Pendant longtemps, le Nigeria a côtoyé les
côtes camerounaises avant de manifester son désir d'appropriation.
Cette volonté expansionniste s'est d'abord manifestée par une
double contestation : la contestation des accords de 1913 au motif qu'ils n'ont
pas été ratifiés du fait de la Première Guerre
mondiale alors qu'ils ont bel et bien été ratifiés le 6
juillet 1914 ; la contestation de la Déclaration de Maroua du
1er juin 1975 sous le prétexte qu'elle n'a pas
été ratifiée par le Conseil militaire supérieur.
Or, la ratification par le Conseil militaire supérieur des actes des
chefs d'Etat nigérians a été instituée le 15
octobre 1975 par la « Constitution (Basic provision) Décret 1975
n°32, section 8 et section 11 ». Ce décret avait un effet
rétroactif pour compter du 29 juillet 1975 (article 21). Or la
déclaration de Maroua date du 1er juin 1975, donc bien avant
la sortie de ce décret et bien avant la période
rétroactive (Messinga 2008 : 106). En réalité, le
Nigéria est un pays en proie à l'insécurité,
à l'instabilité politique, à la
désobéissance civile, l'ordre n'étant rétabli que
grace aux interventions militaires (Mvié Meka 1992 : 50).
Après cette phase diplomatique, viendra la phase
stratégique.
Cette phase stratégique sera impulsée par deux
groupes d'experts commis à cet effet par le gouvernement. Le premier
groupe de travail commis sous
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l'égide du Ministère des Affaires
Etrangères et du Ministère de l'Intérieur ou « Task
Force » sous la direction de M. K. D. Olukolu, a déposé son
rapport le 06 juin 1985. Le second groupe d'experts commis par le Nigeria en
1988 dirigé par M. Bassey E. Ate déposa un rapport dans lequel il
situe ainsi le problème:
Thesis one: «The National Interest
of Nigeria in the maritime area commonly shared with the Republic of Cameroon
can only secured through effective control of the Cross River estuary and
Bakassi peninsula. Such effective control, potentially, can be ensured either
unilaterally by Nigeria or through collaborative action with Cameroon. For
Nigeria, the strategic (maximum) purpose of any new negotiations with Cameroon
should be to review the entire border question from the beginning, with the aim
of arriving at a final solution that will ensured the attainment of the above
objective...»
Thesis two: «The vital
considerations involved in the maritime dispute with Cameroon, for Nigeria, are
strategic and political more so than LEGAL...».
D'où les recommandations et les options suivantes
soumises au gouvernement:
« One choice is to accept the « fait accompli
» inherent in the Maroua Declaration, which means, in effect, a denial of
Nigeria's exclusive Jurisdiction over the entirety of the cross river estuary
and the Calabar channel. To the Cameroonians, this would be the optimal
objective, amount to a ratification of 1913 agreements. In the framework of
this choice, Nigeria might at best be able to persuade Cameroon to respect the
neutrality of the 2 kilometres corridor which AHIDJO has conceded to Gowon in
1975 or make other minor adjustments. The consequences of this choice, in terms
of Nigeria's Strategies and political interests and sub-regional position would
be highly detrimental.
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The second choice is for Nigeria to insist on effective
control of the cross river estuary and the Calabar channel which involves
pressing claim to Bakassi peninsula, as a better guarantee for the protection
of its interests and growth potential in the area. In this choice, the
preferred boundary would be at the Rio Del Rey...
In the nature of things, there appear to these three basic
options:
As option one, Nigeria could unilaterally occupy Bakassi
peninsula. In deciding to do so, of course, the military, logistic, political,
financial and other factors bearing in the calculations of the out-come of such
operation should be considered. Assuming the level of this action, Nigeria
might then force the Cameroonians to enter into serious negotiations aimed at
establishing acceptable boundary...
A second option would be to offer to buy the Bakassi
peninsula from Cameroon
A third option is that Nigeria and Cameroon could seek to
institute a «collaborative regime» that will administer the
trans-border area in contention in the direct interest of the peoples residing
there and for the mutual advantage of the two
countries»43(Messinga 2006 : 63-64).
43 Traduction française
Première thèse : «
L'intérêt national du Nigeria dans la zone maritime qu'elle
partage avec le Cameroun ne peut être préservé qu'à
travers le contrôle effectif de l'estuaire de la Cross River et de la
péninsule de Bakassi. Un tel contrôle peut être
assuré soit unilatéralement par le Nigeria, soit à travers
la collaboration avec le Cameroun. Pour le Nigeria, l'objectif
stratégique de toute nouvelle négociation avec le Cameroun serait
de revoir la question de toute la frontière avec pour but d'aboutir
à une solution finale qui assurera l'atteinte de l'objectif
sus-cité. »
Deuxième thèse : « Pour le Nigeria,
les considérations vitales impliquées dans la dispute
frontalière avec le Cameroun sont plutôt stratégiques et
politiques que légales... »
D'où les recommandations et les options suivantes
soumises au gouvernement.
« Un choix est d'accepter le fait accompli contenu
dans la déclaration de Maroua qui signifie en effet une
négociation de la compétence exclusive du Nigeria sur l'ensemble
de l'estuaire de la Cross River et du chenal de Calabar. Pour les camerounais,
ce serait un objectif capital, équivalent à la ratification des
accords de 1913. Sur la base de ce choix, le Nigeria pourrait au mieux
persuader le Cameroun à respecter la neutralité des
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Comme on le voit, le Nigeria a décidé de
choisir les recommandations du rapport Bassey E. Ate, et notamment l'occupation
unilatérale de la péninsule de Bakassi par la force (option
n°1), ce qui va justifier la posture agressive permanente du Nigeria.
Cette posture va se traduire par les offensives nigérianes et ripostes
camerounaises, qui se sont soldés par un bilan non
négligeables.
Le 21 décembre 1993, les troupes nigérianes
prennent l'initiative de franchir la frontière camerounaise sous le
prétexte de protéger leurs ressortissants qu'elles estiment
menacés dans la péninsule de Bakassi par les « gendarmes
» camerounais (Messinga 2006 : 66).
Ces Forces Armées nigérianes faites de 2000
à 3000 hommes trouvent sur le territoire escompté une esquarre
camerounaise faite d'environ 40 hommes (30 éléments de la marine
nationale, quelques gendarme et policiers) qui assuraient la mission
d'intégrité territoriale en poste avancé et dont le PC se
situait à Idabato I en décembre 1993. Ces
deux kilomètres de couloir que le président
Ahidjo avait concédé à Gowon en 1975, ou faire d'autres
ajustements mineurs. Les conséquences de ce choix en terme de
stratégies et d'intérêts politiques ainsi que sur la
position sous régionale du Nigeria seraient hautement
catastrophiques.
Le second choix pour le Nigeria est d'insister sur le
contrôle effectif de l'estuaire de la Cross River et sur le chenal de
Calabar, ce qui implique des réclamations pressantes sur la
péninsule de Bakassi comme meilleure garantie pour la protection de ses
intérêts et du développement potentiel de cette zone. Dans
ce choix, la frontière préférentielle se situerait au Rio
Del Rey. Par la nature des choses, ces trois options sont retenues :
Premièrement, le Nigeria pourrait occuper
unilatéralement la péninsule de Bakassi. En décidant de le
faire, les facteurs militaires, logistiques, financiers et les autres facteurs
liés à la réussite d'une telle opération doivent
être considérés. Pour assumer la gravité d'une telle
action, le Nigeria devait alors forcer les camerounais à entrer dans des
négociations sérieuses ayant pour but d'établir une
frontière mutuellement acceptable...
Deuxièmement, le Nigeria pourrait proposer d'acheter
la péninsule de Bakassi au Cameroun...
La troisième option est que le Nigeria et le
Cameroun pourraient chercher à instituer un « régime
collaboratif » qui administrera la frontière en accord avec les
intérêts directs des populations y résidant et pour
l'intérêt mutuel des deux pays.
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Forces camerounaises, face à cette attaque surprise et
le surnombre des troupes nigérianes, vont tout de même essayer de
repousser les assaillants. Déjà à l'intérieur du
territoire camerounais, les Forces nigérianes vont occuper au 21 janvier
1994 les localités de :
- Kombo A Bedimo et Inokoi (Bakassi Point)
- Jabane I et II (Sandy point)
- Diamond (MINDEF 1996 : 1).
Décidées de rallier le territoire
nigérian à la rive sud du Rio Del Rey, elles vont multiplier les
offensives et vont s'emparer en février 1994 de la localité
d'Akwa (Archibong). Pendant ce temps, les Forces camerounaises essayent de se
mobiliser (Opération Delta) en GOS, GOC, GON. Et au cours de leur
attaque sur la localité de Kombo A Janea, elles seront repoussées
par le GOS en poste avancé (MINDEF 1996 : 2). Cette riposte camerounaise
sera considérée par le gouvernement nigérian comme «
une déclaration de guerre », ce qui entraînera plus tard une
intensification des hostilités.
Figure 10: Le
positionnement des Groupements Opérationnels de l'Opération Delta
sur le champ des opérations
![](Les-forces-armees-camerounaises-face-aux-nouvelles-formes-de-menaces--la-securite--dune-arm22.png)
Source :
L'Etat du Cameroun 2008, Page 108.
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Du 2 au 7 février 1996, les troupes nigérianes
investissent plus en profondeur en territoire camerounais (15 Km vers l'est).
C'était une attaque en force sur toute l'étendue de la
presqu'île, des tirs à armes lourdes qui pilonnaient au sol les
Forces camerounaises. Cette offensive leur a permis d'occuper les
localités telles que :
- Sous-préfecture d'Idabato I ;
- Idabato II ;
- Kombo Awase ;
- Kombo A Munja I et II ;
- Guidi-Guidi ;
- Uzama (Messinga 2008 : 109).
Au cours de cette attaque, le Cameroun va perdre environ une
centaine d'hommes et près de 120 seront faits « prisonniers de
guerre », malgré la non déclaration officielle de guerre du
gouvernement nigérian comme du gouvernement camerounais. Cette attaque
massive nigériane de 1996 (artillerie à bloc) va leur permettre
d'occuper les 3/5e de la presqu'île querellée.
Cette escalade périlleuse va amener les Forces
camerounaises à se réinventer d'autant plus qu'il ne leur restait
plus que les 2/3 du territoire sauvegardé par leur courage. A cet effet,
les autorités camerounaises vont armer leurs Forces de 30 vedettes
appelées « Sweep Ship ». C'était des petits bateaux
américains pouvant contenir 10 à 12 personnes à bord et
équipés de 4 mitrailleuses (2 lourdes et 2 légères)
(Messinga 2008 : 109). Ces vedettes étaient le matériel
indiqué pour le combat dans la mangrove qui recouvrait la
presqu'île.
Nanties de ce matériel d'appoint, les Forces
camerounaises dirigées par le Capitaine de vaisseau Oyono Mveng,
commandant de l'Opération Delta, vont organiser une contre-attaque en
mars 1996. Cette contre-attaque surprise va leur permettre de
récupérer certaines localités à la suite de lourdes
pertes nigérianes, environ 2000 hommes tués, des bâtiments
de
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guerre détruits (Jonathan). Au-delà de ces
pertes en vies humaines, près de 150 soldats nigérians seront
faits prisonniers de guerre par le Cameroun, parmi lesquels 4 officiers
d'après le Général d'Armée Pierre
SEMENGUE44. Cet équipement spécifique va permettre aux
Forces camerounaises de maintenir les Forces nigérianes dans leurs
retranchements. Les positions occupées par les deux camps resteront
comme telles jusqu'au dénouement diplomatique d'octobre 2002 au
mépris des mesures conservatoires indiquées à l'attention
des deux gouvernements par l'ordonnance du 15 mars 1996 de la CIJ à la
Haye et de la demande adressée par les membres du Conseil de
Sécurité des Nations Unies le 29 février 1996, pour le
cessez-le-feu et le retour des troupes des deux parties à leurs
positions initiales (Messinga 2008 : 109-110).
Cette lourde perte nigériane (une semaine à
repêcher les corps) a semé le doute dans leurs rangs, raison pour
laquelle elles n'ont plus organisé d'offensives de grande envergure,
même après l'arrêt du 10 octobre 2002 de la CIJ. On
n'observera sur le champ des opérations que quelques actions
isolées perpétrées même le plus souvent par les
militaires camerounais (actions individuelles) ayant le contrôle de la
situation.
De 2002 à 2006, le champ des opérations sera
sous le contrôle camerounais. Mais, l'arrêt de la CIJ
rétablissant la souveraineté camerounaise sur la presqu'île
de Bakassi sera boudée par le Nigeria malgré l'engagement
solennel des deux chefs d'Etats le 5 septembre 2002 à Saint-Cloud, en
présence du Président français Jacques Chirac et du
Secrétaire général de l'ONU, Koffi Annan. Ainsi, le
retrait des troupes nigérianes imposé par l'arrêt de la CIJ
ne sera pas effectif d'après la déclaration officielle de son
intention de rejeter le verdict de la CIJ le 23 octobre 2002. Le Nigeria
justifie ce rejet par deux raisons : d'abord l'impartialité du
Président français de cette juridiction Gilbert Guillaume et des
juges
44 Révélation au cours d'un entretien
dans son Hôtel sis au Quartier Général.
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allemands et anglais, dont le travail s'est réduit
à la confirmation des accords conçus par leurs aînés
; ensuite le refus d'abandonner ses intérêts et surtout son peuple
vivant à Bakassi. Le communiqué commis à cet effet
mentionne : « En tant que Nation régie par la loi, nous devons
continuer à exercer notre juridiction sur ces zones en accord avec la
constitution. A aucun prix, le Nigeria n'abandonnera son peuple et ses
intérêts. Pour le Nigeria, ce n'est pas une question de
pétrole ou de ressources naturelles sur les terres ou eaux
territoriales. Il s'agit du bien être et de la santé de son peuple
sur ses terres ». En marge de cette version officielle, le Nigeria
considère cette décision comme une atteinte à son statut
de puissance sous régionale, un déshonneur pour lui qui devrait
inspirer respect et crainte aux autres Etats (Messinga 2008 : 110).
Cet état d'esprit va se matérialiser sur le
terrain par le maintien de l'Opération « Harmony IV» sur les
positions occupées. Il était question pour les Forces
nigérianes d'entretenir la souveraineté nigériane sur les
localités qu'elles occupaient à défaut d'une occupation
totale de la presqu'île. Aussi, les Forces camerounaises avaient pour
mission de maintenir les Forces nigérianes dans leurs retranchements.
Cette mission était dirigée par le Commandant B2/B3 GOS
relativement aux consignes particulières :
- Le B3 (3è bataillon) était chargé des
opérations défensives et offensives ;
- Le B2 (2è bataillon) s'occupait des renseignements.
Le chef B2/B3 GOS exécutait les tâches suivantes
au quotidien :
· Suivi de l'instruction
· Faire des TD (travaux dirigés) de relève
et d'arrivée sur la zone des personnels suivants : COM GOS, CES/GOS,
B1/B4, B2/B3, armuriers, détachement Milan. Il faisait aussi les TD de
préparation de relève 01 mois avant et 02 semaines avant.
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· Faire le programme hebdomadaire d'instructions dont la
copie doit être adressée à COM DELTA tous les jeudis et
comptant pour les semaines à venir.
· Tenir le registre des mouvements et activités du
groupement appelé « journal de marche des opérations
».
· Mettre à jour le tableau des relèves.
· Visiter les postes de combat du groupement (01
fois/semaine).
· Effectuer la relève des unités.
· Effectuer les patrouilles.
· Chasser les pêcheurs nigérians.
· Insécuriser en permanence la zone de
responsabilité camerounaise.
· Récupérer les pirogues ou embarcations
avec personnels et contenu et les mettre à la disposition de la
prévôté pour besoin d'enquête.
· Avoir le souci de la bonne utilisation des
embarcations.
· Faire respecter les consignes de COM DELTA sur la
navigation sur zone et en particulier la navigation de nuit est interdite sauf
cas de force majeure.
· Tout mouvement d'embarcation doit être
ordonné par le COM GOS.
· Faire garder une attitude militaire (port de la
tenue).
· Respecter scrupuleusement les degrés d'alerte
(1-2-3)
· Respecter l'envoi des pièces
périodiques.
· Veiller à la bonne conservation des cartes et
autres documents officiels.
· Pouvoir faire un compte rendu instantané,
précis et détaillé sur la
Nature, le Volume et
l'Armement (NVA) des Forces nigérianes.
· Entretenir le moral des hommes.
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· Riposter efficacement à toute attaque par des tirs
à tuer
· Le B2/B3 est conseiller maritime du COM GOS
· Le B3 établit pour le groupement des ordres de
conduite et d'opération (Messinga 2006 : 70-72).
C'est grâce au respect de toutes ces consignes que les
Forces camerounaises ont pu retenir les Forces nigérianes jusqu'à
leur retrait au lendemain des accords de Greentree avec comme bilan :
~ Sur le plan humain, le Cameroun a perdu environ 200
à 300 hommes sans compter les disparus à l'instar du
médecin porté disparu à la suite d'un accident
d'hélicoptère. Le Nigeria quant à lui a perdu environ 2000
à 3000 hommes dans cette guerre. Le bilan nigérian le plus lourd
a été enregistré lors de la riposte camerounaise en mars
1996 à Kombo A Janea (2000 morts environ). A coté de ces pertes
en vie humaine, on peut ajouter les prisonniers de guerre qui ont
été libérés à la suite de l'échange
organisé à Yaoundé en juin 2006 par les deux gouvernements
sous l'égide de la Croix Rouge Internationale. Le Cameroun a
libéré environ 150 prisonniers nigérians parmi lesquels le
corps du Capitaine Foutoumbe, mort en captivité à Yaoundé.
Le Nigeria à son tour en a libéré environ 120 parmi
lesquels deux corps des sous officiers rapatriés.
~ Sur le plan matériel, le Cameroun a perdu trois (03)
hélicoptères (deux sont tombés en mer, un a
été emporté par un tourbillon marin et est allé
tomber à 500 mètres de la côte et à 300
mètres de profondeur de la mer) ; un sweep Ship ; beaucoup d'armes et de
munitions lors de la prise d'Idabato I et II par les Forces nigérianes
en février 1996. Le Nigeria quant à lui a perdu trois
bâtiments de guerre parmi lesquels le « JONATHAN »
détruit par les fusiliers marins commandos camerounais encore
appelés « hommes
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grenouilles » ; beaucoup d'armes et de munitions
abandonnées lors de la riposte camerounaise de mars 1996.
D'après des sources militaires nigérianes
officieuses, le Nigeria a perdu environ 1 millier d'hommes ; quelques disparus
; une centaine de prisonniers de guerre. Le Cameroun en a perdu des centaines
d'hommes ; une centaine de prisonniers également. Sur le plan
matériel, quelques frégates, beaucoup d'armes et de munitions ont
été perdues par le Nigeria contre des hélicoptères,
des corvettes, des embarcations légères, des armes et des
munitions en grand nombre du coté camerounais.
En faisant la moyenne de ces deux versions de bilan, il
apparaît que le Nigeria paye le tribut le plus lourd dans cette guerre.
Non seulement il n'a pas pu s'approprier la presqu'île par la force des
armes, mais aussi il a connu des pertes insoupçonnées devant le
Cameroun. Une telle situation ne correspond pas aux prévisions d'avant
la guerre, lorsqu'on se réfère au potentiel militaire du Nigeria
considéré comme première puissance de la sous
région (Messinga 2008 : 111-112).
A la question de savoir qu'est ce qui a fait le mérite
des Forces camerounaises dans cette guerre, le Général
d'Armée Pierre SEMENGUE évoque la qualité des hommes et la
spécificité de l'armement :
· Le Nigeria a mobilisé pour cette guerre environ
10000 hommes de formation au rabais (45 jours environ de formation) et beaucoup
de moyens mal organisés. Le Cameroun de son coté a
présenté 2000 hommes environ, nantis d'une formation de haute
facture (deux ans) et des moyens limités, mais spécifiques,
c'est-à-dire adaptés pour le combat dans la mangrove. Le Nigeria
était assez équipé pour la parade, mais manquait
d'équipement de combat dans la mangrove au début de la guerre
;
· La qualité de l'organisation des Forces
camerounaises a primé également, c'est-à-dire leur sens de
la discipline et leur cohésion devant une Armée nigériane
indisciplinée et politisée par des
hommes d'affaires. L'Armée nigériane n'est pas
comme l'Armée camerounaise le creuset de l'unité nationale
(Messinga 2008 : 111- 112).
Mais, l'évolution géopolitique et
géostratégique du contexte de défense et de
sécurité nationale et internationale marqué par
l'émergence des nouvelles menaces imposera une redéfinition de la
doctrine d'emploi des Forces Armées camerounaises. Cette
redéfinition sera imposée par les attaques multiples avec
succès des pirates de mer sur la presqu'île de Bakassi dans le
Sud-Ouest Cameroun, les prises d'otages permanentes et demandes de
rançons des coupeurs de routes dans le Grand Nord, la criminalité
transfrontalière et le trafic des stupéfiants et êtres
humains de l'Est Cameroun sous l'impuissance des Forces Armées jadis
parées à toutes épreuves.