2) LA MONTÉE EN PUISSANCE DES FORCES ARMÉES
CAMEROUNAISES
La montée en puissance des Forces Armées se
réalise sous l'impulsion d'un arsenal juridique (a) en trois phases
principales (b).
a) L'ARSENAL JURIDIQUE
Au texte fondateur des Forces Armées camerounaises va
s'ajouter un arsenal juridique qui s'attellera à organiser,
règlementer les divers domaines de la défense militaire. On peut
ainsi noter :
- L'ordonnance n°59/199 du 12 novembre 1959, fixant les
conditions de recrutement de l'Armée camerounaise. L'article
1er, sur le principe du recrutement de l'Armée camerounaise,
précise que « tout citoyen camerounais peut contracter un
engagement aux conditions suivantes : avoir dix huit ans accomplis, vingt cinq
ans au plus ; jouir de ses droits civiques et politiques ; être pourvu du
consentement de son père, mère ou tuteur pour les jeunes gens
âgés de moins de vingt ans ; avoir obtenu le certificat d'aptitude
physique ; savoir lire et écrire ». Le second article dispose que
les candidats doivent être de nationalité camerounaise. Plus loin,
il est fixé
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la durée de l'engagement à trois ans et, le nombre
de centres de recrutement crée est de trois : Yaoundé, Douala et
Garoua.
- L'arrêté n°3/697 du 12 novembre 1959,
fixant recrutement du premier contingent de l'Armée camerounaise. Pour
l'essentiel, l'article premier dispose que « le premier contingent de
recrues est fixé à trois cent ». Les articles 2 et 3
respectivement fixent les lieux des opérations de recrutement dans
chaque chef lieu de département et, fixe les prérogatives des
détachements préfectoraux de la garde nationale en matière
d'encadrement et d'incorporation des recrues.
- Le décret n°59/6 du 16 janvier 1959 portant
réglementation de la délivrance des brevets et insignes de
l'ordre de la valeur et du mérite camerounais ainsi que la perception
des droits de chancellerie. Il faut dire que le métier des armes
n'intéressait pas les jeunes camerounais après l'accession
à l'indépendance en 1960. Ces derniers sont plus
intéressés à la politique et aux idées
nationalistes très à la mode à l'époque. Par
ailleurs, l'Armée est considérée comme le bras
séculier de l'ancienne puissance tutélaire. Il fallait donc
trouver des moyens pour intéresser ces jeunes indispensables à la
mise sur pied de l'Armée nationale.
- Le décret n°59/93 du 1er juin 1959,
fixant le régime de rémunération applicable aux
camerounais suivant les stages et formations hors de l'Etat du Cameroun. Dans
le même esprit que le décret précédent, des
avantages pécuniaires sont offert aux jeunes camerounais pour les stages
et formations effectués à l'étranger.
- Le décret n°60/198 du 27 octobre 1960, portant
organisation générale du Ministère des Forces
Armées (MINFA). Cette première organisation du Ministère
des Forces Armées est composée de deux grandes structures : une
Direction du cabinet et un Etat Major général des Forces
Armées (article 1er). Elles sont chargées de
l'organisation, de la mise en condition, de la mobilisation et de l'entretien
des Forces Armées, ainsi que de la constitution des approvisionnements
nécessaires à la mise en place des
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Forces (article 5). Il est également crée un
commandement supérieur des Forces terrestre ayant sous son
autorité, les différents bataillons :
- La garde civique Bamiléké ;
- Les corps francs du Mungo ;
- Les guerriers du Noun.
Figure N°4 : Quelques
éléments de la garde civique de l'Ouest
Source : Le Magazine des
Forces Armées camerounaises Honneur et Fidélité,
numéro spécial du 20 Mai 2010, Page 7.
- Le décret n° 61/22 du 16 mars 1961 portant
création et organisation du service de renseignements militaires et de
la sécurité des Forces Armées du Cameroun. Ce
décret donne à ce service deux types de missions. D'une part, une
mission de renseignement militaire à travers une recherche active et
spécialisée. D'autre part, une mission de sécurité
décelant, neutralisant ou éliminant les individus ou
organisations portant atteinte ou susceptible de
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porter atteinte à la sécurité des Forces
Armées ; d'élaborer les mesures de protection du secret, du
moral, du potentiel matériel utiles à garantir la
sécurité des Forces Armées et d'en contrôler
l'exécution.
- Le décret n°252/PR/FA du 6 novembre 1961, fixant
les conditions de mariage militaires. L'objectif recherché à
travers ce texte est la disponibilité des militaires camerounais.
L'idée ici est celle de la loyauté à la nation et non au
ménage. A ce titre, une période de célibat obligatoire a
été fixée : trois (3) ans pour les officiers et cinq (5)
ans pour les personnels non officiers. Par cette contrainte, la
hiérarchie militaire s'assurait de la disponibilité totale des
soldats pour mener à bien les diverses missions des Forces Armées
camerounaises. Parfois jugée inégale par les personnels non
officiers, la durée de célibat a été ramenée
à trois (3) ans, depuis 1994, pour toutes classes de l'Armée
camerounaise.
- Le décret n°64/DF/75 du 21 février 1964,
portant nomination de l'Attaché militaire camerounais en France. Compte
tenu du manque criard des cadres camerounais dans les Forces Armées
camerounaises nouvellement créées, les autorités ont
jugé nécessaire de former de jeunes camerounais dans les
écoles étrangères et particulièrement en France. Il
faut rappeler ici que les autorités militaires françaises, par
nécessité d'une africanisation rapide des cadres, vont
créer à Fréjus, l'école de formation des officiers
du régime transitoire des troupes d'outre-mer (EFORTOM). La plupart des
sous-officiers qui passent officier au lendemain de l'indépendance vont
y effectuer leur formation d'élève-officier. Par contre, les
jeunes camerounais ayant été admis au baccalauréat peuvent
directement rentrer à l'école spéciale militaire de Saint-
cyr.
- Le décret n°66/DF/283 du 18 juin 1966, portant
organisation du commandement de l'Ecole Militaire Interarmes (EMIA). Ce texte
intervient à un moment ou la « camerounisation » des cadres se
fait de plus en plus préoccupante. De faite, les autorités
politiques du Cameroun, ayant décidé d'accélérer le
processus de remplacement des cadres français en service
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dans l'Armée camerounaise, vont décider de la
création de l'EMIA afin de pourvoir les Forces Armées nationales
en cadres nationaux. Néanmoins, cette école va, pendant plusieurs
années, rester sous le commandement des cadres français.
- La loi n°67/LF/9 du 12 juin 1967, portant organisation
générale de la défense camerounaise. C'est le texte
fondamental de la défense camerounaise. Organisé autour de six
(6) titres et de quarante (40) articles, la loi de 1967 définit les
grandes lignes de la défense du Cameroun. Elle prend en compte tous les
aspects de la défense (moyens en matériels et en personnels),
organise le commandement opérationnel du territoire et définit
les prérogatives des autorités politiques et militaires dans le
cadre de la défense du territoire camerounais.
- Le décret n°69/DF/61 21 février 1969,
rendant obligatoire la préparation militaire pour les
élèves de certaines écoles et pour certaines
catégories de personnels entrant dans la fonction publique
fédérale. La préparation militaire obligatoire a
été mise en place compte tenu des préoccupations de la
politique de défense du Cameroun. Celle-ci étant basée sur
un concept stratégique de défense populaire. Les autorités
camerounaises ont jugé nécessaire de donner une formation
militaire aux citoyens camerounais aptes et particulièrement aux futurs
cadres de la République issus des grandes écoles. Dans son
article 2, il est dit que « avant d'être admis à effectuer
leur stage d'admission dans la fonction publique fédérale, les
jeunes gens diplômés d'une faculté ou école donnant
accès à la catégorie A sont tenus, s'ils ne justifient pas
d'un diplôme, brevet ou certificat de préparation militaire,
à effectuer une période de service militaire de quatre mois qui
est pris en compte dans les durées du stage et des services des
intéressés ». Elle participait également au
renforcement du lien Armée/Nation en évitant par là, le
phénomène de cloisonnement entre l'institution militaire et la
société civile. Dans ce sens, Clausewitz évoque les
notions de « moral national » ou de « sentiment national »
indispensable
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au développement cohérent de la Nation. Mais
compte tenu de la conjoncture économique que le Cameroun a connu depuis
la fin des années 1980 et du coût exorbitant de cette formation,
les autorités se sont trouvées obligées d'effectuer des
choix prioritaires au dépend de préparation militaire
obligatoire.
Cette énumération n'est pas exhaustive, mais
assez représentative de la diversité des domaines
réglementés par les autorités camerounaises avant la
définition officielle de la politique de défense du Cameroun en
1970 (Ela Ela 2000 : 60-63).
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