III-1) DU MYTHE A LA REALITE DE LA DEFISCALISATION
GIRARDIN.
Nous l'avons évoqué, la défiscalisation
n'a pas permis de répondre de manière satisfaisante aux besoins
en logement de la population. Elle a surtout permis d'accroitre
quantitativement l'offre en logement locatifs privés sur l'ile, mais
cela n'aura duré que quelques années et de manière
excessive. Le dispositif a en effet cessé d'avoir du succès {
partir de 2008, un retournement significatif du marché s'étant
opéré.
Il convient alors de s'interroger sur la
légitimité d'un tel dispositif. Nous le verrons, celui-ci a connu
de nombreux effets pervers. Nous verrons également qu'il a globalement
permis de détendre le marché de la location mais pas de
manière significative pour produire un réel effet pour les
ménages. Enfin, nous reviendrons sur la question du coût d'un tel
dispositif pour l'Etat.
III-1-A) LES DERIVES DU SYSTEME
Le succès du dispositif Girardin auprès
d'investisseurs métropolitains a entrainé une hausse
conséquente de la demande. L'ensemble de la chaine des acteurs
impliqués dans la défiscalisation immobilière y a alors vu
une manne financière dont ils pouvaient tirer profit ce qui a
entrainé de nombreux abus. Par ailleurs, l'Etat n'a pas mis en place de
moyens pour réguler ce système et la production de logements qui
en découle. Les communes quant à elles ont également peu
régulé le système. Elles se sont plutôt
positionnées dans une logique libérale laissant <<
faire le marché par volonté ou incapacité de le
réguler >.89
Les promoteurs cherchant à tirer profit du
succès de la défiscalisation ont donc entrainé la
production d'opérations de logements ne correspondant pas
entièrement { la demande. La plupart d'entre eux n'ayant tenu compte
d'aucune étude de marché.
La nécessité de toucher le maximum
d'investisseurs a induit la production massive de logements ne dépassant
pas les 200 000 euros, or les marges de constructions étaient telles
qu'{ ce prix il n'était possible de proposer qu'une offre en logements
de petites tailles, ne correspondant pas à la structure des
ménages réunionnais comme nous l'avons montré
précédemment. De plus, les prix élevés { l'achat
ajouté aux plafonds de loyers << intermédiaires >
fixés par la loi ont eu pour conséquence d'entrainer les
investisseurs à souhaiter un certain niveau de loyers leurs permettant
de tirer avantage de leur << produit >. Or, cela a entrainé des
loyers totalement déconnectés de la réalité du
marché autant pour le locatif intermédiaire que pour le locatif
libre. Ces loyers ne correspondaient en effet en rien aux capacités des
ménages de l'ile. Enfin, la localisation des opérations ne s'est
pas non plus basée sur la réalité des besoins. De
nombreuses opérations ont été réalisées
là ou la demande en logement collectif à la location était
faible. Dans d'autres secteurs, la demande était élevée
mais la quantité de logements construits à été
telle que le marché s'en est trouvé saturé au bout de
quelques années.
89 Vergriete, Les mécanismes de la production du
logement à la Réunion, non publié.p9
Tous ces éléments qui témoignent de la
non prise en compte du marché ont entrainé des difficultés
pour louer les logements : les investisseurs-propriétaires ont dû
considérablement baisser le montant de leur loyer voir même
parfois offrir des mois gratuits ou du mobilier pour trouver des locataires.
Cela n'empêche pas que de nombreux logements restent vides. En 2010,
certains estimaient que 2000 à 3000 logements étaient vides dans
la seule commune du Tampon. 90
FIGURE 28: EXEMPLE DE CONSTRUCTION DEFISCALISEE NE
TROUVANT PAS DE LOCATAIRES A
SAINT DENIS.
Source : Sénat
Dans la situation de crise du logement que connait la
Réunion actuellement il est regrettable de constater la vacance de
nombreux logements mais également les situations de locations
effectuées dans de mauvaises conditions (surpeuplement,
difficultés financières...).
Les abus de la défiscalisation se font également
ressentir en termes d'aménagement et d'équipements. De nombreux
quartiers où il s'est beaucoup construit se retrouvent ainsi
dépourvus de réseaux viaires satisfaisants ou encore des
équipements nécessaires, les communes n'ayant pas suffisamment
anticipé.
90 Ibid p 6
III-1-B) UN MARCHE DE LA LOCATION DETENDU MAIS DES DIFFICULTES
QUI PERSISTENT
Le principe de la défiscalisation des investissements
locatifs est de permettre une production massive de nouveaux logements. Cette
production devait permettre d'augmenter l'offre en logement locatifs afin de
détendre ce marché.
Ainsi, après une hausse des prix des loyers jusqu'en
2006, une stagnation puis une légère baisse a pu être
observée dès 2007. Cela s'explique par l'effet de correspondance
structurelle entre l'offre et la demande voir même de saturation sur
certains bassins d'habitat. Cette conséquence est positive puisque nous
n'avons cessé de le dire beaucoup de ménages réunionnais
sont en situation de précarité et le parc social ne peut tous les
loger. Le tableau suivant met en évidence l'évolution des loyers
en fonction notamment de l'inflation.
FIGURE 29:EVOLUTION DES LOYERS EN FONCTION DE
L'INFLATION ENTRE 2005 ET 2009
Source : INSEE, 2010
Toutefois, malgré cette baisse les loyers restent toujours
relativement élevés et représentent toujours un poids
important dans le budget des familles.
Dans son Observatoire des Loyers l'AGORAH a
réalisé des simulations afin de mettre en avant la
capacité locative des ménages réunionnais selon la taille
des logements et le bassin d'habitat.
FIGURE 30: CAPACITE LOCATIVE DES MENAGES EN FONCTION
DE LA TAILLE DES LOGEMENTS
Source : AGORAH, 2010
Nous constatons grâce à ces simulations que les
ménages touchant 1 ou 2 SMIC mensuels éprouvent de relatives
difficultés à se loger et ce dans la majorité des bassins
d'habitat. En dépit du fait que le marché de la location
privé ait été détendu, la difficulté de se
loger dans le parc locatif privé pour les ménages
intermédiaires reste toujours effective.
Bien que la défiscalisation ait quelque peu
détendu le marché de la location privée elle pourrait
avoir des conséquences inverses et jouer sur un autre secteur du
marché. En effet, les produits issus de ce dispositif peuvent être
revendus après 5 à 6 ans de location. Les investisseurs ayant
pour la plupart perçu ce dispositif non pas comme un investissement
patrimonial mais comme un produit financier, beaucoup d'entre eux cherchent
à revendre ces logements. Si les investisseurs se mettaient à
revendre massivement leurs logements cela pourrait entrainer une chute des prix
à la vente dans l'ancien mais également, et pour ce qui nous
intéresse, une baisse de l'offre locative et donc une nouvelle hausse
des prix.
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