5) L'IMPLICATION DES CIVILS DANS LA LUTTE CONTRE LES
NOUVELLES FORMES DE MENACES
Il s'agit des autorités civiles et des populations locales
vivant les exactions des ennemis inconnus, mais à la présence
remarquable.
a) LA DIPLOMATIE DES AUTORITÉS LOCALES
La dynamique transfrontalière est également
insufflée par les nombreux contacts noués par les
autorités civiles, politiques ou traditionnelles avec leurs homologues
des pays voisins. Cette diplomatie formelle contribue à sa
manière et parfois avec des résultats probants, à
rapprocher les autorités centrales, surtout en temps de crise.
Onana Mfegue reconnaissait ainsi l'importance de cette
diplomatie informelle en relevant que du fait de la multiplication des
incidents entre populations riveraines de certains segments frontaliers, d'une
part, et de
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l'éloignement de ces zones par rapport aux centres de
décisions, d'autre part, les gouvernements ont
délégué le pouvoir de règlement des conflits
mineurs aux autorités administratives et traditionnelles locales. Ceci a
l'avantage d'accélérer les procédures en gagnant en
coût et en efficacité, dans la mesure où ces responsables
locaux se côtoient au quotidien. Quatre dimensions vont nous permettre
ici de l'illustrer (Ntuda Ebode 2010 : 72- 73).
Dans l'espace frontalier méridional d'abord,
l'intensification des flux frontaliers dans la région aux trois
frontières (Cameroun, Gabon et Guinée Equatoriale) multiplie des
occasions d'affrontement et de conflit entre acteurs nationaux et
étrangers. On se souvient par exemple que les frontières entre le
Cameroun et le Gabon d'une part, et le Guinée Equatoriale, d'autre part,
ont fait l'objet de plusieurs fermetures unilatérales en guise de
protestations.
Si dans certains cas, ces fermetures résultaient des
accrochages à l'intérieur du pays, dans d'autre, elles en
étaient la conséquence des différends qui se sont produits
dans la zone frontalière. La résistance du facteur
irrédentiste peut ainsi animer les autorités traditionnelles de
part et d'autre de la frontière, à rechercher des voies et moyens
pour maintenir le calme dans les espaces frontaliers. Leur rôle est
essentiel, car dans certains cas, les populations en conflit sont issues du
même groupe clanique, les Fang, en l'occurrence.
En dehors des occasions de friction qui aboutissent à
la tenue des assises de réconciliation, on peut mentionner des
initiatives locales visant à rapprocher les peuples de part et d'autre
des frontières. Il serait intéressant de voir comment se
déploie cette nouvelle forme de coopération, de dialogue et
d'échange qui a abouti, en mai 2006, à la signature de la
convention entre les différentes parties qui ont en partage la zone
frontalière de la vallée du Ntem (Ntuda Ebode 2010 : 73).
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En effet, les maires en charge des collectivités
locales de la zone transfrontalière du Cameroun, du Gabon et de la
Guinée Equatoriale, motivés par SNV, organisme
néerlandais, sont convenus de la signature d'un protocole d'accord, en
vue d'une meilleure fluidité dans leurs échanges commerciaux et
du renforcement de l'intégration régionale. Ils ont aussi
marqué leur détermination à mettre un terme sur les
dérives douanières et policières, mais surtout sur les
tracasseries qui constituent des blocages à l'épanouissement de
leurs populations. Du fait de la proximité que ces collectivités
locales ont en commun, eu égard au patrimoine et à
l'héritage qu'ils sont condamnés à partager, le protocole
d'accord semble être une heureuse opportunité pour ouvrir les
frontières afin d'éviter un isolement, voire un suicide
collectif.
A côté des initiatives locales visant à
promouvoir une coopération transfrontalière, on peut donc aussi
mentionner le rôle essentiel joué par des partenaires d'appui au
développement comme la SNV, qui travaille en partenariat avec les
autorités locales (communes et services décentralisés de
l'Etat). Sa principale activité est de renforcer les capacités
des organisations intermédiaires pour qu'elles deviennent des agents de
développement. C'est ainsi qu'elle développe une stratégie
participative intégrée par la consultation, la formation, la
mobilisation et la diffusion de l'information et des connaissances aux
organisations intermédiaires et collectivités. Les aspects «
genre », « minorités », « environnement » et
« durabilité » sont systématiquement
intégrés dans cette dynamique d'appui-conseil (Ntuda Ebode 2010 :
73-74).
La première expérience de l'approche
intercommunale avec la SNV avait déjà obtenus des
résultats probants dans le cadre d'aménagement pour la bande
côtière Kribi-Campo. Avec les quatre municipalités
camerounaises (Olamze, Ambam, Campo et Ma'an, le conseil départemental
de Bitam, et les trois municipalités de la Guinée
équatoriale ; les objectifs généraux du plan
d'aménagement transfrontalier, vont s'établir autour de la
planification
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transfrontalière, la mobilisation des ressources
propres de la commune pour la mise en oeuvre du plan frontalier et la recherche
conjointe et individuelle des fonds extérieurs pour la mise oeuvre du
plan frontalier.
Dans l'espace frontalier oriental ensuite, l'espace
transfrontalier Cameroun République Centrafricaine est plus
polémogène que celui de la partie méridionale du Cameroun.
En effet, il est écumé par des gangs de bandits et des mouvements
politico-militaires qui tentent de transformer en une zone échappant
à tout contrôle des Etats. L'insécurité prend
plusieurs visages et se décline de plus en plus sous la forme des actes
des coupeurs de route, du trafic et de la circulation illicite des Armes
Légères et de Petits Calibre (ALPC), du vol de bétail,
voire de la prise d'otages avec demande de rançon. Cette
insécurité qui résulte des soubresauts et des hoquets de
la réforme du secteur de la sécurité au Tchad et en
Centrafrique, est en fait entretenue par d'ex-combattants, de militaires
démobilisés et de bandits de grand chemin (Ntuda Ebode 2010 :
74-75).
Pour juguler cette insécurité, des contacts ont
été noués par des autorités locales du Cameroun et
de la République Centrafricaine dans le but de mutualiser leurs moyens
et leurs méthodes. C'est ainsi que le vendredi 08 juillet 2005, les
éléments de l'Armée centrafricaine se sont joints à
ceux de l'Armée camerounaise pour un défilé militaire dans
les rues de Toktoyo, une ville située à la frontière des
deux pays.
D'autre part, les difficultés auxquelles étaient
confrontés les ressortissants centrafricains dans le village de Kombo
ont été résolues grâce à la
coopération entre le Préfet de Bouar et le Sous-préfet de
GarouaBoulai.
Dans l'espace frontalier occidental, pendant le conflit de
Bakassi, de rencontres, parfois discrètes, ont été
organisées par les autorités locales. Ces rencontres officieuses
ont eu lieu entre des officiels camerounais et nigérians. En effet, une
délégation conduite par le Président de l'Assemblée
Nationale l'Honorable Cavaye Yeguié Djibril (originaire de
l'Extrême Nord
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du Cameroun) était venue présenter ses
condoléances au nouveau Président nigérian Aboubakar. Par
le choix de cette haute personnalité de la République,
au-delà de son statut de n°2 de l'Etat, les autorités de
Yaoundé entendaient donner un accent moins protocolaire, mais plus
familial à la rencontre (Ntuda Ebode 2010 : 75).
Au niveau local, un petit groupe de chefs traditionnels peuls
du Nord-Cameroun avait dans la foulée rendu une visite discrète
à l'émir de Kano, à l'occasion du 40ème
jour du décès de Sani Abacha. Toutes ces actions visaient
à mettre en place des mesures de confiance et de jeter les bases d'une
véritable coopération décentralisée. L'appartenance
à une sphère culturelle explique sans doute le maintien de cette
forme de diplomatie au moment où le Cameroun et le Nigeria avaient
presque déjà rompu les fils tenus du dialogue.
Dans la région frontière septentrionale enfin,
la zone frontalière du Lac Tchad apparaît de loin comme un espace
conflictogène. La forte concentration des populations dans cet espace
lacustre est source de conflits entre les différentes
communautés. La Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) a ainsi
été créée pour tenter de résorber cette
menace, puisque ses principales missions étaient entre autres, de
réguler et de contrôler l'utilisation de l'eau et des autres
ressources naturelles du bassin, d'examiner les plaintes et de promouvoir la
prévention et la régulation des conflits à travers la
dynamisation de la coopération régionale (Ntuda Ebode 2010 :
76).
La plupart des conflits qui ont aux prises les
différentes communautés ont trouvé leur résolution
en dehors du cadre de la diplomatie classique que promeut la CBLT. En effet,
comme le notait fort opportunément Elie Mvié Meka, la CBLT,
à sa création, accorde une mince disposition à la
prévention et à la résolution des conflits. Son action
reste très discrète dans le processus de prévention ou de
gestion des conflits survenus dans le bassin du Lac Tchad. C'est ainsi que le
Lac Iro (Lac
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Tchad), pour éviter l'escalade des 600
cavaliers-éleveurs armés, venus venger leurs frères
tués par les agriculteurs, le 2 décembre 2004, le Conseil des
sages a privilégié une indemnisation de 100 boeufs. Ce cas
illustre bien les arrangements à l'amiable qui ont cours dans cet espace
frontalier et qui visent à maintenir la paix entre les
différentes communautés.
En somme, le Cameroun s'est engagé dans une dynamique
bilatérale d'intégration sous-régionale dans le cadre
formel des commissions mixtes bilatérales ou à travers les
rencontres officieuses entre autorités locales. Toutes choses qui
semblent rappeler la palabre africaine. En tout cas, ces différents
moyens ont contribué, à leur niveau à bâtir des
ponts de coopération et de concertation entre le Cameroun et ses
différents voisins.
Toutefois, si comme nous venons de le voir, la
frontière barrière de la période bipolaire, a
cédé sa place dans la zone francophone à la
frontière, lieux d'échanges, matérialisés par la
promotion de marchés frontaliers et d'une diplomatie
périphérique (Ntuda Ebode 2010 : 76-77).
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