En dehors de la phase des combats, la violence peut viser
directement les Forces terrestres ou prendre pour cible les autres acteurs du
conflit. Souvent atomisée et sporadique, sa rationalité est
parfois difficilement perceptible par les forces.
Fondée sur l'utilisation du terrorisme comme mode
d'action principal, la guérilla urbaine représente la
réponse la plus facile et la plus efficace, dont la plus probable, dans
le combat du faible contre le fort. C'est celle à laquelle les Forces
terrestres sont confrontées chaque fois qu'un ennemi s'oppose à
leur action. L'objectif de l'adversaire est de les défaire en pesant sur
la volonté du Cameroun faute de pouvoir en vaincre les forces.
L'opposition de la population, ou d'une partie de celle-ci,
peut être manipulée ou résulter d'incidents mettant en
cause les Forces engagées. Elle se manifeste alors par des obstructions
aux missions des Forces terrestres ou des explosions de haine et de violence de
foules plus ou moins nombreuses contre tout ce qui symbolise l'intervention
étrangère. Ces actions peuvent être spontanées. Plus
souvent, elles visent à décrédibiliser les forces ou les
pousser à l'erreur en cherchant à provoquer une réaction
démesurée pouvant être exploitée.
La lutte d'un groupe contre un autre sur des critères
ethniques, politiques ou religieux se traduit par des assassinats, des
attentats, des attaques contre la population, des massacres, des
enlèvements qui peuvent avoir lieu sur toute l'étendue du
théâtre d'opération. La barbarie caractérise nombre
de ces actions qui visent à faire le maximum de victimes. Leur
permanence et la difficulté de les prévenir présentent un
redoutable défi. Ici aussi, on peut chercher à atteindre la
crédibilité de la force ou la légitimité de sa
présence. On peut aussi vouloir peser sur la sortie de crise, mettre
à mal une évolution positive ou pousser certaines troupes
à l'exode. Le refus,
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l'ignorance pour certains, du droit de la guerre, du droit
dans la guerre, caractérisent l'usage habituelle d'une violence parfois
aggravée par le fanatisme et le déni des valeurs occidentales de
la part d'adversaires agissant en dehors de tout cadre étatique. Le
rejet absolu d'une telle logique et d'une grande vigilance en la matière
s'impose aux Forces.
c) S'ADAPTER FACE À L'ASYMÉTRIE
CROISSANTE
La lutte contre l'asymétrie ne peut se limiter
à éliminer les menaces dont l'évolution permanente
contrecarre l'efficacité d'un combat sans fin. Elle passe par une
compréhension de sa nature, un renseignement approprié et une
bonne gestion de l'information.
1- COMPRENDRE L'ASYMÉTRIE
Comprendre l'asymétrie, c'est d'abord comprendre les
acteurs du conflit et les conséquences de leur combat. Hostile à
la force, un ennemi peut se fixer comme but de lui faire échec et lutter
directement contre elle. Parfois, tel acteur n'agira qu'en fonction d'objectifs
ou d'intérêts qui sont propres sans considérer les Forces
militaires comme les objectifs de son combat. Certains privilégieront
les aspects politiques, des oppositions ethniques, les relations de foule, la
violence déclarée pour mettre les forces en difficulté.
Ils se situent souvent au confluent du politique et du militaire et, sans
hiérarchie formelle, font habituellement partie d'organisations
horizontales douées d'une grande capacité d'adaptation. Les
actions d'ordre technique, attentats, assassinats, prises d'otages, attaques
d'un village ou d'une unité, émeutes ou manifestations influent
directement sur le niveau stratégique. Face à cela, leurs armes
paraissent souvent peu adaptées et, si elles se retrouvent souvent dans
leur seuil d'utilité, il arrive aussi que le risque soit grand d'en
faire un usage inapproprié et contre-productif mis directement à
profit par l'adversaire dans sa démarche de « propagande par les
actes ».
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La lutte contre les menaces asymétriques suppose une
grande agilité des chefs et des systèmes de commandement dans la
planification comme dans la conduite. La faculté d'adaptation, la force
sur le théâtre, comme de l'Armée de Terre en
général est une des clés du succès, car
l'adversaire est un être vivant et réfléchi qui s'adapte.
Il s'agit de le devancer ou d'être condamné à n'agir qu'en
réaction.
Les unités terrestres doivent développer les
capacités d'innovation très rapide. Le rôle des petits
échelons, cellules de base, celles qui, confrontées
quotidiennement aux problèmes ne cessent d'imaginer des solutions les
plus appropriées, est primordial. L'initiative doit être
encouragée de manière à favoriser l'émergence des
parades aux menaces asymétriques. Cette action en provenance du terrain
doit être soutenue par un dispositif central qui, tout à la fois
discipline le foisonnement des idées, oriente le recueil des
expériences et offre la réactivité nécessaire pour
apporter des réponses immédiates quand l'urgence le commande.
2- LE RENSEIGNEMENT, COMPRENDRE TOUT AUTANT QUE
SAVOIR
La compréhension de l'adversaire et de l'environnement
impose de mettre l'accent sur le renseignement qui est, le plus que jamais, une
fonction essentielle de l'engagement opérationnel et une condition du
succès. Cependant, la recherche même du renseignement est complexe
quand il s'agit d'établir les conditions d'un retour à la paix,
de lutter contre des menaces asymétriques ou de rétablir la
confiance.
En passant de la symétrie à l'asymétrie
et au sein d'un même conflit d'une phase à une autre, les Forces
terrestre doivent passer d'un renseignement ou la recherche d'indices
matériels permet de déterminer les dispositifs et d'imaginer les
intensions à un renseignement plus subjectif ou l'analyse
systémique trouve sa place. Les équipements souvent
indécelables et confondus au milieu ne sont plus des signes suffisants
pour pénétrer les
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intentions de l'adversaire. C'est bien l'état d'esprit
et la volonté des autres qu'il s'agit de comprendre et la recherche d'un
tel renseignement est confrontée au choix des informations utiles. Elles
rencontrent, en outre, une difficulté particulière lorsqu'il
s'agit de comprendre un environnement foncièrement différent.
Cette caractéristique fait du problème de la langue un des plus
critiques pour le renseignement en phase de stabilisation, comme pour toutes
les opérations au contact du milieu.
La technologie revêt dans le renseignement une part
fondamentale, les moyens techniques qui sont consacrés à la
recherche permettent de développer les instruments d'analyse et de
synthèse nécessaire et accroissent la capacité des forces
à lutter contre les formes variées de menaces. Mais les outils
techniques permettent surtout de savoir là ou il s'agit désormais
principalement de comprendre. La recherche humaine doit disposer de
spécialistes qui, à une solide formation militaire, adjoignent
des connaissances approfondies du théâtre, des
sociétés et des cultures des groupes qui s'affrontent, de tout ce
qui permet au chef de comprendre, de « sentir ».
En outre, par nature, les conflits asymétriques
s'aventurent dans des domaines non militaires qu'il s'agit pourtant
d'appréhender dans le cadre de l'opération et de la manoeuvre en
cours ou en préparation. La recherche du renseignement s'y appuie sur
d'autres acteurs, sur d'autres réseaux, sur d'autres ministères.
Elle participe aussi, à une lutte élargie, les informations
recueillies alimentant d'autres bases que celle de la force engagée.
Le renseignement n'est pas seulement nécessaire aux
phases d'affrontement armé. Il appuie la manoeuvre dans toutes ses
dimensions parmi la population. La recherche du renseignement doit permettre au
chef de confronter les modes d'action, d'anticiper les fronts, d'identifier les
difficultés quand il lui faut de soutenir un processus électoral,
désarmer les combattants, aider à la liberté de
circulation...
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3- COMBATTRE PAR L'IMAGE
La lutte pour l'information est un impératif constant
qui se pose aux Forces terrestres avec d'autant plus d'acuité dans un
conflit asymétrique qu'une part des actions adverses reposent
elles-mêmes sur l'exploitation des moyens d'information et la
manipulation des actions publiques. Ce qui est cru est plus important que ce
qui est vrai. Les emballements et les distorsions médiatiques peuvent
influencer les décisions opérationnelles et agir sur le cours des
choses en contradiction avec l'action des troupes sur le terrain. Par exemple,
bien souvent, les agressions de jeunes gens armés de leur seule fronde
contre des soldats lourdement équipés n'ont pour but de
présenter au monde une lutte inégale et de données
à croire que leur combat est juste, puisqu'il est celui de
l'opprimé, celui de David contre Goliath.
Le combat par l'image est caractéristique de la lutte
asymétrique. Aussi doit-il être celui des Forces terrestres tout
autant que celui de leurs adversaires. Lutter contre une information partiale
et biaisée, présenter sa propre vision, diffuser son propre film
des évènements qui occupent la « une » du moment sont
nécessaires au succès. Ils peuvent aussi parfois éviter
que des réussites tactiques ne se transforment en échec
stratégique. Les Forces terrestres doivent être aptes à
conduire des manoeuvres offensives tout autant que défensives dans le
domaine de l'information et de la communication.