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Les enseignants marocains, entre engagement et prise de distance

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par Rabia EL ANTAKI
Université de Rouen - M1 2010
  

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3.2.4 Vécu pénible et comportement professionnel démobiisateur

L'analyse des données révèle que le vécu des enseignants Marocains est loin d'être plaisant à cause à la fois, d'un environnement physique désastreux et d'un environnement socio-affectif inaccessible et non coopérant. Sous le titre des facteurs causant le malaise des enseignants, Alice F.b. Fracchia , José M. Esteve (1988) parlent des « facteurs qui agissent directement sur le travail de l'enseignant dans sa classe, suscitant alors des sentiments désagréables ; et des facteurs structuraux ou de contexte qui agissent indirectement en diminuant l'efficacité et la motivation de l'enseignant »38 Tous les enseignants enquêtés montrent leur mécontentement de l'infrastructure du lycée. Leur engagement peut se trouver compromis en raison d'une absence quasi-totale d`équipements, de bibliothèque et d'outils éducatifs adéquats. Pour ces enseignants, il s'agit d'un contexte qui s'abstient de proposer les fournitures et les supports éducatifs capables de faciliter leur travail et de fortifier leur élan professionnel.

Pareillement, selon l'analyse des résultats, les changements qui se sont introduits dans ce vécu l'on rendu de plus en plus insupportable car ils attribuent plus de rôles auxquels l'enseignant n'est pas préparé. Doit-il gérer une classe de 50 élèves de niveaux disparates, introduire des TIC dans ses activités, centrer l'apprentissage sur l'apprenant, implémenter les pédagogies de projet et de compétence; ou se soumettre aux circulaires ministérielles et exécuter les activités planifiées afin de couvrir le programme scolaire ? Ces charges multiples peuvent occasionner une démotivation de la part de l'enseignant étant donné qu'il peut s'agir pour lui de buts inaccessibles. ( Philippe Perrenoud 1993)

Plus ce contexte physique pénible, les enseignants se meuvent dans un contexte relationnel plein de soupçons, de divisions, d'incertitudes et de malaise. La majorité affirment qu'il n y a pas de coopération au sein du lycée. Les collègues ne coopèrent presque jamais « les enseignants sont des solitaires : ils ont tendance à partager beaucoup moins leur expérience professionnelle que les personnes d'autres professions dont la nature du travail impose une activité collective » (Marc Durand, Luc Ria et Éric Flavier 2002)39 Ensuite, les enseignants

38 -Op.cit

39 - Marc Durand, Luc Ria et Éric Flavier, La culture en action des enseignants, Revue des sciences de l'éducation, Volume 28, numéro 1, 2002, http://id.erudit.org/iderudit/007150ar

n'entretiennent pas une relation d'égal à égal avec l'inspecteur ou l'administration qui favorisent le control à la collaboration. Beaucoup de proviseurs, au lieu d'engager et de soutenir une culture de coopération au sein des lycées, choisissent la relation verticale (M Fullan 1984). De même, les enseignants pointent du doigt les parents qui n'ont aucun rôle dans la scolarisation de leurs enfants. Il est assez étonnant de savoir que d'après les interviewés, aucun parent n'a jamais pris contact avec un enseignant pour prendre connaissance du parcours scolaire de son enfant. Cette démission parentale peut provenir de stratégies parentales de résistance (Van Zanten 2001), de désintérêt ou de manque de confiance dans le système. Mais ces attitudes parentales au Maroc, ne concernent pas seulement la périphérie, il concerne également le centre. Cet état de fait peut probablement mener à l'isolement de l'enseignant qui a le devoir de faire face tout seul aux situations épineuses de chaque jour. Cet isolement est l'une des raisons possibles d'un éventuel désengagement.

L'analyse des données dévoile que le vécu quotidien de l'enseignant se trouve également influencé par le lieu où s'exerce le métier. S'il s'agit d'une périphérie (D Butlen - 2002), ce vécu se complexifie avec des élèves qui ont un niveau assez bas et souffrent d'inhibitions même s'ils sont plus disciplinés par rapport aux élèves du centre qui, quand à eux sont plus entreprenants vis-à-vis leur apprentissage. Et comme il a été avancé dans le cadre théorique de la présente recherche, une approche unidimensionnelle caractérise le système éducatif Marocain : aucune différentiation entre la périphérie et le centre n'est prise en considération. Toutefois, selon les données de la présente recherche, l'enseignant Marocain préfère avoir de l'autorité et travailler dans la périphérie avec des élèves respectueux qu'avoir des élèves moins respectueux mais avec des attitudes entreprenantes. Son souci d'une image valorisante prend le dessus sur le but essentiel de son travail qui est celui de centrer l'apprentissage. La marginalisation de la périphérie est l'un des éléments qui a été également mentionné. L'analyse des données dévoile que cette marginalisation implique un éloignement des élèves des nouveautés et un abandon des filles du lycée en vue de se marier ou tout simplement de rester à la maison (Naïma Chikhaoui 2007)40. Une telle atmosphère de retrait, pourrait influer sur la qualité de l'apprentissage d'une part et sur des attitudes de retrait de l'enseignant à l'instar du lieu ou il travaille puisque l'analyse des données a démontré qu'entre le travail de l'enseignant dans la périphérie ou dans le centre, il ya des différences très significatives dont

40 - Naïma Chikhaoui, Du droit à l'école à la reconnaissance de l'adolescence pour la jeune fille marocaine dans N Chikhaoui - Carrefours de l'éducation : cairn.info, 2007

les enseignants ne sont peut être pas conscients. Une très grande majorité des enseignants travaillant dans la périphérie adoptent des attitudes de démobilisation à cause de ce retrait et de cette marginalisation qu'ils sentent. En revanche la moitié des enseignants travaillant dans le centre s'accrochent et disent pouvoir être positifs en montrant plus de satisfaction et d'engagement vis-à-vis leur métier.

L'analyse des données révèle aussi que les enseignants sont conscients des éléments capables de pouvoir les engager plus dans leur métier. D'après l'analyse, ce qu'il leur faudrait, c'est d'abord une coopération de tous les acteurs sociaux au sein d'un contexte éducatif déstressé. Ensuite il faudrait opter pour une conduite éducative appropriée qui avantage la qualité et non la quantité des apprentissages, qui prend en considération les réalités de l'enseignement Marocain et qui implique l'enseignant dans la prise de décisions éducatives. L'analyse révèle aussi que les affectations lointaines auxquelles les enseignants doivent s'assujettir pourraient agir sur leur démotivation. En outre, les enseignants confirment leur requête de valorisation morale et matérielle, ils avouent aussi qu'une ouverture et des conduites innovatrices de leur part pourraient améliorer leur vécu et par conséquent agir sur leur engagement de manière positive. L'amélioration de ce vécu peut se faire aussi à travers des investissements dans les projets éducatifs, des activités parascolaires et des formations à la hauteur des besoins éducationnels Marocains. Tous les éléments cités ci-dessus résument les quatre facteurs avancés dans l'hypothèse comme pouvant influer l'engagement ou le désengagement des enseignants Marocain à savoir : la formation, la pratique, la perception et le vécu quotidien.

Ce qui confirme l'hypothèse de la présente recherche c'est que les données montrent que les jeunes enseignants ne persistent pas vraiment dans le métier volontairement à cause d'un parcours non formateur, d'une pratique désuète, d'une vision trop défaitiste et d'un vécu considéré sans issue. Par contre, les enseignants en mi-carrière, malgré leur parcours non formateur, leur image trop idéalisée de leur égo, et une vision trop pessimiste de leur vécu, la moitié d'entre eux disent implémenter des méthodes réflexives, et disent persister dans le métier parce qu'ils peuvent être positifs. Serait ce que l'implémentation de pratiques réflexives augmente l'engagement ? Quand aux anciens, il s'agit d'un pourcentage très élevé renvoyant à la persistance volontaire bien que La majorité d'entre eux n'ont pas eu de parcours professionnel formateur, utilisent des méthodes traditionnelles, se considèrent comme inéluctablement efficaces et ont les mêmes attitudes quand au vécu pénible. Pourquoi cette volonté de persistance alors ? L'analyse démontre donc, que la première catégorie se désengage car ni le choix initial, ni la persistance ne sont volontaires. Le parcours non

professionnalisant renforce ce désengagement dans la mesure où ces enseignants ne sont pas préparés aux réalités du terrain d'une part, et ne sont pas non plus initiées aux évolutions du métier. En outre, leur vision négative de leur travail fait qu'ils sentent que leur vécu est douloureusement malheureux. La deuxième catégorie appartient à ce qu'on peut appeler « catégorie plutôt engagée ». Il s'agit là d'enseignants dont la moitié a choisi le métier consciemment et y persistent de la même manière. Ils savent qu'il s'agit d'un métier difficile et d'un vécu laborieux, mais ceci ne les empêche pas de continuer à se voir comme efficaces puisqu'ils essaient par le peu de moyens qu'ils ont de pratiquer la réflexivité et d'introduire dans leurs classes des méthodes capables de faire une différence pour leurs élèves et pour euxmêmes. La dernière catégorie est celle qui opte pour un « engagement traditionnel ». Ces enseignants expérimentés se sont armés, avec le temps, de méthodes traditionnelles enracinées qui sont pour eux opérantes puisqu'ils affirment pouvoir faire leur travail efficacement en gardant une image bien valorisante de leur égo et en persistant délibérément dans le métier.

Si l'hypothèse de la présente recherche avance que la formation, la pratique, la perception du métier et le vécu quotidien peuvent jouer un rôle déterminant dans l'engagement ou le désengagement des enseignants Marocains, l'analyse des données a démontré qu'en effet, ce qui peut engager les enseignants c'est une formation adéquate qui fournit des remises à niveaux et des compétences capables de préparer les enseignants à faire face à une pratique évolutive et transformatrice, car la formation présentée au enseignants Marocains a montré qu'elle n'agit pas sur leurs pratique puisqu'elle demeure trop théorique. En outre, les deux perceptions individuelle et sociale de l'enseignant sont plutôt catégoriques : elles sont ou bien valorisante ou dévalorisante. C'est peut être une perception plus réaliste qui manque aux enseignants. Celle-ci peut les aider à faire face aux difficultés d'un tel métier en acceptant leur vécu et en s'inscrivant dans des démarches mélioratives engageantes. Cependant, une mobilisation se basant sur les ressources subjectives (Wittorski 2007) de l'enseignant, n'est pas suffisante, l'amélioration du contexte sociale impliquant l'infrastructure et les relations professionnelles peuvent tout aussi engager les enseignants.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams