a la fin de
l'année qui suit celle de l'exécution du budget. En pratique, ce
délai est respecté par le Gouvernement, mais le Parlement
repousse l'examen du PLR a la session du printemps, si bien que le vote de la
Loi de Règlement a lieu, environ, dix-huit (18) mois après la fin
de l'exercice.
En fait, le Parlement n'accorde que peu d'intérêt
a la discussion et au vote de la Loi de Règlement, qui ne donne pas
l'occasion a un véritable contrôle de l'exécution du
Budget. Les parlementaires préfèrent consacrer l'essentiel de
leur temps a la discussion et au vote de la Loi de Finances initiale, tandis
que le vote de la Loi de Règlement est, le plus souvent, adoptée
sans débats approfondis. Pour Loic PHILIP (1995), cela
tient au fait qu'ils se trouvent devant le fait accompli et que les
irrégularités constatées dans la Loi de Règlement
ne constituent pas des inconstitutionnalités susceptibles d'être
sanctionnées par le Conseil Constitutionnel.
L'intérêt accordé a la Loi de
Règlement en France a évolué avec le temps. La date limite
de dépôt du Projet de Loi de Règlement a été
fixée au 1er juin de l'année suivant celle de
l'exécution du budget auquel il se rapporte par l'article 46 de la Loi
organique relative aux Lois de Finances (LOLF) du 1er août
2001. Il est accompagné des Rapports Annuels de Performance (RAP) qui
permettent de comparer l'exécution budgétaire et ses
résultats avec les prévisions figurant dans les Projets Annuels
de Performance (PAP) annexés au projet de Loi de Finances de
l'année. Le Projet de Loi de Règlement est examiné selon
les règles ordinaires, l'article 41 de la LOLF de 2001 prévoyant
cependant que le projet de Loi de Finances de l'année ne peut être
mis en discussion devant une
assemblée avant le vote en première lecture du
Projet de Loi de Règlement de l'année précédente.
Les parlementaires francais dans leur Fiche de synthèse N°38 «
L'examen parlementaire des Lois de Finances , affirment que c'est en
2006, que, pour la première fois, l'Assemblée Nationale a
été en mesure d'examiner le Projet de Loi de Règlement
dès le mois de juin.
L'article 63 de la directive 06/2009/CM/UEMOA du 26 juin 2009
portant Loi de Finances dispose que le Projet de Loi de Règlement est
déposé sur le bureau du parlement et distribué au plus
tard le jour de l'ouverture de la session budgétaire de l'année
suivant celle de l'exécution du budget auquel il se rapporte. Il est
accompagné des documents prévus a l'article 51 de la
présente directive, le Rapport sur l'exécution de la Loi de
Finances (RELF), la Déclaration Générale de
Conformité, le cas échéant l'avis de la Cour des Comptes
sur la qualité des procédures comptables et des comptes ainsi que
sur les rapports annuels de performance prévus dans la présente
directive. Ces documents sont remis au parlement sitôt leur adoption
définitive par la Cour des Comptes.
Par ailleurs, Justin GANDJIDON (2008) a
soulevé, durant une Communication tenue en mai 2008 sur les
obstacles a l'établissement a bonnes dates du CGAF et du PLR, que
la Loi organique relative aux Lois de Finances et le décret portant
règlement général sur la comptabilité publique ont
respectivement prévu l'élaboration du PLR et du CGAF, sans
s'appesantir sur les conséquences de leur non production. Même la
Loi n°2004-20 du 17 août 2007, qui a énuméré en
ses articles 149 a 153, les différents contrôles de la Chambre des
Comptes de la Cour Suprême sur l'exécution des Lois de Finances et
les différents documents produits a l'issue des contrôles par
celle-ci, ne comporte aucune disposition sanctionnant la non production desdits
comptes. Le seul texte qui comporte une telle disposition est la directive
n° 06 /2009/CM/2009 du 26 juin 2009 portant Lois de Finances qui a
prévu dans son article 63 que (( le Projet de Loi de Règlement
est déposé et distribué au plus tard le jour de
l'ouverture de la session budgétaire de l'année suivant celle de
l'exécution du budget auquel il se rapporte . Une telle mesure rend
obligatoire l'élaboration
du CGAF et du PLR et permet au Parlement de réclamer le
dépôt du PLR concerné avant le vote de la Loi de Finances
initiale en instance. Il s'agit là d'un moyen efficace de contrainte
susceptible de garantir la production régulière et dans les
délais, des PLR. Cette directive n'est malheureusement pas encore
internalisée au Bénin ; ses dispositions ne peuvent donc
être appliquées.
En effet au Bénin, les Projets de Loi de
Règlement sont produits et votés en retard, et ce retard ne
devrait nullement empêcher ni la soumission des Projets de Loi de
Finances initiales à l'Assemblée Nationale, ni leur vote.
La procédure d'urgence ne s'applique pas au vote de la
Loi de Règlement du fait de sa particularité par rapport aux
autres Lois de Finances. Si la Loi de Règlement a la nature d'une Loi de
Finances, l'ensemble des règles de procédures applicables aux
Lois de Finances ne concerne pas, nécessairement la Loi de
Règlement.
Mais, le vote d'une loi est intimement lié à la
priorité que les parlementaires et l'Exécutif lui accordent. En
effet, une loi de ratification des accords financiers est prioritaire face
à une Loi de Règlement.
Cela s'explique selon ALASSANE, A. N. (2007)
parce qu'un accord financier ratifié permet de financer les
projets de développement, d'investissement dans le pays ; en d'autres
termes, ils permettent de relever le niveau de vie de la population.
Maxime B. AKAKPO (2006) n'est pas de cet avis
et estime que l'AN, en ce qui la concerne, doit inscrire le vote de la Loi de
Règlement parmi ses priorités. Elle doit aussi, comme elle l'a
fait en 1999 au Bénin, interpeller le Gouvernement sur les retards
notés dans le dépôt des PLR. Pour cet auteur, l'AN doit
jouer son rôle de mandataire du peuple, en portant le débat
budgétaire sur la gestion économique et financière dans
les hameaux les plus reculés du pays.
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