2. Analyse des données
La première partie de l'analyse concerne les
données d'entretien. La seconde est consacrée aux données
des questionnaires. Une troisième partie fait une analyse
synthétique des appréciations et des difficultés
évoquées par les différents participants.
2.1. Analyse des données d'entretiens
L'entretien semi-dirigé a concerné cinq
catégories de participants à partir desquels les données
recueillies ont été présentées. Nous
procédons à l'analyse par les thèmes contenus dans les
guides d'entretien.
2.1.1. Données recueillies auprès des
responsables du bureau national de l'AMA
Avec les responsables de l'AMA nous avons demandé
à connaître les objectifs, la structuration, le mode
d'intervention de l'ONG et les difficultés qu'elle rencontre sur le
terrain. Nous avons particulièrement insisté sur sa contribution
à l'enseignement de base au Burkina, objet de notre recherche.
Il ressort de ces entretiens pour ce qui est de la
présentation, que l'AMA est une ONG Koweitienne active de façon
régulière dans plus de vingt neuf pays en Afrique. Elle couvre
plusieurs autres pays africains par des actions spontanées notamment en
cas de sinistres. En 1995, l'ONG pour se faire plus de
crédibilité et de transparence dans les interventions s'affilie
à une ONG anglaise (DIRECT AID) et prend la dénomination DIRECT
AID/AMA. Le changement sera pris en compte dans l'autorisation d'exercer au
Burkina en 2000. L'AMA fut la deuxième ONG musulmane après
l'O.I.I.S à signer un accord de siège avec l'Etat
Burkinabé en 1988 et a eu pour premier directeur le docteur Aboubakar
DOUKOURE qui est de nationalité burkinabé. Son objectif principal
est de collecter l'aide auprès des donateurs et la faire parvenir
directement aux bénéficiaires qui sont les populations les plus
démunies d'Afrique. A propos R1 affirme:
«L'AMA a été créée rien
que pour l'Afrique, elle se fixe pour tâche principale de rassembler les
dons octroyés par des personnes riches des pays arabes pour aider les
pauvres en Afrique. Ses actions se fondent sur les principes islamiques de
charité qui exigent que les plus nantis prélèvent une
partie de leurs richesses pour subvenir aux besoins des plus pauvres".
En ce qui concerne la structuration et le fonctionnement de
l'AMA, au niveau international sa structuration a connu plusieurs changements
pour s'adapter à la diversification et à l'intensification des
actions. De nos jours, les principaux organes sont: le conseil d'administration
qui regroupe le secrétaire général, les directeurs des
différents organes et des personnalités de la
société Koweitienne choisies d'entre les membres fondateurs ou
des experts; le comité exécutif ou comité de gestion dont
l'administration est assurée à deux échelles:
l'administration géographique qui a pour charge l'exécution des
programmes fixés pour chaque pays; l'administration technique qui se
charge de la conception et l'évaluation des programmes par
l'intermédiaire des bureaux spécialisés au nombre de
douze; les bureaux nationaux qui se chargent de l'exécution des
programmes fixés par le siège(voir organigramme de l'AMA, page
57). Le bureau national s'appuie généralement sur cinq services
(santé, orphelins, culture, comptabilité, projets) et est
dirigé par un directeur expatrié. Les responsables du bureau
national (directeur général, responsable financier), et les
directeurs des centres sont nommés par le comité exécutif
à l'issue de tests de recrutement organisés dans des pays
africains.
Pour le financement des activités de l'AMA, les oeuvres
de bienfaisances constituent la principale source de revenus. L'AMA
bénéficie aussi d'une autorisation spéciale du
ministère des affaires religieuses du Koweït pour collecter
l'aumône auprès des croyants. A cela s'ajoutent les dons
spécifiques par lesquels le donateur remet à l'agence une somme
donnée et précise le domaine dans lequel il faut l'utiliser
(mosquée, puits, école~).Selon R2,
«les dons en espèce parviennent au
siège au Koweït par plusieurs voies: les prélèvements
directs mensuels sur le salaire du donateur; les dépôts
effectués directement au siège ou sur le compte de l'agence; les
boîtes de collectes installées au niveau des grandes surfaces
telles les aéroports, les usines, les établissements scolaires
etc."
Il est à noter que ces ressources proviennent aussi bien
des personnes physiques que des personnes morales.
Au Burkina Faso, le bureau national siège dans un immeuble
à deux étages situé à Ouagadougou au secteur 29 en
face de l'avenue Général De Gaulle. Une douzaine d'agents
permanents travaille dans ce bureau. Dans l'ensemble l'AMA au
Burkina fonctionne avec 244 agents permanents (bureaux et terrain confondus)
dont 7 expatriés.
Quant au Mode d'intervention et domaines d'activités de
l'AMA, les bureaux nationaux recensent les besoins des populations et les
communiquent au comité exécutif après en avoir fait
l'estimation financière. Ces besoins sont ensuite
présentés à des donateurs potentiels dans les pays arabes
pour financement. De façon générale l'ONG ne va pas vers
les populations. C'est aux populations qui sont dans le besoin d'adresser leurs
doléances au bureau national de leur pays. Le bureau se charge ensuite
de réunir toutes les informations concernant le projet à financer
et de les communiquer à sa hiérarchie au Koweït. Dès
que le financement est acquis, le projet est exécuté et un
rapport d'exécution accompagné des photos et les pièces
comptables est fourni au comité exécutif.
De plus en plus l'AMA initie elle-méme des projets
qu'elle juge conforme aux besoins de la société. C'est le cas de
la construction des complexes socio éducatifs (centres). La construction
des centres est favorisée par le fait qu'il existe dans les pays
majoritairement musulmans des personnes qui privilégient en
matière d'oeuvres sociales la prise en charge des orphelins. Et comme
cette activité nécessite la mobilisation de plusieurs services,
le donateur intéressé prévoit suffisamment de moyens pour
la construction d'un centre polyvalent à méme d'assurer une prise
en charge entière des enfants démunis. Dans ce cas, il incombe au
bureau demandeur d'obtenir auprès des autorités locales un
terrain suffisamment spacieux pour contenir les infrastructures et d'en
informer le donateur par le biais du comité exécutif. Ainsi les
grands domaines d'intervention de l'AMA sont: l'éducation et la culture
(enseignement, alphabétisation, sensibilisation...); l'assistance
sociale (prise en charges des orphelins et enfants de la rue, la santé;
financement des projets sociaux (mosquées, hydraulique, micro finance de
soutien aux femmes, distribution de vivres...).
En matière de promotion de l'enseignement de base,
L'AMA y consacre une partie importante de ses activités, parce que
nombreux sont les donateurs qui cherchent à financer des projets
éducatifs. C'est pourquoi l'AMA a introduit une demande de collaboration
auprès du MEBA afin de pouvoir multiplier et diversifier ses actions
entrant dans le cadre de l'éducation de base.R2
«nous avons proposé un document d'accord de
collaboration au MEBA depuis très longtemps, mais, jusque là,
aucune suite n'a été donnée à cette requête.
C'est peut être un refus mais on ne nous dit rien. On ne comprend
pas!».
La construction des écoles vise de façon globale
à accompagner l'Etat Burkinabé dans sa lutte contre
l'analphabétisme. De manière spécifique il s'agit de
donner aux plus démunis la possibilité d'accéder à
une scolarisation à moindre coût, et de proposer aux musulmans une
école qui tienne compte de leurs convictions religieuses tout en se
conformant totalement aux exigences de l'éducation nationale. Des
enseignants francophones et arabophones sont recrutés sur la base du
BEPC, et l'autorisation d'enseigner délivrée par le MEBA. Pour le
moment, l'agence n'organise pas la formation continue de ses enseignants. La
convention proposée au MEBA prend en compte ce volet. En attendant, un
inspecteur à la retraite vient d'être recruté pour se
pencher sur la question.
La contribution de l'AMA à l'enseignement primaire
burkinabé depuis son installation est difficilement quantifiable. En
effet, les premières actions qui se sont traduites par la construction
des infrastructures scolaires confiées à des particuliers, par
l'appui à la scolarisation à travers l'octroi de bourses, les
soutiens aux services étatiques d'éducations n'ont pas
été capitalisées à cause sans doute du mode de
gestion qui n'insistait pas sur les principes de la continuité de
l'administration. Néanmoins, on peut évoquer de façon
globale en terme de bilan de son investissement à l'enseignement de base
ce que nous a confié R1 en ces termes:
«l'AMA a construit 13 écoles medersas
confiées à des communautés dont elle n'a même plus
les nouvelles; dix écoles à six classes chacune
gérées par l'agence elle-même, des centaines d'emplois
créés et des milliers d'enfants scolarisés avec une bonne
majorité ayant bénéficié d'une prise en charge
entière. Nous avons contribué pendant plusieurs années au
fonctionnement de certains services du ministère Il est difficile de
donner un chiffre exact de ce que l'agence apporte à l'éducation
par an».
Les activités s'imbriquent de sorte qu'il n'est pas
toujours aisé de dissocier le coüt de la scolarisation des autres
prises en charge des enfants qui favorisent justement leur scolarisation.
Néanmoins on peut se faire une idée à travers le salaire
annuel payé aux enseignants du primaire qui s'élève cette
année à plus de 32 millions pour 61 enseignants. Mais on estime
que le système a pris en charge en moyenne 35 enseignants par an depuis
15 ans, c'est donc près de 300 millions qui ont été
affectés uniquement aux salaires.
D'autres ONG musulmanes interviennent dans le domaine de
l'enseignement; mais les responsables de l'AMA pensent que l'AMA est la
première à initier de façon assez organisée une
école musulmane qui prenne en compte tout le contenu des programmes de
l'éducation nationale. En matière de collaboration, ils ne
connaissent pas de cadre de concertation réservé
aux ONG musulmanes ni de façon générale, ni
de façon spécifique avec celles qui sont actives dans
l'enseignement.
Organigramme de l'AMA
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