3.3. Les
différentes pratiques qui sous - tendent l'affectation et le maintien au
poste stratégique
Sur base des données de terrain, nous avons
repéré des pratiques utilisées aussi comme
stratégique pour se maintenir au poste. Une fois, le poste
occupé, le douanier, dans ses tâches quotidiennes, découvre
de pratiques utiles à son maintien au poste, grâce à
l'interaction avec ses partenaires.
3.3.1.
Instrumentalisation de la loi
Avant d'entrer dans le vif de ce point de notre dissertation,
Musatula (2007 : 44) rappelle ceci :
« l'histoire de la douane en République
Démocratique du Congo s'étale sur trois points forts à
savoir : le temps précolonial, le temps colonial et le temps post
colonial. »
Parlant de l'inefficacité de la législation
douanière, le même auteur (2007 :47-48) écrit : « la
législation douanière, quant à elle, à
l'époque très lourde, devrait être assouplie. Dans le souci
de coordonner et de réviser tous les droits et taxes douaniers, ainsi
que la taxe de consommation récemment créée, un
décret sera signé le 29 janvier 1949 et complété
pour l'ordonnance n°33/09 du 06 janvier 1950 portant mesure
d'exécution du décret précité.
Dès lors, les deux instruments juridiques cités
ci-haut gouvernèrent l'activité douanière du Congo
Belge...jusqu'à ce jour. »
Au regard de ce qui précède, force est de
constater que le droit douanier n'a pas évolué jusqu'à ce
jour alors que la société est dynamique, aussi l'évolution
de l'économie et de la technologie offrent des nouvelles données
dans le travail du douanier, enfin c'est un droit définit par et pour
les intérêts de la métropole en méconnaissance de
praticiens et ou des bénéficiaires.
Rouland (1999 :88) aborde la question de l'acculturation
juridique et se réfère à Montesquieu : « elles (les
lois) doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont
faites que c'est un grand hasard si celles d'une nation peuvent convenir
à une autre ».
Nous appréhendons ce concept d'instrumentalisation de
la loi au sens que lui attribue Freitag cité par Kaminski (2006 : 33) :
« Un deuxième concept d'instrumentalisation
dénotant la disparition, dans les déterminants de la production
de la société, de la référence à des normes
communes. L'auteur pense que nous sommes entrés dans une
société dont « le fonctionnement ne se réfère
plus lui -même à la reconnaissance des normes communes (...) mais
(opère) seulement sur base d'une gestion directe de la
réalité, à caractère pragmatique, circonstanciel.
L'instrumentalisation est la transformation des objets, que ces objets soient
humains ou non en « matière première ».
Par conséquent, dans l'exercice de ses tâches
quotidiennes, le douanier découvre les différentes marges que la
loi lui offre en termes d'opportunité pour avoir de l'argent ou «
cretch ». L'exploitation de la loi constitue donc une ressource pour se
faire de « crecth » au vu de différents documents
accompagnants la marchandise devant sortir ou entrer en République
Démocratique du Congo par la Province du Katanga.
Cette opportunité ouvre un cadre de négociation
avec le commissionnaire ou le déclarant, représentant le client.
A ce propos, Mazwan (2007 : 26), écrit ce qui suit :
« Le douanier applique la loi à la tête de
l'opérateur économique importateur selon que celui - ci est
« coopérant »ou non. Ce « deux poids deux mesures »
créent une inégalité de traitement des usagers
vis-à-vis de la douane »
Rouland (1990 :37), l'exprime aussi en ces mots :
« La plupart des sociétés traditionnelles
raisonnent par rapport à des comportements concrets et non en faisant
référence à des corpus de règles. Par ailleurs,
même dans les sociétés centralisées ou occidentales,
l'analyse normative souffre de graves déficientes »
Différentes pratiques émergent de ces
manoeuvres des acteurs de mobiliser la loi douanière pour avoir de
l'argent et accéder à la promotion. Ces pratiques en tant
qu'action ou manière de faire peuvent être individuelles ou
collectives. C'est que nous nommons instrumentalisation de la loi aux fins de
capitalisation.
3.3.1.1.1.
Le Trop peu perçu (TPP)
Nous nous référons à la description faite
par Musatula (2006 : 88-89), pour comprendre cette pratique et son corollaire
qui est le « cretch ». Cette description rencontre celle des acteurs
interviewés dans les différents sites de recherche.
« Le T.P.P. est une abréviation voulant dire
« Trop peu perçu ». Elle découle d'une pratique
légale du contrôle douanier. En tant que pratique légale,
le T.P.P. consiste en un redressement fiscal effectué par les acteurs
(agent du fisc), qui normalement a pour finalité la
récupération pour le compte de trésor public du montant de
manque à gagner des droits et taxes constatés lors du
déroulement du contrôle douanier. Ce montant de manque à
gagner est appelé « trop peu perçu », comme pour
l'opposer à son éventuel contraire qui est le « trop
perçu » (une somme payée en trop au trésor public)
La pratique du « TPP » devient problématique
lorsqu'elle est détournée de son objectif, c'est-à-dire,
il ne s'agit pas de récupérer pour le compte du trésor
public, le montant des droits et taxes constatés à titre de
manque à gagner, mais de s'en approprier directement par l'acteur ou les
acteurs qui en ont fait la découverte »
A ce sujet, le receveur Luhozi dit ce qui suit :
« Lorsque je contre vérifie, je
découvre le manque à gagner dû au trésor public,
j'en fais mon affaire avec le client. C'est-à-dire ceci : dans la
pratique nous nous arrangeons sinon on peut quitter la douane sans rien. Nous
ne sommes pas de prêtres à la douane ».
Musatula (2006 :89) reprend un extrait du discours
d'entretien avec Madame Sécheresse, une commerçante, en ces
termes :
« Personnellement je ne vois pas du tout le mauvais
côté de cette pratique, elle permet à tout le monde de se
retrouver, que ça soit l'Etat, les douaniers, les déclarants ou
nous les commerçants ; voir même la population, tous nous nous
retrouvons dans le T.P.P. n'est - ce pas qu'en vous affectant dans un (poste
juteux), avec mauvais salaire, sans infrastructure adéquate, ni fonds de
fonctionnement, l'Etat vous autorise implicitement de recourir à
l'article 15. C'est ça le T.P.P. »
Eu égard à ce qui précède, il y a
lieu de dire que le « T.P.P. » est une pratique légale mais
détourné pour l'intérêt particulier des acteurs
(douaniers, déclarants en douane et/ou les clients). Le « T.P.P.
» est la conséquence de la technicité du douanier qui
découvre ce que le juridique qualifierait d'infraction à
l'endroit du déclarant ou du client qui tente d'évader les
paiements exacts de l'impôt, droits et taxes de l'Etat.
L'on peut aussi dire que le bon climat entre les acteurs peut
faciliter ,la création du « T.P.P. » pour servir leurs
intérêts personnels.
Par ailleurs, le partage du cretch obéit à une
logique de hiérarchisation. Il se fait selon les grades. Les douaniers
se partagent horizontalement le cretch sur terrain et verticalement ils donnent
un « rapport » ou « opération
retour » ou « feed-back » à leurs chefs
hiérarchiques.
En dehors de T.T.P. comme pratique de capitalisation du
cretch, nous devons aussi enregistrer les exonérations.
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