La capacité des sociétés africaines et
de ses dirigeants à faire face aux défis relatifs à la
sécurité dépend grandement de la qualité de leur
planification stratégique. Plus les problèmes de
sécurité d'une nation sont difficiles et complexes, plus grande
est la nécessité d'une approche stratégique. La
stratégie est l'utilisation organisée et
délibérée des ressources du pouvoir pour atteindre,
protéger, ou promouvoir des objectifs, avec un minimum de gaspillage et
un maximum de chances de réussite. Dans le domaine de la
sécurité, toutes les nations définissent des objectifs et
utilisent les instruments du pouvoir national pour les atteindre. Mais toutes
les nations ne le font pas à l'aide d'une stratégie
cohérente. Si un État choisit une approche stratégique,
les actions appropriées du pouvoir national laissent la place aux
actions méthodiques. Il en résulte une plus grande
efficacité. Avant que les États africains puissent commencer
à développer des stratégies nationales cohérentes,
ils doivent renforcer le fondement de la sécurité, entendue dans
le sens le plus large du terme. La prospérité, la bonne
gouvernance (notamment, le fait de répondre à la volonté
populaire), le consensus national et le développement du capital humain
peuvent constituer le fondement de la sécurité. Celui-ci
permettra aux dirigeants africains de bâtir la sécurité de
manière stratégique. Ce processus comporte plusieurs
étapes.
· Premièrement, toutes les stratégies
requièrent la définition d'une vision nationale. C'est
tout simplement une notion large de la situation recherchée par les
dirigeants. En développant une vision et en obtenant le consentement de
la société vis-à-vis des objectifs, les dirigeants peuvent
entamer le processus de développement des plans et des programmes
stratégiques. Dans le cas de l'Afrique, une vision stratégique
impliquerait :
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- Des méthodes efficaces pour favoriser l'essor
économique et l'introduction dans le système politique de tous
les groupes nationaux, évitant ainsi les conflits et les violences
internes ;
- Un fort sentiment d'identité nationale et un consensus
sur les objectifs nationaux et les procédures de mise en oeuvre ;
- La dissuasion vis-à-vis des ennemis extérieurs
par une association de moyens politiques et militaires ;
- Si la dissuasion échoue ou si un conflit interne se
produit, des effectifs de sécurité capables de défendre la
nation de manière humaine et morale, soit seuls ou avec l'aide
d'alliés ;
- La mise à disposition de ressources appropriées
(mais non excessives) à la sécurité nationale ;
- Des organes de sécurité professionnels et
efficaces Armée, police et services de renseignements qui jouent un
rôle dans l'élaboration de la stratégie nationale, mais
sous contrôle civil ;
- Une norme de coopération régionale et
sous-régionale pour les problèmes communs ; et
- Des procédures régulières et
officielles pour le développement de la stratégie nationale, son
amélioration, et sa coordination avec les autres États de la
région.
· Une fois la vision nationale développée,
la prochaine étape consiste à identifier les
intérêts et les objectifs nationaux. Il est important que
l'évaluation des intérêts soit menée avec
méthode, parce qu'elle permet de faire correspondre de manière
logique les ressources avec les intérêts.
· Après avoir défini les
intérêts, les planificateurs de la stratégie doivent
entreprendre une évaluation honnête et complète de la
menace. Elle permet d'identifier les groupes, les États, les
organisations, ou les pratiques qui pourraient entraver la
réalisation
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de la vision et menacer les intérêts nationaux.
Dans l'environnement de la sécurité actuel, les menaces incluent
les menaces traditionnelles, comme une invasion étrangère et une
insurrection nationale, ainsi que les menaces non traditionnelles, comme les
réfugiés, les maladies, la dégradation de l'environnement
et le crime international. Cette évaluation de la menace ne doit pas
seulement être une liste des menaces vis-à-vis de la
sécurité auxquelles doit faire face une nation, mais elle doit
également leur donner un ordre de priorité selon le degré
de risque et de probabilité. Chaque société doit
décider de la manière d'équilibrer ses efforts entre les
menaces à haut risque et celles à haute probabilité.
· Une fois établies la vision nationale et
l'évaluation de la menace, la planification stratégique
entraîne la mobilisation et la coordination des ressources
stratégiques, et une décision quant à la façon de
les appliquer pour dissuader, améliorer ou résoudre les menaces.
Il est important de garder à l'esprit, à ce stade, que la
stratégie possède une dimension horizontale et une
dimension verticale. La dimension horizontale coordonne les
instruments du pouvoir national instruments économiques, politiques,
militaires et psychologiques. Cela implique une coopération
étroite entre les différentes branches et organisations au sein
du gouvernement. La dimension verticale implique la planification sur le long
terme, ainsi que sur le court terme. Les stratèges doivent
décider comment mobiliser et coordonner au mieux le pouvoir national sur
des décennies, ainsi que pour l'année à venir. Le «
produit » final de ce processus est constitué des politiques et des
programmes qui appliquent les ressources du pouvoir, afin de poursuivre les
intérêts et les objectifs avec des moyens approuvés par la
société dans sa majorité.
La planification stratégique requiert un processus
officiel et rationnel
pour développer la vision nationale, identifier les
intérêts nationaux, évaluer
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la menace et exercer le pouvoir dans les dimensions
horizontales et verticales. Un plan stratégique efficace doit subir des
examens et des révisions régulières. Plus la communication
avec le public et sa consultation sont importantes afin de représenter
des éléments intégrés dans ce processus, plus
grandes seront les chances de voir la stratégie émergente
soutenue par un consensus national (le processus de développement de la
stratégie et le processus de consultation doivent inclure tous les
secteurs de la société). L'Armée et l'exécutif
doivent travailler main dans la main avec les parlementaires, le secteur
privé, les institutions financières, les organisations sociales
et religieuses, les chefs locaux, les partis politiques, les médias, et
les autres secteurs importants de la société. La volonté
des citoyens doit être identifiée et prise en
considération.
Il est évident qu'il existe des éléments
de la stratégie nationale qui doivent être gardés secrets.
Il est cependant utile qu'un gouvernement diffuse un document public qui
explique les intérêts de la nation, les menaces et, en termes
généraux, les programmes et les politiques avec lesquels le
pouvoir national protège et promeut ces intérêts. Les
États-Unis ont trouvé utile de publier un document annuel public
sur la stratégie de sécurité nationale. Ce document permet
un dialogue sur la sécurité nationale, ce qui constitue pour le
gouvernement un moyen de comprendre la façon dont le public la
perçoit. Le gouvernement peut ainsi ajuster la stratégie en
conséquence. Même si un tel document est publié, les
dirigeants nationaux doivent continuellement expliquer la stratégie au
public et écouter ses préoccupations et ses points de vue. Les
médias peuvent jouer un rôle essentiel dans l'éducation du
public au niveau de la sécurité. Ils peuvent également
contribuer à l'information des dirigeants nationaux. Plus les
médias comprennent la stratégie, plus le processus fonctionne de
manière fluide.
Bien que cela soit souvent négligé, une approche
stratégique de la sécurité implique aussi de concevoir des
programmes pour l'identification,
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la formation et la rémunération des
stratèges. La stratégie est un art complexe. Tout le monde n'est
pas capable d'élaborer une stratégie. Pour produire des
stratèges, une nation doit avoir, dans ses universités et ses
organisations non gouvernementales, des programmes sur les questions de
défense et de sécurité, un programme complet
d'enseignement militaire professionnel, et une méthode d'identification
et d'enseignement des civils qui ont un don pour la stratégie. Cette
composante finale ne peut pas être surestimée : le contrôle
efficace du secteur de la sécurité par les civils requiert que
les fonctionnaires élus (les politiques) et les fonctionnaires de
carrière (les bureaucrates) comprennent les questions relatives à
la défense, à la sécurité et à
l'Armée. Ainsi, ils sauront quand il convient de travailler de concert
avec l'Armée, et quand il importe de déléguer des
responsabilités aux militaires. Pour assurer cette finalité, les
États africains doivent envisager d'envoyer des fonctionnaires
qualifiés suivre des programmes d'études supérieures en
Afrique et à l'étranger, ce qui aidera au développement de
ces programmes dans leurs propres universités, et permettra de tirer le
meilleur profit de programmes comme celui du Centre d'études
stratégiques de l'Afrique (CESA)83 et celui du Centre de
recherches et d'Etudes politiques et Stratégiques
(CREPS)84.
83 Le Centre d'Etudes Stratégiques de
l'Afrique appuie la politique africaine des Etats Unis en travaillant avec les
pays africains en vue d'accroître la sécurité et de
promouvoir la démocratie en Afrique. Le CESA poursuit sa mission en
encourageant davantage de professionnalisme ainsi que des principes
démocratiques dans le secteur de la sécurité en Afrique au
travers de programmes axés sur l'harmonisation des points de vue sur les
difficultés communes en matière de sécurité, sur la
sensibilisation au rôle de la sécurité dans les
sociétés civiles et sur le rejet du soutien idéologique au
terrorisme et à l'extrémisme. Les programmes du CESA favorisent
également une interaction dynamique entre hauts responsables militaires
et civils et la mise en place de réseaux professionnels viables.
84 Centre de Recherches d'Etudes politiques et
stratégiques de l'Université de Yaoundé II Soa
dirigé par le Pr NTUDA EBODE J. V. est spécialisé dans
l'analyse stratégique et géopolitique. Il occupe une place
importante dans la recherche d'une définition géopolitique des
politiques de sécurité en général et de
sécurité maritime en particulier. Les nombreux partenariats
développés avec d'autres centres de la sous-région tels
que le CERGEP de l'Université d'OMAR BONGO au Gabon, le partenariat avec
le Cours Supérieur Interarmées de Défense (CSID) dans le
cadre d'un échange de compétences et
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