A. La route, facteur d'une économie
sous-régionale intégrée
On note en Afrique occidentale une forte proportion de la part
du coût des transports dans la valeur marchande des produits à
l'exportation avec par exemple 36% pour le Mali contre 9% dans les pays
développés et 17% pour l'ensemble des pays les moins
avancés. Ce faisant, l'implication de cette situation est la hausse des
prix des produits de consommation de base.
L'espace UEMOA est loin d'être un îlot de
prospérité socio-économique tel qu'en rêvent les
dirigeants. Actuellement, les approches adoptées par les Etats sont
plutôt celles d'économies concurrentielles, essentiellement
basées sur des activités de rentes. Celles-ci sont soit d'origine
agro-exportatrice, soit d'exploitation minière à l'état
brut, soit de commerce de
réexportation avec une économie d'entrepôt
qui tend à transformer la région en de véritables «
poubelles » des pays industrialisés. Par ailleurs, les
échanges entre les Etats de la région sont estimés
à seulement 15%. Le reste (85%) se fait avec l'extérieur, mais
à des conditions qui ne permettent pas de tirer profit de ces
activités commerciales27. Cette désintégration
de l'économie sous-régionale est non seulement le fait de la
similitude des conditions naturelles et humaines mais davantage découle
de l'inexistence des voies de communications terrestres pour le
déplacement des moyens de production et des produits.
Il est temps d'inverser cette tendance extravertie de
l'économie de la sous-région par la diversification des
productions et par le renforcement du support physique des échanges. La
politique d'aménagement du territoire devrait également mettre
l'accent sur la création de meilleures opportunités de
développement en renforçant la complémentarité des
économies. Par exemple, la crise ivoirienne a mis en évidence
l'insuffisance et les grands déséquilibres du maillage et des
liaisons entre les villes côtières et celles de l'intérieur
de la région. En effet, l'analyse du fonctionnement de l'espace montre
que les réseaux urbains sont déséquilibrés et mal
connectés, faute de réseaux routiers intégrés, de
chemins de fer achevés et de moyens de transport adéquats.
B. La route, véritable stimulateur du
développement communautaire
Sur le plan social, la pauvreté demeure une
préoccupation quotidienne dans les Etats membres. Le
phénomène est aggravé par d'autres fléaux tels que
le Sida, le paludisme et l'analphabétisme. En effet, la plupart des
indicateurs sociaux de l'Union sont à des niveaux peu satisfaisants. Le
nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté se situe
à 45 % en moyenne de la population totale. Le taux de mortalité
infantile (0 à 1 an) est estimé à 103 %o contre 92 %o pour
l'Afrique subsaharienne. Les taux de scolarisation primaire et secondaire se
situent, respectivement, à 64 % et 15 %, contre 77 % et 27 % pour
l'Afrique Subsaharienne. L'espérance de vie à la naissance y est
de 47 ans, au même niveau que celui de l'Afrique Subsaharienne.
Dans l'ensemble de l'espace UEMOA, la question du
développement reste une préoccupation majeure. Les graphiques
n°s 4 et 5 conçus à partir des données du
Bilan du monde 2007 : L'Atlas de 174 pays, la situation économique
internationale28, présentent les principaux
déterminants socio-économiques dans les différents pays et
dans l'ensemble de
27 Cette situation découle d'une situation
différenciée entre pays côtiers et pays de l'hinterland.
Les premiers, du fait de leurs ports, sont des lieux de transit au profit des
seconds qui ne peuvent échanger essentiellement qu'avec le moyen
portuaire.
28 Le Monde : Bilan du monde 2007 : L'Atlas de 174
pays, la situation économique internationale, Le Monde, Hors
série, pp. 41, 89 et 125
l'espace communautaire. Ces graphiques établissent
respectivement le PNB par habitant et l'indice du développement humain
dans les différents Etats de l'espace.
Figure n° 5: PNB/hab. dans les pays de l'UEMOA
0
Bénin
900
800
700
PNB/Hab.
600
500
400
300
200
100
Burkina Faso
Côte d'Ivoire
Guinnée Bissau
Mali
Niger
Sénégal
Togo
UEMOA
510
400
840
370
380
240
710
350
475
PNB/hab.
Pour évaluer le niveau de développement des pays
du monde, l'on a recours à des indices qui sont soit le Produit
Intérieur Brut (PIB) soit le Produit National Brut (PNB). Le PIB, en
comptabilité nationale, est la somme des valeurs ajoutées (biens
et services) réalisées annuellement sur le territoire national
par les entreprises d'un pays, quelle que soit leur nationalité. Quant
au PNB, c'est la somme totale du PIB et du solde des revenus de facteurs de
production transférés par l'étranger et/ou à
l'étranger. Il est souvent retenu pour caractériser la puissance
économique d'un pays. Dans l'UEMOA et au regard du graphique n°5,
il est en moyenne de US 475 $. Sur cette base, seuls la Côte d'Ivoire, le
Sénégal et le Bénin avaient en 2007 un PNB
supérieur à la moyenne communautaire avec 840, 710 et 510 dollars
US dans le même ordre. Dans le même temps, le Niger et le Togo, par
exemple, ne présentent que 270 et 350 dollars US par habitant et par an
respectivement.
A l'évidence, la moyenne régionale reste encore
bien loin de celle des autres pays en développement, des pays
émergents ou des pays développés. On peut ainsi noter que
l'Angola et le Cameroun ont un PNB de 1350 et 1010 dollars US contre 3460 et
1740 dollars US pour le Brésil et la Chine. En ce qui concerne les pays
développés, ils ont un PNB plus élevé, se situant
autour de 38 980 et 34 810 dollars US pour le Japon et la France à titre
indicatif.
Cependant, cette donnée qui caractérise la
puissance économique ne traduit pas réellement le niveau de
développement du pays. Aussi a-t-on recours à l'Indice de
Développement Humain (IDH) dont la valeur par pays est
présentée sur la figure n° 6.
Figure n° 6: IDH dans les pays de l'UEMOA
0,5
0,4
IDH
0,3
0,2
0,1
0
Bénin
IDH
0,44
0,33
0,4
0,34
0,49
0,46
0,42
0,42
0,31
0,6
Burkina Faso
Guinnée Bissau
Niger
Sénégal
Togo
UEMOA
Côte d'Ivoire
Mali
L'Indice de Développement Humain (IDH), est un
indicateur économique servant à évaluer le niveau de
développement d'un pays et reposant sur trois éléments
fondamentaux : la longévité (espérance de vie à la
naissance), le savoir (taux d'alphabétisation et de scolarisation) et le
niveau de vie (PNB par habitant). Dans son appréciation, plus il se
rapproche de 1, plus le niveau de vie du pays est élevé. Il est
en moyenne de 0,405 dans l'UEMOA et dénote du niveau de pauvreté
qui y règne.
Mais, la situation diffère d'un pays à un autre.
Ainsi, le Togo, le Sénégal, la Guinée, le Bénin et
la Côte d'Ivoire ont un IDH respectif de 0,495 ; 0,460 ; 0,445 ; 0,428 et
0,421. Quant aux autres pays, leur IDH est inférieur à la moyenne
communautaire.
Toutefois, il faut préciser que l'IDH des pays de
l'UEMOA les placent très loin dans le classement mondial des pays
riches. A ce titre, on peut citer la France et les Etats-Unis qui ont un IDH de
0,942 et 0,948 dans le même ordre. Avec l'IDH le plus élevé
de la zone, le Togo, par exemple, est classé 143ième
pays sur 177 classés. Quant au Niger, son IDH de 0,311 le place
simplement en dernière position du classement mondial.
En définitive, notre analyse nous permet d'avancer que
la zone UEMOA constitue une véritable poche de pauvreté dans le
monde et que des efforts doivent être faits en vue de la rendre plus
viable économiquement. A ce sujet, le développement des
infrastructures de transports routiers constitue une voie idoine pour y
parvenir.
Dans un article intitulé « Des infrastructures
pour le développement » paru dans Jeune Afrique hors série
n°12 : l'état de l'Afrique en 2006, Gobind NANKANI,
vice-président de la Banque Mondiale pour l'Afrique, pense qu'à
l'heure où l'Afrique et ses partenaires élaborent des
stratégies pour réduire la pauvreté et doper la
croissance, la construction d'infrastructures fait figure de priorité.
Elles conditionnent à son avis autant le bien-être des hommes que
la croissance économique.
A cet effet, il affirme que les infrastructures de transport
sont au coeur de la stratégie de la Banque Mondiale pour l'Afrique. Leur
amélioration devrait accroître la productivité,
libérant les potentialités pour l'agriculture, une
activité qui emploie près de 75% d'Africains.
Dans cet ordre d'idées, pour réduire la
pauvreté en Afrique d'ici 2015, les pays africains devront porter leur
niveau de croissance à 7% par an. Une infrastructure inadéquate
rendra plus difficile cet objectif. Une étude de la Banque Mondiale
montre que si le niveau des infrastructures de communication avait
été dans les années 1980 comparable à celui de
l'Asie de l'Est, le taux de croissance annuel en Afrique afficherait
aujourd'hui 1,3 point de plus. Dans la réalité, au cours de ces
années, l'aide au développement provenant de l'étranger
consacrait 4 milliards de dollars aux infrastructures. Cette enveloppe a
été réduite, pour n'atteindre que 2,4 milliards de dollars
en 2003. Dans le même temps, l'élan attendu par le secteur
privé ne s'est jamais concrétisé et les investissements
privés ont été plutôt absorbés par les
télécoms et se sont focalisés sur l'Afrique du
Sud29.
Cependant, outre la nécessité de mettre en place
les infrastructures routières pour conforter l'unité nationale,
doper l'économie des Etats, réaliser l'intégration de ces
Etats et la croissance de l'économie communautaire, il y a lieu de noter
que la levée des barrières tarifaires et non tarifaires ainsi que
des autres obstacles à la fluidité des transports participe
à la construction d'un espace communautaire économiquement viable
et homogène.
29 NANKANI G. (2006) : Des infrastructures pour le
développement, in Jeune Afrique : L'état de l'Afrique en 2006
: 53 pays à la loupe, hors série n°12, page 75.
Chapitre 2 : COMMENT RENTABILISER LES INFRASTRUCTURES
ROUTIERES DANS L'ESPACE UEMOA ?
La Recommandation n°04/97/CM du 21 juin 1997 du Conseil
des Ministres en charge des transports de l'UEMOA énonçait dans
son préambule le rôle primordial des infrastructures et des
transports routiers dans la réalisation de l'intégration
économique des Etats membres de l'UEMOA. Aussi ajoutait-elle la
nécessité d'entreprendre, à court et moyen termes, des
actions prioritaires, en matière d'infrastructures et de transports
routiers, dans la perspective de l'élaboration et de la mise en oeuvre,
à terme, d'une politique sectorielle commune des transports.
Pour la Commission Economique pour l'Afrique (CEA), les
transports sont indispensables pour la réalisation des Objectifs du
Millénaire pour la Développement (OMD) et de ceux de
l'intégration en Afrique. Il faut, pour ce faire, absolument renforcer
la compétitivité de l'Afrique sur les marchés mondiaux et
régionaux en réduisant le coût élevé des
transactions qui est aggravé par le mauvais état des
infrastructures de transport30.
En s'inspirant des conclusions du Conseil des Ministres des
Travaux Publics et des Transports des Etats membres de l'UEMOA, réuni le
30 mai 1997 à Ouagadougou (Burkina Faso), la Recommandation invite les
Etats membres de l'UEMOA à mettre en oeuvre, à court et moyen
termes, un Programme d'Actions Communautaires des Infrastructures et des
Transports Routiers (PACITR), s'articulant autour des axes qui prennent en
compte le plan institutionnel, ceux des infrastructures routières, des
transports et de la sécurité.
Sur cette base, pour tirer un plus grand profit de la route
dans l'environnement d'étude, l'Union doit renforcer ou mettre en place
les institutions et les infrastructures routières (Section 1) puis lever
les obstacles liés à la fluidité des transports tout en
renforçant la sécurité sur les routes (Section 2).
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