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L'enseignement/apprentissage en langues nationales: une alternative au renforcement des compétences intellectuelles pour un développement durable

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par Aristide Adébayo ADJIBODOU
Université d'Abomey-Calavi (BENIN) - DEA en Sociolinguistique 2006
  

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3.7. Quels blocages pour l'enseignement/apprentissage en langues nationales ?

« Où se situent donc exactement les blocages ? », s'étonne KESTELOOT (1992). Quand les décisions sont prises qu'est-ce qui empêche leur exécution ? La réponse est aisée, s'empresse t-il de répondre : « L'intendance ne suit pas. Pas de publications, pas de manuels, pas d'enseignants aptes à s'exprimer dans la langue locale »69

La crainte profonde pourrait aussi être que le développement des langues nationales comme vecteurs d'enseignement sera nuisible à l'apprentissage du français. Dans ce que KESTELOOT appelle "la guerre des langues", il affirme « Ni les expériences au Zaïre ou au Nigeria (où l'on constate que toutes les études primaires en langues africaines n'ont jamais empêché un excellent apprentissage du français ou de l'anglais, ni les études et tests psychologiques (qui ont abondamment prouvé que la personnalité et l'intellect se développaient mieux, en divisant la difficulté d'appendre à la fois la lecture, l'écriture et une langue étrangère), ni la baisse régulière du niveau de connaissance du français dans les écoles, puis les lycées, puis les universités africaines,

67 Les départements ici tiennent compte des anciens découpages.

68 La proposition du yoruba à enseigner dans la région méridionale (départements du Zou et des Collines) rejoint à juste titre la proposition faite par le Professeur IGUE dans son article intitulé « Plaidoyer pour l'utilisation du yoruba standard dans les écoles au Bénin », qui démontre qu'il est plus économique pour les Yoruba du Bénin d'utiliser comme médium d'enseignement le yoruba standard lorsque l'introduction des langues nationales sera effectif.

69 KESTELOOT, L., 1992, "Place, enfin, aux langues nationales" in Diagonales n° 21, p. 24.

rien de tout cela n'a pu ébranler l'intime et sincère conviction de ceux qui croient défendre le français en supprimant les langues africaines de l'horizon scolaire. Car il s'agit d'un refus, implicite bien sûr, jamais exprimé, mais néanmoins radical »70

Le blocage se note aussi au niveau des Africains eux-mêmes, et c'est là où il faut le changement le plus souhaité. En effet, certains cadres africains doutent profondément que les langues nationales « soient utiles pour la "carrière" dans une administration où la langue officielle est le français »71. Ce qui est désespérant, « c'est de voir que des parents africains privent leurs enfants de la langue maternelle, sous prétexte que, grâce à l'apprentissage du seul français, ils iront plus vite dans leurs études et deviendront des gens bien »72. Les parents attendent plutôt que les enfants apprennent à lire et à écrire le français. Ils savent que dans les milieux dits "nobles" ou "modernes", le français est un "passeport" psychologique et social. Car, « si le français n'est pas la langue maternelle de l'enfant africain, il est toujours de manière partielle ou exclusive sa langue d'enseignement et de ce fait, il est vécu comme un facteur de promotion sociale »73.

L'agitation du « drapeau noir du tribalisme toujours menaçant »74 constitue une justification facile à la crainte permanente d'éventuels conflits immédiats ou futurs qui adviendraient du choix d'une ou de quelques langues dans des Etats qui en comptent des dizaines. Seulement, ajoute KESTELOOT, « nul ne songe à regarder du côté de la suisse (trois langues nationales enseignées), de la Belgique (deux langues) et même de l'Alsace où le français rivalise avec l'allemand, sans que cela ne menace l'unité de l'Etat suisse, belge ou français »75.

Un autre argument facile consiste à parler d'absence de moyens d'édition et à l'entretenir peut-être à dessein. On affirme que tout manque dans ce domaine : dictionnaires, grammaires, manuels, livres de lecture oubliant qu'il suffit d'accorder une priorité sincère à la réalisation des options faites pour permettre aux disponibilités techniques et intellectuelles déjà existantes de se déployer. C'est la meilleure façon de rejoindre la position des intellectuels des années 1965%1970 « qui avaient ajourné cette revendication linguistique en fonction de l'absence - provisoire - des outils d'enseignement et des maîtres formés dans ce projet »76 ; depuis lors, cette absence "provisoire" est demeurée "permanente" en raison de l'indécision notoire des

70 Idem., Ibid., p. 24

71 Idem., Ibid., p. 24

72 cf. BEBEY, Francis, 1992, "Exprimer la vie par les mots, la musique et la voix", entretien réalisé par JALLON Philippe in Diagonales n° 24, p. 4.

73 ALBERIC, Gérard, & HAÏTSE, Véronique, 1992, "Le français et le plurilinguisme en Afrique" in Diagonales n° 24, p. 6.

74 KESTELOOT, L., 1992, "Place, enfin, aux langues nationales" in Diagonales n° 21, p. 25

75 Idem., Ibid.., p. 25

76 Idem., Ibid., p. 25

responsables à divers niveaux et le demeurera tant que la politique de l'autruche sera celle appliquée aux langues nationales dans les différents pays africains.

Il suffira tout simplement donc d'oser et de passer à l'action pour que les blocages soient levés.

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